L'infirmière n° 055 du 01/04/2025

 

DOSSIER

LES AIDANTS FAMILIAUX

Les aidants familiaux jouent un rôle pivot pour le maintien à domicile des personnes âgées. Pour autant, ils bénéficient encore peu d’accompagnement. Quels sont les enjeux ? Le point avec Martine Aulagnier, présidente de l’association Passerelle Assist’Aidant.

Quelle reconnaissance est accordée aux aidants familiaux dans le cadre du maintien à domicile ?

Martine Aulagnier : La très grande majorité des Français souhaitent vieillir à domicile et du fait du vieillissement de la population, les prises en charge sont de plus en plus nombreuses. Il s’agit d’une question de santé publique et de cohésion sociale. Si nous observons le maintien à domicile proposé aux publics fragiles, d’importants efforts ont été mis en œuvre avec un rôle prépondérant accordé aux infirmières libérales, à l’hospitalisation à domicile et aux services de soins infirmiers à domicile. Bien sûr, il y a toujours des limites à ce maintien à domicile, pour autant, à présent, il est possible d’y rester plus longtemps ; la véritable question étant celle de la solvabilité du secteur. A contrario, peu d’offres concernent le soutien aux aidants familiaux. Nous sommes face à un déséquilibre. Ils sont les oubliés du système alors qu’ils sont fondamentaux pour le maintien à domicile des personnes dépendantes. Sans eux, qui prendrait les rendez-vous médicaux ? Qui accueillerait les professionnels à domicile ? Qui coordonnerait les soins ? Ils sont pivots mais ce rôle ne leur est pas reconnu. Or, les aidants sont fatigués, stressés, ils sont confrontés à des problèmes de sommeil, à des maux de dos et sont déprimés. Face à cette réalité, les infirmières jouent un rôle important, car elles sont les personnes de confiance des aidants. Elles endossent un rôle de vigilance et d’information pour les orienter au mieux. C’est le cri d’alarme que je pourrais pousser : orienter les intentions et les soins vers les proches aidés est une bonne évolution, mais le regard sur les aidants doit, lui aussi, être amplifié.

Au-delà de ce regard, que mettre en place pour les aidants ?

M. A. : Il faut tout de même noter que désormais, dans les formations des infirmières et aides-soignantes, un focus est effectué sur les aidants familiaux et leurs problématiques, ce qui prépare les futures professionnelles à la question de l’aidance. Les infirmières en exercice ne sont toutefois pas forcément informées des dispositifs existants à destination des aidants. Elles doivent y être vigilantes. Actuellement, elles peuvent les orienter vers les maisons des solidarités et les dispositifs d’appui à la coordination, qui dépendent des conseils départementaux, ou vers les plateformes de répit, qui relèvent des agences régionales de santé. L’enjeu est réel car les aidants familiaux ne se reconnaissent pas nécessairement dans leur rôle. Pour eux, le soutien qu’ils apportent à leur proche est normal. De fait, dès lors qu’ils évoquent les difficultés qu’ils rencontrent, il faut pouvoir les orienter et créer des passerelles autour du maintien à domicile.

Quel soutien vont-ils trouver dans ces structures ?

M. A. : Au sein de ces structures, un travailleur social accueille l’aidant et effectue un premier diagnostic sur ses difficultés, ses besoins et lui explique ses droits. Le suivi est personnalisé. Les droits des aidants varient selon leur situation, il faut donc vraiment les inciter à rencontrer des travailleurs sociaux. Mais cet accompagnement doit être davantage coordonné. Actuellement, ces droits sont encore insuffisants financièrement et difficiles à obtenir administrativement. Comme ils sont peu connus, ils sont finalement peu utilisés. La France n’est pas particulièrement en retard par rapport aux autres pays. Partout, les freins sont principalement culturels et financiers. On note cependant une plus grande mobilisation des entreprises privées sur ces questions comme de certaines mutuelles, qui pourraient néanmoins s’investir davantage.