OBJECTIF SOINS n° 0290 du 08/12/2022

 

DOSSIER

Pascale Beloni   Patricia Champeymont   Jacques Cellou  ***   Valérie Delaide  ****   Noémie Marchat  *****   Frédérique THibaudeau  ******   Stéphanie Thurillet  *******   Jean Toniolo  ********  

Infirmière cadre supérieur de santé, PhD, CHU de LimogesDirectrice des Soins, CHU de Limoges
***Co-auteurs :
****masseur-kinésithérapeute,
*****infirmière, cadre de pôle,
******infirmière, M.Sc,
*******infirmière, cadre de santé,
********infirmière puéricultrice,
*********infirmier, Ph.Dc,
**********CHU de Limoges

En France, la recherche en soins se développe depuis quelques années dans un contexte favorable. Au CHU de Limoges, après 13 ans d’activité, elle présente des résultats significatifs autour de trois axes : former à la recherche, faire de la recherche et communiquer. Forte d’une implantation solide, la recherche en soins pourra continuer son déploiement local, national et international, dans un contexte d’universitarisation des professions paramédicales.

Développée dans les pays anglo-saxons depuis les années 1960(1,2), l’activité de recherche en soins s’impose progressivement dans le paysage français, impactant les systèmes de santé, leurs modes de management et le secteur de la formation. La méthodologie est identique à celle de la recherche clinique médicale, associant les méthodes quantitatives mais aussi qualitatives, voire mixtes. Elle est reconnue pour guider une pratique fondée sur les dernières données probantes(3). Ses objets de recherche sont liés au soin et à ses différentes dimensions, curatives, préventives, palliatives, en secteurs hospitaliers et extrahospitaliers.

Stratégies d’organisation et d’implantation

Au CHU de Limoges, l’organisation de l’activité de recherche en soins a émergé d’un objectif du projet de soins 2007-2011. Ainsi, le Comité de promotion de la recherche infirmière et autres paramédicaux et de l’innovation (CPRPI), issu de la Commission des soins infirmiers de rééducation et médico-techniques (CSIRMT), a vu le jour.

Ce comité, composé de professionnels représentant les filières de la CSIRMT, est piloté, depuis septembre 2008, par un cadre supérieur de santé en mission transversale « recherche en soins », titulaire d’un doctorat. Il est rattaché à la coordination générale des soins. L’objectif général du CPRPI est d’améliorer la qualité de la prise en soins des patients en développant la « culture recherche » dans les unités de soins et en s’appuyant sur les données probantes issues de la recherche. Pour atteindre cet objectif, cette organisation est déclinée autour de 3 axes :

- former à la recherche. Il s’agit de favoriser les actions d’accompagnement des projets de recherche. Ainsi, différentes formations ont été initiées ;

- faire de la recherche. Le CPRPI apporte une aide méthodologique aux équipes paramédicales, de l’idée de recherche à la concrétisation du projet et jusqu’à la publication des résultats. Le parcours de validation des lettres d’intention et des projets de recherche en soins est identique à celui des projets de recherche médicaux. Il s’articule entre la Direction de la recherche et de l’innovation (DRI) pour l’aspect réglementaire, éthique et financier, et le Centre d’épidémiologie, de biostatistique et méthodologie de la recherche (Cebimer) ;

- communiquer. Le CPRPI encourage les investigateurs paramédicaux à participer à des manifestations nationales et internationales (communications orales, réponses à des appels à posters) et à rédiger des articles dans des revues professionnelles et scientifiques.

Enfin, le CPRPI participe à différents groupes de travail comme la Commission nationale des coordonnateurs de la recherche infirmière et autres paramédicaux (CNCPR) ayant pour finalité de fédérer en réseau tous les coordonnateurs paramédicaux de la recherche en soins des CHU.

Au regard des multiples actions menées depuis 2008, le CPRPI peut aujourd’hui réaliser une analyse descriptive des indicateurs inhérents à son activité. Toutes les variables sont décrites en moyenne/médiane ou en effectif/pourcentage selon leur caractère quantitatif ou qualitatif.

Analyse des résultats

En 2022, le comité recherche est composé de 21 professionnels paramédicaux. De nombreux métiers sont représentés (figure 1). Les professions d’encadrement (directeur, cadre supérieur de santé, cadre de santé) sont initialement issues des filières masseur-kinésithérapeute et infirmières. De 2009 à 2020, les résultats sont présentés en reprenant les 3 axes de travail affichés par le comité recherche : former, faire de la recherche, communiquer.

