L'infirmière n° 053 du 01/02/2025

 

DOSSIER

CONSEILS AUX PATIENTS

Certaines recommandations sont importantes pour limiter les effets indésirables des antiémétiques et optimiser ainsi l’adhésion au traitement.

Gestion des effets indésirables

Vasodilatation

Les sétrons peuvent être responsables de vasodilatation transitoire se manifestant très fréquemment par des céphalées (10 % des cas), mais aussi par des bouffées de chaleur, des flushes faciaux, et éventuellement par de l’hypotension. Le paracétamol peut soulager les céphalées. Conseiller au patient d’éviter les changements brusques de position pour éviter les manifestations d’hypotension orthostatique.

Constipation

Les sétrons et les anti-NK1 sont susceptibles de diminuer le péristaltisme intestinal et peuvent induire fréquemment une constipation. Il est important d’en informer le patient, notamment en cas de traitement majorant ce risque (et éviter ainsi une occlusion intestinale), tels que les morphiniques ou la chimiothérapie par vinca-alcaloïdes (qui provoquent une altération de l’innervation neurologique intestinale). Prodiguer des conseils hygiénodiététiques pour éviter la constipation : maintenir une activité physique dans la mesure des capacités du malade, enrichir l’alimentation en fibres, insister sur l’apport hydrique.

Lors de leur visite au domicile des patients, les infirmières libérales (Idel) peuvent s’assurer que les conditions d’exonération sont adaptées à l’état du patient et le cas échéant, prodiguer certains conseils pour aménager des conditions d’exonération propices : recommander au patient, lorsqu’il est assis aux toilettes, de surélever ses pieds avec un tabouret pour améliorer la position défécatoire, et pour ceux qui ont des difficultés motrices et/ou restent alités, une chaise garde-robe ou un bassin.

Si un traitement laxatif n’a pas été prescrit, orienter le patient vers son pharmacien qui pourra lui conseiller un laxatif osmotique (plus efficace que les laxatifs de lest dans un contexte oncologique).

Somnolence et troubles neurologiques

Alerter sur les risques de somnolence, notamment avec l’olanzapine, et déconseiller, dans ce cas, la conduite automobile. Déconseiller la consommation d’alcool qui majore la sédation. Afin d’éviter les effets indésirables neurologiques du métoclopramide (dystonies, dyskinésies, syndrome extrapyramidal, voire plus exceptionnellement, syndrome malin de neuroleptiques), conseiller au patient de bien respecter un intervalle d’au moins 6 heures entre deux prises (12 heures si forme à libération prolongée), même en cas de vomissement et de rejet de la prise.

Conseils hygiénodiététiques

L’alimentation

Conseiller de fractionner les repas (en six à huit collations/jour) et de manger lentement dans un environnement calme mais convivial. Manger sans attendre d’avoir le ventre vide (ce qui peut majorer les nausées).

Se reposer après les repas (en regardant la télévision, en lisant ou en écoutant de la musique douce) pour diminuer l’anxiété, mais éviter de s’allonger au moins dans les 30 minutes suivant un repas (rester le buste bien droit favorise la vidange gastrique). Si l’état du patient l’oblige à être alité, s’allonger alors de préférence sur le côté droit, dans ce même objectif.

Éviter les plats gras, épicés et les fritures, lourds à digérer (donc susceptibles de rester plus longtemps dans l’estomac et d’être vomis). Privilégier les aliments qui font envie. Expliquer, en particulier à l’entourage du patient, que certains anticancéreux peuvent induire des troubles olfactifs qui rendent certaines odeurs intolérables (fritures, viandes, poissons, mais aussi les odeurs de parfum ou de tabac). En cas de gêne due aux odeurs, conseiller au patient, s’il en a la possibilité, de déléguer la préparation des repas. Proscrire les aliments fortement odorants (choux, oignons, ail…). Préférer les repas froids qui limitent les odeurs et sont souvent mieux tolérés. En cas de dégoût pour la viande rouge ou le poisson, opter pour de la viande blanche, des œufs ou des produits laitiers. En cas de dysgueusies ou de sensation de goût métallique dans la bouche, conseiller au patient de sucer des bonbons acidulés ou mentholés pour enlever le mauvais goût et stimuler la salivation (une sécheresse buccale renforce une dysgueusie) et de consommer des fruits frais (en prenant soin de bien les laver et/ou de les peler pour diminuer le risque infectieux).

