Lors de l’une de ses visites à domicile, une infirmière libérale s’est étonnée du discours d’une patiente de 79 ans qui a des difficultés à se mobiliser et bénéficie d’une aide à domicile. Elle rapporte qu’elle est un soutien pour cette jeune aide à domicile vulnérable ou, en tous les cas, présentant des zones de fragilité qu’elle a identifiées. Cette personne semble ravie du nouveau rôle dont elle a la charge. L’infirmière s’interroge : ne serait-ce pas plutôt à l’aide à domicile d’accompagner cette personne âgée et soulager sa vulnérabilité ? Est-ce à dire que l’aide à domicile ne pourrait pas être vulnérable et/ ou ne pas en faire état dans le cadre de ses missions professionnelles ? Et une personne âgée en perte d’autonomie ne pourrait-elle pas apporter son aide à une autre personne vulnérable ? Peut-on parler ici de relation paradoxale entre autonomie et vulnérabilité ? Cette dernière est pourtant une caractéristique ontologique, constitutive de notre humanité, que nous rencontrons tous à un moment donné de notre vie. Conviendrait-il d’en faire abstraction dans la relation d’aide ou de soins ? Il importe de rester prudent en fonction des particularités de chaque situation pour ne nuire ni à la personne soignée ni au professionnel. Toutefois, certains auteurs évoquent une vulnérabilité partagée dans la relation de soins, telle Agata Zielinski, docteure en philosophie, qui pense la « rencontre de deux vulnérabilités^*  ». Dans cette relation d’interdépendance, chacun peut y trouver sa part d’humanité, de bienveillance et d’attention à l’égard d’autrui.

L’état de santé de cette personne âgée qui a besoin d’aide évoque d’emblée la perte d’autonomie. Pour autant, il est possible, dans certains cas, de tirer un enseignement positif de ce postulat de départ, en prenant appui sur ses propres vulnérabilités comme ciment d’une relation d’interdépendance où l’estime de soi et la reconnaissance de chacun s’en trouvent renforcées.