Former

Former à la recherche est un des piliers incontournables du développement de l’activité de recherche en soins. Ainsi, l’offre de formation proposée par le CPRPI a évolué au cours du temps. Elle a débuté par des formations au sein des écoles et instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi) de la région ex-Limousin puis hors région. En 2012, une formation institutionnelle à la rédaction du protocole de recherche a été initiée sur le CHU et progressivement ouverte au groupement hospitalier de territoire (GHT). En parallèle, différentes formations à la recherche ont vu le jour sur le site de la faculté de médecine de l’université de Limoges. Tout d’abord, un diplôme universitaire (DU) Recherche paramédicale a ouvert en 2012 pour 6 années, puis il a laissé la place à un parcours recherche pour les professionnels de la santé et de l’activité au sein d’un master en santé publique. Enfin, en 2019, l’ouverture de la formation d’infirmier en pratique avancée (IPA) a permis au CPRPI de prendre la responsabilité des enseignements sur la recherche, orientés sur l’utilisation et le transfert des données probantes dans la pratique.

Parallèlement, au titre de sa formation doctorale, le cadre supérieur de santé en mission transversale a co-piloté, en collaboration avec les universités de Bordeaux et Poitiers, un travail d’harmonisation des enseignements de recherche et des évaluations universitaires pour les Ifsi de Nouvelle-Aquitaine. Ce travail s’est traduit par la construction de capsules de formation sur la recherche en regard du référentiel de la formation initiale infirmière. Ces modules de e-learning sont désormais disponibles via une plateforme commune pour les étudiants et les formateurs des 30 Ifsi de la région. Ce groupe de travail a aussi proposé des recommandations pour le mémoire de fin d’études, s’appuyant sur les attendus d’un niveau licence, soit la rédaction d’une revue de la littérature à partir d’une question de recherche. En complément, dans le cadre de l’implication du CPRPI dans le sous-groupe recherche infirmière et autres paramédicaux du Groupement interrégional de recherche clinique et d’innovation sud-ouest outre-mer hospitalier (Girci Soho), des webinaires de formation à la recherche ont été développés à destination des professionnels paramédicaux. Depuis 2016, des ateliers de lecture critique d’articles ont été initiés au sein du CHU. Leur finalité est de réactualiser les connaissances sur les soins, de réajuster les protocoles de bonnes pratiques à partir des dernières données probantes, et de faire émerger des questions de recherche. En préambule de ces ateliers, une formation à la lecture critique d’article est organisée pour les professionnels inscrits.

Faire de la recherche

Depuis 2009, 25 projets paramédicaux ont vu le jour et ont bénéficié d’un accompagnement par les structures supports recherche du CHU de Limoges et son comité de recherche en soins. Nous retrouvons, sur la globalité des projets, une répartition historiquement en faveur de protocoles infirmiers (n = 13,52 %). S’y ajoutent des projets portés par diverses professions paramédicales (infirmière-anesthésiste, puéricultrice, masseur-kinésithérapeute, ergothérapeute, orthophoniste) (figure 2). Certains investigateurs de ces projets sont des cadres de santé (n = 4 ; 16 %), et membres du CPRPI.

Pour le financement de ces recherches, le recours principal est l’appel à projets, dont le PHRIP pour 11 projets retenus. Dans le cadre du Girci Soho, le sous-groupe recherche infirmière et autres paramédicaux a initié en 2015 un Appel à projets interrégional de recherche en soins (Apires) à destination des paramédicaux de l’inter-région, sur lequel 7 projets du CHU de Limoges ont candidaté dont 5 ont été financés. Au même titre que pour les projets médicaux, le soutien local est aussi une possibilité. Depuis 2009, les projets portés par les paramédicaux ont obtenu un financement ou un soutien pour un montant global de plus de 1,2 million d’euros (figure 3).  

Quelle que soit la profession du porteur de projet, les profils d’études sont variés : qualitatives, mixtes, quantitatives prospectives. La majorité des projets recherchent un haut niveau de preuve scientifique : les essais randomisés représentent 68 % (n = 11) des études paramédicales portées par le CHU de Limoges (tableau 1).

