L'infirmière n° 053 du 01/02/2025

 

RECHERCHE

OUTIL THÉRAPEUTIQUE

Qui ne s’est pas déjà interrogé sur ces liens si forts qui se tissent entre l’animal et l’humain ? En France, la médiation animale est surtout utilisée au sein des lieux de vie comme les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ou les maisons d’accueil spécialisées, où elle apporte apaisement et réconfort. N’est-elle pas transférable en secteur hospitalier, notamment en court séjour ?

Pour avoir pratiqué, lors d’un stage, une séance de médiation animale auprès d’une personne en fin de vie, agitée dans un moment d’anxiété, nous avons eu la grande satisfaction de la voir, petit à petit, retrouver son calme. Cette patiente, totalement dépendante pour les actes de la vie quotidienne, ne souhaitait plus participer aux activités proposées, se lever de son lit, ce qui n’était pas dans ses habitudes. Voyant son état de santé se dégrader, l’équipe de l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) a décidé de mettre en place une prise en soins palliative. C’est dans le cadre de cet accompagnement que la médiation animale lui a été proposée. Durant toute la séance et jusqu’à la fin, la patiente a exprimé des émotions intenses : sourire, pleurs… Elle était détendue, réconfortée en fin de la séance, voire moins « en détresse » moralement. Cet événement a confirmé le constat que les animaux peuvent avoir un impact positif sur les personnes en souffrance. Le présent article est issu d’un travail de fin d’études (TFE) en institut de formation en soins infirmiers (Ifsi), basé sur l’analyse de la situation rencontrée en Ehpad. L’orientation donnée à ce travail d’initiation à la démarche de recherche est de collecter et d’analyser des données probantes afin d’étayer la transférabilité de la médiation animale en court séjour.

MÉDIATION ANIMALE ET ZOOTHÉRAPIE

Il convient tout d’abord de définir les termes de zoothérapie et de médiation animale. « La zoothérapie désignerait une pratique dans laquelle l’animal serait lui-même thérapeute. Or, il n’en est rien. L’animal participe à une médiation, une triangulation, dans laquelle l’intervenant comme la personne accompagnée sont tout aussi importants. L’animal n’est donc pas le thérapeute de la situation mais il s’associe de façon active pour former, ensemble, une équipe et un cadre porteurs de thérapie(1). » La différence sémantique serait en fait simplement géographique. « Le terme de zoothérapie est davantage utilisé au Québec et en Suisse. Et le terme de médiation animale est davantage utilisé en France. Pourquoi essaye-t-on encore d’être différent ? Pour cela, il faut se tourner vers nos médecins. À tort ou à raison, ceux-ci remettent en cause le terme de thérapie(2). » La médiation animale est définie comme : « Une pratique qui s’appuie sur les relations homme/animal visant à développer, maintenir, motiver ou améliorer les capacités physiques, sensorielles, cognitives, sociales et comportementales des personnes fragilisées et/ou dépendantes(3). » L’animal facilite la relation grâce à son absence de jugement. Cette pratique trouve son origine au XVIIIe siècle, avec l’Anglais William Tuke, philanthrope et humaniste. Révolté de voir comment vivent certains malades mentaux dans un asile du nord de l’Angleterre, il fonde un institut nommé « York Retreat » en 1796. Tuke confie des animaux, notamment des lapins et des volailles, aux malades mentaux, dans l’optique de leur permettre d’améliorer leur qualité de vie. Les résultats de cette expérience se sont tout de suite montrés positifs. Aux États-Unis, en 1953, Boris Mayer Levinson(4), pédopsychiatre américain, est le pionnier de la médiation animale. Il s’est rendu compte, lors d’un entretien avec un jeune autiste, que la présence inhabituelle de son chien nommé Jingle avait des effets positifs sur le comportement de ce jeune garçon. Alors que le patient ne s’exprimait jamais face au pédopsychiatre, il est entré rapidement en contact avec Jingle et s’est exprimé pour la première fois. En France, à Bordeaux, en 1976, Ange Condoret (vétérinaire) s’est intéressée aux travaux de Levinson et a créé la méthode IAMP (intervention animale modulée précoce) pour les enfants dont la communication verbale est impossible. Les animaux les plus utilisés en médiation animale sont les chiens et les chats. Cependant, il est possible d’avoir recours à d’autres espèces : chevaux, lapins, ou les rongeurs comme les rats domestiques, les chinchillas, les cochons d’Inde, les hamsters et les souris qui font partie des NAC (nouveaux animaux de compagnie)(5). Le choix de l’espèce animale est guidé par les caractéristiques du malade (pathologie, symptômes, âge,...