L'infirmière n° 053 du 01/02/2025

 

ACTUALITÉS

PARCOURS PROFESSIONNEL

Geneviève Perennou  

Cette étude examine les facteurs influençant le parcours professionnel des infirmières à différentes étapes de leur carrière. Quels sont les éléments qui les attirent vers la profession, les encouragent à y rester, ou les poussent à la quitter ?

Pour mener cette analyse, une recherche anglaise narrative a été conduite en 2022-2023 à partir de plusieurs bases de données médicales. Les résultats révèlent une combinaison de facteurs communs à toutes les étapes de la carrière et ceux spécifiques à chaque phase, comme certains éléments récurrents : le soutien professionnel, la flexibilité des horaires, les opportunités d’évolution, l’équité de traitement et la rémunération.

Période d’études

Les formations en soins infirmiers font face à des taux d’abandon élevés. En Angleterre, ils oscillent entre 13 et 24 %, et sont nettement supérieurs à ceux observés dans d’autres filières médicales comme la médecine ou la kinésithérapie, à hauteur de 5 % environ (Palmer et al., 2023). L’adaptation difficile aux conditions d’études pour les étudiants éloignés de leur lieu d’origine, les contraintes spécifiques des stages cliniques et les horaires chargés, ainsi qu’un décalage entre les attentes et la réalité du cursus contribuent notamment à cette situation. Beaucoup d’étudiants sont surpris par la difficulté du programme, tant sur le plan académique que pratique. Ce choc peut mener à un sentiment d’inadéquation et, in fine, à l’abandon (Canzan et al., 2022).

Un repérage des étudiants à risque est essentiel afin de leur apporter une aide adéquate, au moment des études (réseau entre étudiants, accompagnement spécifique de la part des enseignants) mais aussi du stage grâce à un soutien majoré des tuteurs.

Intégration professionnelle des infirmiers débutants

L’entrée dans la vie professionnelle est une étape clé pour les infirmiers novices, qui influence profondément leur engagement futur (Wanous et al., 1992). Cette période implique l’assimilation de nouveaux systèmes, valeurs et normes, formels et informels, qui constituent la culture organisationnelle de leur environnement de travail, tout comme l’acquisition de compétences professionnelles, l’établissement de relations interprofessionnelles et la confrontation au « choc de la réalité ». Ce « choc » peut exacerber les difficultés d’adaptation (Ulupinar et Aydogan, 2021) et augmenter le risque d’abandon précoce (Cao et al., 2021).

Les facteurs de risque d’abandon comprennent une rémunération insuffisante, un stress professionnel élevé, une insatisfaction au travail, du harcèlement, des problèmes d’équipement et une charge de travail excessive. Le rôle des professionnels aguerris est ici essentiel afin de soutenir le groupe dans cette étape.

Il est important de noter que, bien que la rétention soit généralement souhaitable, certains départs volontaires peuvent être bénéfiques, permettant ainsi d’éviter une « rétention dysfonctionnelle » (Schiemann, 2009), situation où des employés inadaptés restent dans l’organisation, ce qui peut nuire à la qualité des soins et à la productivité globale.

Les infirmiers en milieu de carrière

Cette population joue un rôle essentiel dans la stabilité des systèmes de santé. Les raisons qui poussent cette catégorie d’infirmiers à quitter leur poste sont diverses. On relève, notamment, l’épuisement professionnel, le sous-effectif, le stress, le manque d’avancement et de reconnaissance, le soutien insuffisant de l’encadrement, les conflits travail-famille et l’insatisfaction salariale. Pour favoriser leur maintien en poste, il est important d’offrir un fort soutien entre collègues, un leadership accessible, une autonomie professionnelle, une culture organisationnelle positive, des ressources adéquates, une voix dans les prises de décision, un équilibre travail-vie personnelle, ainsi que des opportunités d’avancement et de formation continue.

Mais il ne faut pas supposer pour autant que ceux qui restent en poste sont pleinement satisfaits. Par exemple, en Angleterre, les infirmiers montrent des niveaux élevés d’épuisement professionnel, révélateurs d’un personnel surchargé (Dall’Ora et al., 2023).

Personnel en fin de carrière

La rétention de cette catégorie est un enjeu important pour les services de santé. Certains infirmiers envisagent en effet une retraite anticipée, notamment pour des problèmes de santé liés au travail, du stress chronique, par désir de consacrer plus de temps à leur famille ou pour assurer leur sécurité financière. Sur le plan professionnel, le sentiment de non-reconnaissance et de sous-estimation des compétences, les stéréotypes négatifs liés à l’âge (bien que souvent infondés), les mauvaises conditions de travail (sous-effectif, manque de diversité des tâches) et le faible sentiment de justice organisationnelle sont autant de causes qui peuvent pousser les infirmiers à quitter leur poste.

Les employeurs ont à leur disposition plusieurs stratégies pour éviter les départs : repenser l’ergonomie des postes de travail pour prévenir les risques (Uthamanuthaman et al., 2016), offrir des opportunités de tutorat et reconnaître l’expertise des soignants expérimentés dans la transmission des compétences aux plus jeunes professionnels. Améliorer les conditions de travail en offrant une flexibilité des horaires, proposer une rémunération adéquate et apporter un soutien de l’encadrement sont également essentiels.

Reprise après une interruption

La reprise de fonction après une interruption de carrière concerne généralement les femmes de 45 ans et plus, avec des responsabilités familiales. Les conditions qui facilitent leur retour incluent des cours de remise à niveau, une supervision clinique, l’automotivation, le soutien familial et la présence de tuteurs qui les sécurise dans un environnement qui s’est beaucoup transformé depuis leur départ.

Facteurs communs et spécifiques

Cette revue narrative met en lumière des constantes tout au long de la vie professionnelle, telles que la vocation, le soutien sur le lieu de travail, des horaires flexibles, la reconnaissance, les opportunités d’avancement et un traitement équitable. Plus spécifiquement, on retrouve, en début de carrière, les difficultés de transition et la conciliation études-travail ; en milieu, le manque de progression ; et en fin de carrière, le manque de reconnaissance et le coût du retour à la pratique (obligatoire et payant en Angleterre).

En conclusion, une approche multidimensionnelle, prenant en compte les aspects professionnels, personnels et financiers, est nécessaire pour retenir efficacement les infirmiers à différentes étapes de leur parcours et bénéficier de leur précieuse contribution au système de santé.

Références