Concernant la structuration initiale des projets, le délai entre l’émergence de l’idée et le dépôt d’un appel à projet est en moyenne de 1,16 +/- 0,89 ans (médiane à 1 an). Par la suite, les temps de mise en œuvre entre l’obtention des financements et le début des inclusions sont en moyenne de 1,66 +/- 0,89 ans (médiane à 2 ans). Actuellement, 48 % (n = 12) des protocoles ont terminé leurs inclusions. Les étapes suivantes, d’analyse et de travail de valorisation, sont en cours dans la majorité des cas (tableau 1).

Dans le même temps, le CPRPI du CHU de Limoges s’inscrit dans l’accompagnement des équipes paramédicales du CHU dans des projets de promotion externe, en tant que centre associé. À ce jour, 5 projets sont comptabilisés, concernant différents établissements : CHU de Bordeaux, CHU Sud de La Réunion, CH Nord-Ouest Villefranche, CHU de Toulouse, École de la Source à Lausanne.

En complément, à la suite des retours d’expérience des porteurs de projets accompagnés, un outil a été créé pour guider les professionnels qui s’engagent dans la rédaction d’un protocole de recherche : le « memento du chercheur ». Ce document reprend les modalités rédactionnelles et le circuit de validation d’un projet en passant par l’identification des personnes ressources et des structures supports lors des différentes étapes de validation. Un glossaire détaille les acronymes principaux pour appréhender ce domaine particulier de la recherche.

Communiquer

Le CPRPI communique régulièrement autour de ses activités auprès des professionnels paramédicaux de l’établissement du CHU de Limoges, en France métropolitaine, en outre-mer et à l’international (Secrétariat international des infirmières et infirmiers de l’espace francophone – Sidiief, Conseil international des infirmières – CII…). Au final, le comité a communiqué au Canada, en Espagne, en Suisse, à Singapour, au Gabon et au Vietnam, soit sur l’ensemble des continents sauf l’Océanie.

Depuis 2011, afin de donner encore plus de visibilité à cette activité de recherche, un colloque Recherche infirmière et autres paramédicaux grand sud-ouest est prévu annuellement par les établissements du Girci Soho. Cette manifestation a déjà été organisée par ceux de Bordeaux, Limoges, Toulouse, et Montpellier-Nîmes.

Les travaux de recherche sont également valorisés par des présentations dans les écoles et instituts de formation de la région et en dehors.

Que ce soit sur son activité ou en post-analyse des protocoles de recherche, le CPRPI accompagne les professionnels dans le processus de publication. Plusieurs travaux sont actuellement en phase d’écriture et trois publications sont en cours de reviewing. Parallèlement, le comité recherche a publié 11 articles concernant son activité dans des revues paramédicales françaises. Au niveau international, 3 articles, dont 2 issus des protocoles de recherche et 1 sur une revue de la littérature, ont été publiés respectivement dans l’International Journal of Nursing Studies (Impact factor = 5.837), l’International Journal of Nursing Studies Advances (Impact factor = 5.837), et The Journal of Alternative and Complementary Medicine (Impact factor = 2.579).

Stratégie d’implantation des données probantes

En 2018, le comité recherche a créé un sous-groupe de travail autour de l’intégration des données probantes. Celui-ci s’est intéressé à la publication de Bruno Garrigue de 2016(14), pour réfléchir sur la méthode de préparation des perfusions en pousse-seringues électriques. Il a associé 4 étudiants infirmiers en stage dans des services du CHU de Limoges. Les résultats de l’étude de Bruno Garrigue ont été diffusés dans les salles de soins des services du CHU sous forme de poster avec des photos illustrant la méthode à utiliser. Les résultats de cette étude ont été présentés par deux infirmiers et deux étudiants dans les deux Ifsi de Limoges et lors d’un colloque Recherche à Montpellier. Un travail en collaboration avec la pharmacie centrale de l’hôpital a permis d’élaborer un protocole de préparation des seringues électriques (qui n’existait pas au sein de l’établissement). Une vidéo, déclinant la technique de préparation pour obtenir une dilution parfaite et constante du produit à administrer au patient, sert de support pédagogique pour les ateliers de simulation organisés pour les professionnels infirmiers et les étudiants.

