L'infirmière n° 053 du 01/02/2025

 

EXERCICE LIBÉRAL

RECONVERSION

Laure Martin  

Alors que les infirmières libérales dénoncent depuis de nombreuses années une dégradation de leurs conditions de travail, jusqu’à faire le choix de quitter le libéral, et même le métier, d’autres, au contraire, ont fait le pari inverse. Témoignages.

Formateur, électricien, ingénieur, technicienne de laboratoire ou encore cadre : ils ont décidé d’arrêter leur métier initial et de reprendre leurs études en intégrant un institut de formation en soins infirmiers (Ifsi) pour devenir, dans un premier temps, infirmier, puis d’exercer en libéral. Les raisons les ayant conduits à effectuer ce choix sont variées, et souvent propres à chacun. Pour autant, des points communs se dégagent : recherche d’une stabilité, quête de sens et d’utilité avec l’idée de prendre soin des autres. Quant au libéral, il répond à plusieurs autres critères, tels que le rejet de la hiérarchie hospitalière, la volonté d’être autonome, indépendant, de pouvoir choisir sa patientèle, son mode d’exercice ainsi que ses horaires. Ils sont huit à avoir accepté de nous raconter leur histoire. Et même si, pour certains, la pratique libérale n’est pas de tout repos face aux durcissements des conditions de travail, aucun d’entre eux ne regrette son choix de reconversion.

Il faut savoir saisir les opportunités

Pierre Manchon, Idel en Provence-Alpes-Côte d’Azur

« J’ai passé mon baccalauréat en génie électrotechnique en 1987 et j’ai travaillé pendant plusieurs années comme électricien industriel en trois-huit. C’était fatigant, lassant et je n’avais pas de perspective d’évolution. À la naissance de ma fille, j’ai eu envie de changement. À 33 ans, j’ai décidé de passer un BTS en mécanique et automatismes industriels. Mais tout a basculé. Je me suis séparé de ma compagne et j’ai eu un accident de moto entraînant de nombreuses interventions, trois semaines d’hospitalisation et trois mois en centre de rééducation. Je suis toutefois parvenu à valider mon BTS. Mais lors des différentes opérations chirurgicales, le nerf d’une de mes mains a été sectionné, me rendant à l’époque infirme. Difficile alors de postuler dans mon domaine. J’ai donc passé un bilan de compétences, qui m’a orienté vers la médecine mais les études étaient trop longues. Étant souvent à l’hôpital, j’ai pu observer les soignants, déjà en tension. Attiré par ce métier, j’ai décidé de passer le concours de l’Ifsi en 2007, et à l’issue de mon cursus, j’ai exercé dans des centres de rééducation et à l’hôpital. J’ai ensuite découvert - et aimé - le domicile via le service de soins infirmiers à domicile, avant de me lancer en libéral en 2017. Après avoir travaillé avec deux titulaires, j’ai eu l’opportunité d’acheter une patientèle en milieu rural. J’ai apprécié cette autonomie, la possibilité d’offrir un soutien social aux patients, surtout en milieu rural où les personnes sont souvent isolées. Mais je me suis épuisé à travailler seul. J’ai donc revendu ma patientèle et depuis avril 2024, je suis de nouveau remplaçant. Je ne regrette aucun de mes choix. Devenir infirmier a été difficile mais il faut savoir saisir les opportunités. J’ai aussi fait ce choix pour ma fille, pour qu’elle ait un exemple et qu’elle soit fière de moi. »...