L'infirmière n° 053 du 01/02/2025

 

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POLITIQUE

Adrien Renaud  

Dans le gouvernement annoncé par François Bayrou le 23 décembre dernier, la Santé revient à Yannick Neuder, jusqu’ici député (LR) de l’Isère. Mais rien ne dit que ce cardiologue saura mieux pousser les dossiers infirmiers que ses (nombreux) prédécesseurs récents.

Et de sept ! En nommant Yannick Neuder au poste de ministre de la Santé, François Bayrou a fait de ce spécialiste de la santé chez Les Républicains le septième occupant de l’avenue Duquesne depuis la réélection d’Emmanuel Macron (et le quatrième pour 2024). Autant dire que ce cardiologue qui a fait carrière au centre hospitalier universitaire de Grenoble sait que ses fonctions peuvent prendre fin à tout moment… Député de l’Isère depuis 2022, le nouveau ministre a pris son envol politique au conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes, où il a fait ses classes dans le sillage de Laurent Wauquiez. Puis il a pris du poids au Palais Bourbon, portant plusieurs propositions de loi relative aux carrières médicales et devenant rapporteur du budget de la Sécurité sociale, texte qui a fait chuter le gouvernement Barnier.

Équilibres subtils

Le choix de ce représentant de la droite est le fruit de subtils et instables équilibres politiques qui allient, dans la formation du gouvernement, changement et continuité. Il y a bel et bien du changement, puisque Geneviève Darrieussecq, dont beaucoup croyaient à la reconduction en tant que membre du Modem, a été remerciée. Mais il y a aussi de la continuité : comme sous le gouvernement d’Élisabeth Borne, la Santé se retrouve sous la tutelle d’un grand ministère où se trouvent le travail, la solidarité et la famille, portefeuille taille XXL de nouveau détenu par l’ex-LR, Catherine Vautrin. Autre invariant : l’absence de majorité parlementaire, qui ne manquera pas de freiner l’action de Yannick Neuder. Voilà qui questionne sérieusement sa capacité à faire voter le budget de la Sécurité sociale qu’il n’a pas su faire adopter en tant que rapporteur, mais aussi à faire avancer les dossiers infirmiers qu’il va trouver sur son bureau. Et ceux-ci ne manquent pas, à commencer par la refondation de la profession et la loi infirmière (https://tinyurl.com/55uppj8a) dont on ne connaît toujours pas la teneur exacte, ou la loi sur les ratios qui doit être débattue courant janvier. « Le ministère de la Santé est le plus beau des ministères, celui du soin et de la protection des plus vulnérables », s’est félicité le ministre sur le réseau social X (https://tinyurl.com/338ykavs) dès sa nomination, listant les « nombreux défis » qui l’attendent : « Lutte contre la désertification médicale, vieillissement de la population, soutien à nos établissements et nos professions de santé, politique ambitieuse de prévention, souveraineté sanitaire. »

Impatience palpable

L’accueil de cette nomination par la profession a été plutôt discret. On est loin de l’avalanche de communiqués habituellement envoyés. Un silence relatif qui s’explique peut-être par la période (fêtes de fin d’année)… mais on ne peut s’empêcher d’y voir une forme de lassitude face à la valse des ministres : tout le monde est conscient de l’espérance de vie probablement très courte de Yannick Neuder en tant qu’occupant de l’avenue Duquesne. On peut toutefois noter la réaction de l’Ordre national des infirmiers (ONI) qui, rappelant qu’une « réforme de la profession infirmière est annoncée par les pouvoirs publics » et qu’elle est « attendue tant par les Français que par les 640 000 infirmiers qui composent la profession », peine à cacher son impatience. « La reconnaissance et l’évolution de leurs missions sont devenues une priorité, affirme Sylvaine Mazière-Tauran, sa présidente. Aussi, l’Ordre se tient prêt à travailler aux côtés de cette nouvelle équipe gouvernementale. » Côté Idel, le Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil) a hâte de voir Yannick Neuder à l’œuvre. « Le Sniil souhaite attirer l’attention sur l’importance des négociations conventionnelles, dont l’ouverture est corrélée à l’adoption de [la] loi infirmière, estime le syndicat. Ces négociations sont indispensables à la fois pour encadrer les nouvelles compétences et pour revaloriser les actes, dont le montant est gelé depuis 2009 pour certains. » Le moins que l’on puisse dire est que le cardiologue isérois est attendu de pied ferme.