Concrètement

Depuis plus de 13 ans, le CHU de Limoges, soucieux de promouvoir la qualité des soins, a fait le pari de développer l’activité recherche en soins. Cette dernière est active, se pérennise, évolue et s’intègre à toutes les dimensions des soins, et dans leur gestion. Nous avons constaté son importance comme moyen d’acquisition de connaissances tout au long de l’exercice, de crédibilité de la scientificité des soins, de visibilité et de rehaussement de l’image des professions paramédicales. Ce bilan démontre que cette activité est accessible à chacun, si elle est accompagnée, encadrée et valorisée.

Un soutien de la direction

L’activité recherche en soins ne peut être développée au niveau d’un établissement de santé qu’avec une volonté affirmée de la direction générale et de la coordination générale des soins. La construction de cette activité autour des trois axes : former, faire de la recherche et communiquer, est incontournable pour son développement.

Un pilotage d’experts

Ce projet s’inscrit dans une dynamique nationale(15, 16) et ne peut émerger que s’il est piloté par un professionnel formé à la recherche et dédié à cette activité, positionné en mission transversale. Pour mettre en place cette organisation, d’autres prérequis sont indispensables comme rencontrer les acteurs de terrain pour repérer les idées de recherche, réaliser un état des lieux de ce qui existe, des travaux menés dans les équipes de soins, mais aussi convaincre de l’utilité de cette activité pour la pratique professionnelle et la qualité des soins.

La démarche de recherche peut être difficile à aborder pour les soignants. Il a fallu (et il faut encore) montrer et démontrer que cette démarche est accessible à tous. Il semble important de croire aux multiples ressources des soignants, en leurs capacités à cheminer dans cette démarche intellectuelle qui, certes, est complexe et rigoureuse, mais que nous pouvons, avec beaucoup d’humilité et de simplicité, rendre compréhensible. Le compagnonnage par des pairs formés est essentiel pour guider, maintenir la motivation, et rassurer à toutes les phases du projet. Le cadre de proximité joue un rôle incontournable dans le repérage des professionnels et dans l’accompagnement du projet de recherche, de son écriture à la publication.

Un comité de professionnels engagés

C’est pourquoi, au vu de l’hétérogénéité des cursus de formations à la recherche suivis, le CPRPI, par sa constitution et sa synergie, a accentué la mise à disposition de leviers comme l’accès à différents niveaux de formations à la recherche pour les infirmiers et les autres paramédicaux. Ces orientations ont permis de contribuer à l’émergence de talents pour développer et soutenir l’activité de recherche, au service de la prise en charge des patients.

Sur le terrain, il existe un autre défi, celui de convaincre les infirmiers et les autres paramédicaux que leur rôle autonome est essentiel dans le système de soins. La reconnaissance de leur métier et de leur influence demande une prise de conscience de leur responsabilité dans l’amélioration des pratiques, dans le suivi de l’évolution de la société, des techniques, et cela passe principalement par le recours à la recherche. En effet, les professionnels sont seuls responsables de l’amélioration de leur exercice professionnel, et il faut qu’ils s’en donnent les moyens. La recherche est un outil privilégié pour rendre les soins conformes aux exigences de notre temps et aux attentes des patients (évolution de la science, exigences législatives, orientations des organismes de santé, etc.). Effectivement, elle remet en question des pratiques qui, jusqu’alors, n’étaient fondées que sur les croyances et expériences cumulées de générations de soignants. Aujourd’hui, être professionnel de soins signifie manifester une ouverture au changement. Ces enjeux de recherche, qui sont ceux de tous les paramédicaux, avec pour point central le patient et la qualité des soins, peuvent à court terme les fédérer autour de recherche interprofessionnelle(17). Pour cela il faut du temps, afin de chercher et lire les écrits professionnels, particulièrement ceux issus de la recherche.

La formation à la recherche

Les ateliers de lecture et la formation des professionnels à la recherche visent à développer les questionnements et à redonner du sens aux soins réalisés, sens que les soignants se plaignent de perdre dans les organisations « imposées » aujourd’hui. Former les professionnels à une expertise, les accompagner pour qu’ils se sentent acteurs de l’offre en soins aux côtés des patients, est un moyen de renforcer le sentiment de reconnaissance. À noter que le recensement sur un établissement des expertises soignantes, des professionnels ayant suivi des cursus de formation dans différents domaines (formations universitaires, qualifiantes) est également un levier pour la rédaction des protocoles de recherche. La construction des problématiques de recherche fait appel à des revues de la littérature pertinentes mais s’appuie aussi sur l’expertise de personnes ressources. C’est un moyen de valoriser les diplômes et de les réinvestir.