Hydratation

Insister sur l’importance d’une hydratation suffisante (eau, jus de fruits, tisanes, bouillons ou soupes, boissons gazeuses servies fraîches, eau citronnée), non seulement pour compenser les pertes hydroélectrolytiques dues aux vomissements et prévenir une déshydratation, mais aussi pour maintenir une hydratation buccale satisfaisante. Conseiller au patient de boire par petits volumes régulièrement répartis dans la journée, de préférence en dehors des repas, et d’éviter l’ingestion de gros volumes qui ont un effet émétisant. Utiliser éventuellement une paille dans un verre (ou une tasse) fermé(e) pour favoriser la prise de petites gorgées et limiter les odeurs.

Après un vomissement

Attendre au moins une heure avant de manger après un vomissement. Pour éviter toute survenue de mucite, il faut conseiller au patient de se rincer la bouche à l’eau froide après un vomissement afin de limiter l’exposition buccale aux résidus de principes actifs dans le bol alimentaire (proscrire les bains de bouche contenant de l’alcool qui exacerbent la douleur liée aux mucites). Rappeler au patient et à son entourage de mettre des gants pour nettoyer les vomissures.

Références

  • https://tinyurl.com/ym4cyv9b
  • https://tinyurl.com/2c84vvss
  • https://tinyurl.com/nhpyj3np
  • - Jovenin N et al. Nausées et vomissements induits par les traitements anti-cancéreux (NVITAC) : quelle prise en charge en 2018 ? Mise à jour du référentiel Afsos. Bull Cancer (2019) https://tinyurl.com/ycxv677r
  • - J. Herrstedt, R. Clark-Snow, CH Ruhlmann, K. Jordanie, F. Scotté Mise à jour des lignes directrices MASCC et ESMO 2023 pour la prévention des nausées et vomissements induits par la chimiothérapie et la radiothérapie au nom des participants à la Conférence de Consensus MASCC/ESMO 2022 *11 janvier 2024DOI : https://tinyurl.com/335zth7m
  • - Desrame Jérôme Post’U 2022 Gestion des effets secondaires des traitements anti-cancéreux : ce que doit savoir tout hépato gastro-entérologue.
  • - Dr Florian Scotté, Dr Philippe Debourdeau, Dr Nicolas Jovenin. Nausées-vomissements induits par les traitements anticancéreux. ITO infos La lettre de la revue innovations et thérapeutiques en oncologie. Juin 2021 https://tinyurl.com/37hyau7d
  • https://tinyurl.com/8p85cekt
  • https://tinyurl.com/muen4zzj
  • - Société nationale française de gastro-entérologie, recommandation pour la pratique clinique de la prise en charge de la constipation https://tinyurl.com/m3r4x6vj

Question de patiente

Certains des médicaments que je prends pour ne pas vomir sont prescrits à part des autres, sur une ordonnance spéciale bleue. À la pharmacie, on a expliqué à mon mari qu’il s’agissait de médicaments d’exception. Qu’est-ce que cela signifie exactement ? Sont-ils plus dangereux que les autres ?

Non, rassurez-vous. Les médicaments d’exception sont en fait des médicaments particulièrement onéreux et d’indications précises. C’est le cas des sétrons, de l’aprépitant et du nétupitant qui sont remboursés dans le cadre d’un traitement anticancéreux, alors que le métoclopramide, par exemple, pourrait aussi être remboursé pour une gastro-entérite. Les médicaments d’exception sont remboursés par la Sécurité sociale uniquement s’ils sont prescrits sur une ordonnance spéciale qui permet au médecin de certifier que sa prescription entre dans les indications ouvrant droit au remboursement.

L’avis de l’expert

Pr Jérôme Desramé, oncologue digestif, hôpital Jean Mermoz (Lyon)

Quel rôle spécifique les infirmiers libéraux ont-ils à jouer ?

Les infirmiers libéraux jouent un rôle clé pour vérifier la bonne observance des traitements antiémétiques et la bonne compréhension des plans de prise : le patient doit savoir faire la différence entre les médicaments préventifs - qui doivent être pris systématiquement, sans attendre les symptômes - et les traitements de secours, à prendre à la demande. Du fait de leurs visites à domicile, les infirmiers libéraux sont bien placés pour observer le patient dans son environnement et lui prodiguer, ainsi qu’à son entourage, les conseils non médicamenteux pour limiter les NVITAC, comme notamment faire attention à certaines odeurs qui déclenchent les nausées. Dès lors qu’un patient se sent nauséeux, il ne faut pas le forcer à manger car une trop grande insistance de l’entourage quant à l’alimentation peut aboutir à majorer les NVITAC et l’anorexie. En revanche, il est important d’insister sur le maintien d’une hydratation en buvant de l’eau par petits volumes. Si les vomissements sont de grade 2 (ou supérieurs) et/ou si l’arrêt des prises hydriques menace l’état d’hydratation du patient, il faut alors l’adresser vers une consultation hospitalière.