OBJECTIF SOINS n° 0290 du 08/12/2022

 

Exposition

CULTURE

Rubrique réalisée par Yannick Moszyk et Pascale Thibault

  

Naevus, mélanome, adénome sébacé, lambliases duodénales : des noms barbares pour le profane, mais qui sont le quotidien des anatomo-pathologistes à travers l’objectif de leur microscope. « L’anapath », comme l’appellent les médecins, est une spécialité transversale qui scrute les altérations organiques des tissus et cellules provoquées par la maladie. Les images observées, obtenues grâce à des coupes savamment préparées, dévoilent des paysages abstraits susceptibles de laisser parler son imaginaire. C’est de ce postulat qu’est née l’exposition « L’infiniment petit en grand format » qui a débuté à Talent Garden à Lille et qui voyagera ensuite vers Bordeaux. Portée par Unilabs, cette exposition dévoile des photos XXL de l’infiniment petit « pour rendre hommage à ce métier qu’est celui de l’anatomo-pathologiste et peut-être susciter des vocations », explique le Dr Gilles Vilmant, Business developper et formateur au sein d’Unilabs France. Si la discipline utilise tous les types de microscopie, elle se base de plus en plus sur les techniques de biologie moléculaire, fournissant des images assez incroyables du cœur des cellules, au cœur du patrimoine génétique. Du côté du diagnostic et de l’accompagnement au pronostic de guérison, l’anatomo-pathologie s’appuie sur l’expertise de ses médecins dont le travail demeure indispensable, désormais assisté par l’intelligence artificielle pour seconder leur œil aguerri. L’occasion de découvrir ou re-découvrir une discipline peu connue qui couvre pourtant l’ensemble des spécialités médico-chirurgicales.

L’infiniment petit en grand format. Au Talent Garden - Centre Westfield Euralille de Lille, jusqu’au 21 octobre dernier, et à venir dans dans d’autres villes. À voir et à suivre sur https://www.exposition-unilabs.fr/

Pour permettre de recontacter certains souvenirs enfouis et y mettre un nouveau sens, l’écriture est un moyen thérapeutique déjà bien éprouvé. Pour autant, utiliser cet outil chez la personne âgée peut, dans ses derniers instants, « conduire à une réconciliation avec soi-même et ses parents ». À partir d’un récit personnel, c’est le regard que portent Anne-Marie Merle-Béral, neuropsychiatre et psychanalyste et Rémy Puyuelo, neuropsychiatre et rédacteur en chef de la revue Empan. En effet, à partir des traumatismes anciens et malgré les pertes de chronologie, l’écriture comme récit de vie permet d’en dégager une cohérence et de « transmettre à ses descendants une cohésion véritable ». Il n’est jamais trop tard pour un travail psychique qui va vers la résilience, c’est ce que nous enseigne cet ouvrage qui revient vers les figures tutélaires qui ont jalonné l’enfance et ont orienté la construction identitaire. Cette réflexion favorisée par l’écriture est ce qui permet de recontacter l’enfant en soi pour voir comment il a évolué. La vieillesse, en tant qu’elle peut constituer un remaniement psychique, réactive cet enfant en soi dans des vas et viens permanents. Cet ouvrage constitue ainsi une lecture des processus psychiques à l’œuvre pour faire de nouveau ami avec lui là où il avait été mis de côté.

Écrire avant la nuit. Quand la personne âgée écrit sur son enfance, Anne-Marie Merle-Béral, Rémy Puyuelo (Érès, septembre 2022), 176 pages.

L’hôpital public est, depuis plusieurs années, en souffrance. Que ce soit à cause des insuffisances de la médecine de ville ou des conséquences des réformes politiques visant à le transformer, le service public de santé voit ses moyens s’amenuiser et sa qualité s’infléchir. André Grimaldi, professeur émérite de diabétologie au CHU de la Pitié-Salpêtrière à Paris, revient dans cet ouvrage sur l’inventaire des faiblesses de l’hôpital tel qu’il est devenu pour en diagnostiquer les défaillances, les défauts et les contraintes qui s’intensifient depuis plus de soixante ans. À partir de ce constat, et loin de tout pessimisme, il propose un traitement basé sur davantage de territorialisation, de réorganisation et de réflexions économiques et sociales au travers de mesures qui, selon lui, sont essentielles pour sauver l’hôpital. Véritable plaidoyer pour le débat démocratique, la lecture de cet ouvrage interroge sur ce qui a pu s’installer voire se déliter au fil des années. Pour autant, l'optimisme, au travers d’un autre regard, est possible.

L’hôpital nous a sauvés : sauvons-le ! 10 mesures pour sauver l’hôpital public, Pr André Grimaldi, préface d’Alain Supiot (Éditions Odile Jacob, octobre 2022), 112 pages.

