OBJECTIF SOINS n° 0290 du 08/12/2022

 

Démocratie sanitaire

ACTUALITÉS

Claire Pourprix

  

Le collectif Action Patients a mené une enquête sur la qualité de la prise en charge vue par les patients et les soignants. L’enjeu : s’appuyer sur des remontées de terrain pour faire bouger les choses.

Quelque 2 000 personnes ont répondu présentes à l’appel du collectif Action Patients : 1 700 patients et 300 soignants. Créé en juin 2022, ce dernier rassemble une trentaine d’associations de patients qui ont décidé de s’unir pour évaluer l’évolution de la qualité de la prise en charge sur les 12 derniers mois. « Nous avions besoin de savoir si ce que nous percevions était bien la réalité de terrain », explique Éric Buleux-Osmann, président de la Fédération Transhépate (patients greffés du foie), lui-même transplanté et inquiet des pertes de chances que peut représenter la difficulté à recevoir un diagnostic ou encore le report d’examens.

L’enquête, menée en ligne du 28 septembre au 7 octobre 2022, livre des résultats éloquents. Les patients, pris en charge à l’hôpital public à 80 %, sont près de 50 % à avoir rencontré des difficultés, notamment : l’accès à des examens diagnostiques (18,6 %) ou à des consultations de suivi (14,2 %), des reports de soins (15 %), et 14,3 % évoquent des délais anormalement longs pour une première consultation. Les enquêteurs soulignent que : « Pour près de 40 % des patients, aucune raison n’a été invoquée pour justifier ces difficultés et lorsqu’elles sont expliquées, elles tiennent en tout premier lieu au manque de médecins (30,2 %) et d’infirmiers ou autres personnels soignants (23,3 %). »

Des difficultés de soins aux pertes de chance

Côté soignants, les résultats ne sont pas moins alarmants. Ils sont près de 60 % à reconnaître « avoir dû proposer une prise en charge non optimale en raison d’un manque de ressources ». Ils évoquent des difficultés à adresser leurs patients, à obtenir un rendez-vous pour des examens diagnostiques ou avec un spécialiste hospitalier, reconnaissent avoir dû reporter des soins (44,3 %), allonger les délais de consultations de suivi (38,8 %) ou de première consultation (37,9 %) et même refuser des soins (30 %). Le manque de personnels soignants et d’infirmiers est responsable de ces difficultés pour plus de 80 % des répondants soignants, de même que le manque de médecins (près de 60 %) et la fermeture de services (52,8 %).

En conclusion, plus de 30 % des patients estiment que leur prise en charge s’est dégradée au cours des 12 derniers mois, et parmi eux une large majorité pense que cela a eu des impacts sur leur santé physique ou psychologique, ou sur celle de leurs proches.

La perception des soignants est encore plus sombre : 85 % d’entre eux avancent que la prise en charge des patients s’est dégradée et 75 % que cela génère des pertes de chance. Ils sont d’ailleurs plus de 80 % à considérer que « sans réforme du système de santé, la qualité et la prise en charge se dégradera au point de mettre en danger la santé des patients ».

Des réformes attendues

Pour Éric Buleux-Osmann, l’intérêt d’une telle enquête est de « disposer de réponses statistiquement intéressantes dont les résultats montrent qu’il faut faire bouger les choses. Le gouvernement a déjà entrepris des mesures pour les urgences, pour la pédiatrie… des pansements sur une jambe de bois. Cela ne suffit pas car le problème n’est pas pris dans sa globalité ». Le collectif Action patients, sur la base de ces données, entend frapper l’opinion pour que les patients réalisent qu’ils ne sont pas seuls à vivre ces difficultés. Et amener le gouvernement à les associer à la mise en œuvre des nécessaires réformes de notre système de santé.