L'infirmière n° 053 du 01/02/2025

 

ACTUALITÉS

ÉVÉNEMENT

Anne-Lise Favier  

La Société française d’étude et de traitement de la douleur (SFETD) s’est réunie à Lille fin novembre 2024 pour son congrès annuel. L’occasion, pour les adhérents, d’observer le passage de relais à la tête de la SFETD et d’échanger autour des dernières avancées dans le domaine.

La douleur étant une thématique universelle, la SFETD a ouvert son congrès annuel par une session de pain talk pour sensibiliser le grand public à des problématiques qui le concernent directement. Soutenu par la fondation Apicil, cet événement a permis aux professionnels d’informer les patients sur la médication, la douleur chronique ou la gestion de la douleur par le mouvement. Le congrès a réuni quelque 2 000 professionnels, dont un tiers d’infirmiers, selon la Pr Valéria Martinez, présidente sortante de la SFETD qui a tenu à saluer son successeur, le Pr Éric Serra, psychiatre et chef de service du centre de traitement de la douleur au CHU d’Amiens. Outre les communications scientifiques sur les dernières avancées, la SFETD a fait le point sur les opioïdes, rappelant les risques liés à leur mésusage et l’existence d’un antidote, la naloxone, que les professionnels ne se sont pas assez appropriée. Néanmoins, les opioïdes suscitant de nombreuses craintes, la SFETD redoute qu’une forme d’opiophobie « risque d’aggraver le phénomène d’oligoanalgésie (insuffisance à reconnaître et à fournir une analgésie chez les patients douloureux, NDLR) déjà présente en France, notamment en situation d’urgence », a alerté la Pr Martinez. Elle a d’ailleurs demandé à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) un moratoire sur la mise en place d’ordonnances sécurisées pour la prescription de codéine et du Tramadol à partir du 1er décembre 2024 : une demande qui a été entendue puisque l’ANSM l’a reportée au 1er mars 2025. Rappelons qu’en France, selon une enquête menée en 2022, 135 décès ont été liés aux opioïdes, soit environ 0,2 décès pour 100 000 habitants, loin des 20 décès pour 100 000 recensés outre-Atlantique. La vigilance est de mise mais « le scandale avec les opioïdes, ça n’est pas de les prescrire, selon le Pr Éric Serra, c’est de ne pas les prescrire ». En juillet dernier, le collège infirmier français avait rappelé la formation et l’expérience clinique des infirmières dans l’évaluation des risques de mésusage et la lutte contre l’addiction.

Posture du soignant

Lors du congrès, la question de la douleur a été abordée sous l’angle du lien entre la qualité de sa prise en charge et le fonctionnement des institutions : Anne Masselin-Dubois, psychologue clinicienne à l’université de Bourgogne, a rappelé que la mutation de l’hôpital et l’hyper technicisation du soin pouvaient conduire à une médecine à la chaîne qui soigne le corps au détriment du sujet : « Le soignant n’est pas seul face à son patient douloureux, la dynamique institutionnelle doit l’accompagner », a-t-elle affirmé. Cette posture questionne sur la juste distance émotionnelle que le soignant doit adopter face à la souffrance de ses patients. Pascale Brillon, directrice de l’institut Alpha à Montréal et psychologue spécialisée dans le trauma et la résilience, a rappelé pourquoi les soignants étaient susceptibles de développer ce que l’on appelle de la fatigue compassionnelle ou un trauma vicariant, en étant exposés à la détresse de leurs patients : « J’ai assisté à de nombreux deuils de professionnels ; pourtant, nous n’avons pas les moyens de perdre toutes ces expertises, ces vocations, ces expériences », a-t-elle martelé, dessinant des pistes pour entretenir ce qu’elle appelle la vitalité du soignant. Une thématique qui rejoint le propos du Pr Régis Aubry, médecin en soins palliatifs au CHU de Besançon et membre du comité consultatif d’éthique, qui se penche sur l’éthique du soin en lien avec les avancées de la médecine : « Si celles-ci permettent de vivre plus longtemps, elles entraînent parfois des situations de vulnérabilité sur lesquelles il faut s’interroger », a-t-il rappelé. Une manière de remettre le patient au cœur de la prise en charge afin d’en faire un acteur du soin à part entière.

Du changement aussi à la CPI

La commission professionnelle infirmière (CPI) a également été renouvelée : la présidente sortante de la SFETD a tenu à saluer le travail de Karine Constans, représentante sortante de la CPI, « qui a su rappeler l’importance de la profession infirmière dans les travaux de la SFETD avec constance et ténacité et a permis de grandes avancées sur certains dossiers importants, comme le protocole de coopération médecin-infirmier qui est en cours de finalisation », a-t-elle rappelé. C’est Hélène Anderson-Libier, infirmière ressource douleur et cadre de santé au CHU de Lille, qui prend sa succession.