Travailler quand même alors que plus rien ne va reste un comportement difficile à aborder au sein du monde professionnel. Depuis les années 1990, ce présentéisme fait l'objet d’un approfondissement dans la mesure où il revêt plusieurs facettes, passant par « l’extra-présence ou la sur-présence physique », alors que le comportement de ces travailleurs témoigne d’une souffrance psychique et d’une perte de possessions de leurs moyens. « Perte de concentration, perte de sens, démission intérieure, retrait de la vie sociale de l’entreprise » sont alors autant de symptômes qui jusqu’ici s’appréhendaient essentiellement d’un point de vue managérial. En choisissant de poursuivre la réflexion à partir des professions du champ sanitaire et social et en se tournant vers les médecins du travail, Alain Vilbrod, professeur émérite de sociologie à l’université de Bretagne occidentale, témoigne plus subtilement des raisons qui font que les travailleurs « rejoignent  leur poste alors que leur santé est défaillante ». Cet ouvrage pourra compléter l’analyse des managers confrontés à ce genre de situation, en leur offrant une nouvelle grille de lecture plus clinique et plus sociologique sur un phénomène de plus en plus d’actualité et en lien avec les changements des organisations.

Travailler en étant malade. Enquête auprès de salariés du champ sanitaire et social présenteistes et de médecins du travail, Alain Vilbrod (Éditions l’Harmattan, Collection Le travail du social, juillet 2022), 236 pages.

Dans le contexte du débat actuel sur la fin de vie, les témoignages de ceux qui vont mourir constituent un éclairage intéressant dans la mesure où ils peuvent nuancer le rapport de chacun au sens de sa propre existence et de sa propre finitude. Elsa Walter, ancienne journaliste et responsable de communication d’un établissement de santé, s’en fait l’écho pour enrichir ces discussions où l’éthique passe avant tout par l’écoute de « ceux qui sont les plus urgemment concernés ». Pour l’autrice, ces personnes sont exclues socialement du débat, c’est pourquoi leurs paroles pour apprivoiser la mort s’envisagent ici comme un message d’aide passé à ceux qui n’ont pas encore fait ce chemin intérieur. Dans cet ouvrage, il est question de transmission mais aussi d’implication pour que chacun puisse se placer de façon plus sereine par rapport à la mort. Ainsi, sa lecture pourra être utile aux soignants, bénévoles ou familles qui, confrontés à la fin de vie, se voient parfois désarmés lorsqu’il s’agit d’accompagner l’autre. 

À vous je peux le dire. Écouter les mots de la fin, Elsa Walter (Éditions Flammarion, octobre 2022), 343 pages.

De quoi l’épuisement professionnel est-il le symptôme ? En tant que fait social marquant et déjà cliniquement étudié, ce phénomène s’envisage ici autour d’origines qui s’inscriraient dans « l’évolution des repères anthropologiques et civilisationnels qui structurent le lien social que l’organisation du travail exploiterait au prix d’une transformation radicale du lien entre le sujet et son activité ». C’est ce que nous explique Grégory Raquet, chargé d’enseignement en management de la santé et sécurité du travail dans son ouvrage adapté de son travail de recherche autour des liens entre santé psychologique et travail. Utilisant la psychodynamique du travail et la psychosociologie des organisations comme grilles de lecture pour analyser la généalogie de l’épuisement professionnel, l’auteur propose ainsi une réflexion intéressante qui lie rapport à soi et rapport au travail. L’imaginaire, la symbolique et le réel y sont convoqués au travers de l’étude du désir, de l’idéal ou encore du Narcisse, à partir de soi et dans un lien social certain, pour prendre conscience des processus individuels et sociétaux qui ont conduit à l’épuisement mais qui permettent aussi d’accéder à une individuation plus soutenue invitant « à penser autrement et à porter un regard critique sur le monde ».

Psychanalyse de l’épuisement professionnel. Crise du travail, du lien social & civilisation, Grégory Garel (Éditions l’Harmattan, Collection Psychologiques, septembre 2022), 222 pages.

« Le débat se porte mal (…). Il est le symptôme de notre difficulté à nous comprendre, à nous écouter et finalement à faire société. » C’est sur ce constat que s’ouvre cet ouvrage co-écrit par l’avocat au Conseil d’État Bertrand Périer et le délégué général du Club des juristes Guillaume Prigent. Revenant sur le débat en s’intéressant à son objet, ses acteurs ou encore les lieux dans lesquels il peut s’exercer, les auteurs proposent une réflexion qui peut se transférer dans le contexte des métiers du lien et dans celui du management. Écoute, respect, conflictualisation s’abordent ici autrement pour arriver à penser le pluralisme des idées et l’action qui peut s’ensuivre d’une meilleure façon possible, car « le débat est un acte de volonté » et « son existence ne dépend que de nous ». Faisons-donc le pari de la parole pour parvenir à des solutions créatives et à des changements féconds pour l’éthique et l’efficience des situations.

Débattre. Comment nous reparler ?, Bertrand Périer et Guillaume Prigent (Flammarion Savoir, octobre 2022), 224 pages.