Freins

À ce jour, nous comptabilisons 5 projets non aboutis, pour différentes raisons liées à des problèmes d’inclusion, d’abandon de l’investigateur, et de recherches de financement infructueuses. Le recul nous oriente sur la nécessité d’une rigueur, indispensable dans la construction du projet, par un travail d’anticipation, sur le contexte de terrain, y compris des centres associés. La mise en place d’une étude pilote permet de repérer la faisabilité et les difficultés d’inclusion.

Aujourd’hui, au niveau du CHU, il persiste une faiblesse dans la dynamique de recherche. La difficulté est de convaincre l’encadrement des plus-values de cette activité. En effet, celle-ci ne se résume pas à la rédaction de protocoles mais conduit au réajustement des pratiques à partir des dernières données probantes, au développement de capacités en termes de questionnement, d’analyse de pratique et de développement de compétences pour les communications orales et écrites des professionnels de terrain.

De plus, le développement de la recherche en soins pourrait constituer un outil de management pertinent. Des études seraient à mener dans ce sens. Recourir au leadership des cadres, des enseignants ou des chercheurs pour faire connaître les bienfaits de la recherche est essentiel. L’absence de projet de recherche en management dans notre établissement démontre que l’encadrement ne s’est pas complétement inscrit dans cette dynamique, pour l’instant. L’émergence de données probantes validées scientifiquement permettrait de réfléchir au renouvellement de nos organisations, à une coordination efficace et efficiente des soins. Elle peut également aider à une gestion éclairée des ressources humaines, et à une meilleure compréhension de la complexité du management pour adapter celui-ci aux problématiques de terrain en évolution constante.

Une autre limite repérée aujourd’hui concerne la difficulté d’accès  à la littérature scientifique, aux centres de documentation et au téléchargement des articles, à cause du caractère payant de ceux-ci et de la langue anglaise généralement employée. Ce point reste à travailler en se rapprochant des bibliothèques universitaires (BU). Au CHU de Limoges, un lien a été fait avec la BU de la faculté de médecine où les investigateurs peuvent être accueillis et formés à la gestion des moteurs de recherche.

Enfin, le temps important qu’il est nécessaire de consacrer à l’activité de recherche représente un frein, d’autant plus dans les contextes contraints que nous connaissons aujourd’hui. Cela pourrait expliquer l’abandon de certains projets. Des expériences existent pour lever cette difficulté, comme le passeport temps-recherche mobilisé par la fondation de l’Assistance publique des hôpitaux de Paris, afin de valoriser le temps consacré à la réalisation de la lettre d’intention et la rédaction d’un protocole de recherche(18, 19).

Perspectives

Le suivi de l’activité de recherche via un rapport d’activité est incontournable. Nous avons mené une réflexion sur différents indicateurs qu’il serait utile de mettre en place, avec prioritairement :

- des indicateurs d’activités annuelles (nombre de réunions du CPRPI, de projets ou lettres accompagnés dans la rédaction en interne et en externe, d’heures de formations, le nombre et le profil de professionnels formés à la recherche, le nombre de communications orales et écrites préparées, d’expertises de projets …),

- des indicateurs d’efficacité (nombre de projets retenus pour financement, type d’appels à projet, suivi des inclusions, durée moyenne d’accompagnement du projet de l’idée à la publication, nombre de communications orales, de publications avec le type de revues, le rang, et l’Impact factor, les points Sigaps – Système d’interrogation, de gestion et d’analyse des publications scientifiques –…).

C’est pourquoi la construction d’un tableau de collecte partagé de ces indicateurs permettant le suivi de l’activité recherche au sein du CPRPI est en cours de réflexion.

Afin de renforcer le lien entre théorie et pratique, nous avons commencé à insuffler cette activité de recherche auprès des étudiants infirmiers en stage. Dans le cadre du tutorat, une expérience est actuellement menée, constituant à inciter les étudiants à réfléchir à la pratique professionnelle en leur demandant de chercher, dans la littérature, des réponses à des questions émanant des pratiques de leur lieu de stage. Commencer très précocement à aiguiser la réflexion, le questionnement et l’utilisation des données probantes est un moyen de modifier l’approche des soins et de leur complexité.

En octobre 2019, la création des 3 sous-sections du Conseil national des universités maïeutique (CNU 90), sciences de réadaptation (CNU 91), sciences infirmières (CNU 92) a plus largement entrouvert les perspectives de carrières au sein des universités. Depuis mars 2019, a été validé au sein de la faculté de médecine de l’université de Limoges un Département universitaire en sciences infirmières (Dusi) qui regroupe les six Ifsi de l’ex-Limousin et intègre aussi la formation en pratique avancée. À cette occasion, la direction recherche du Dusi a été confiée au cadre supérieur de santé PhD responsable de l’activité recherche en soins sur le CHU. Dans ce contexte, un enjeu fort se profile avec un objectif affiché, celui de développer l’enseignement et la recherche en sciences infirmières. L’universitarisation est lancée : c’est ainsi que le CPRPI est associé, à partir de cette année, dans la structuration d’une filière de formation infirmière organisée dans les murs de la faculté de médecine de l’université de Limoges. Il est responsable des enseignements des unités recherche. Ainsi, l’enseignement de la recherche va « infuser » le projet pédagogique tout au long des trois années de formation, en commençant par susciter l’appétence envers la lecture scientifique dès l’entrée en formation. L’avenir se dessine progressivement avec l’opportunité d’ouverture de postes partagés entre les secteurs cliniques et la formation académique universitaire. Cet ancrage dans la clinique est indispensable pour nourrir les idées de recherche émanant du terrain et travailler le transfert des nouvelles connaissances dans la pratique professionnelle afin d’optimiser la qualité des soins.

Conclusion

En tant que professionnel de soins, nous avons la responsabilité de faire connaître la recherche, de l’encourager et de la pratiquer à notre mesure. La dynamique de recherche favorise la réflexion et la discussion, indispensables pour faire évoluer les pratiques et y inclure les dernières données probantes. C’est un véritable enrichissement personnel et professionnel au service de la qualité des soins. À partir de cette démarche rigoureuse, les connaissances acquises fondées sur des preuves scientifiques permettent d’apporter des soins que nous savons efficaces. La recherche donne sens à nos pratiques, les rend crédibles et les fait reconnaître à leur juste valeur.

La recherche en soins du CHU de Limoges va poursuivre son déploiement local, national et international. Avec un suivi annuel systématique d’indicateurs pertinents et identifiés, et une implantation forte dans la formation initiale, interne et universitaire, cette activité ne peut que trouver du sens et un écho favorable auprès des professionnels.

Cadre réglementaire

Le développement de la recherche en soins s’inscrit depuis quelques années dans un contexte favorable. En effet, l’arrêté du 31 juillet 2009 relatif aux études d’infirmier, en délivrant parallèlement un diplôme d’État et un grade licence(4), a introduit l’universitarisation, dans une projection licence-master-doctorat (LMD)(5), avec la recherche en fil conducteur(6). À cette époque, le ministère de la Santé publie une circulaire relative au Programme hospitalier de recherche infirmière (PHRI) pour 2010(7). Celui-ci reconnaît au niveau national l’existence de la recherche infirmière. Il sera pérennisé l’année suivante par le biais d’une instruction(8).

Progressivement, d’autres faits ont permis de renforcer ce développement comme en février 2016, lorsque la grande Conférence de santé a posé les bases de l’évolution des métiers des professionnels de santé, leurs opportunités de carrière, leur place dans la société et l’évolution du statut des étudiants des formations paramédicales vers les standards universitaires(9). Puis, en juin de l’année suivante, dans leur rapport, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et l’Inspection générale de l’administration de l’Éducation nationale et de la recherche (IGAENR)(9) ont précisé que les universités assureront à terme les formations à la recherche, en lien avec les CHU.

Plus récemment, le 30 octobre 2020, la création des deux sous-sections au Conseil national des universités (CNU)(10-13), la section 92 (sciences infirmières) et la section 91 (sciences de réadaptation) a ouvert l’accès, pour les professionnels paramédicaux, à des carrières universitaires après l’obtention d’un doctorat.

Ainsi, aujourd’hui, toutes les conditions sont requises pour soutenir, au sein des établissements de santé, une activité de recherche paramédicale. C’est dans ce contexte que depuis 2008, le CHU de Limoges s’est inscrit dans une dynamique de développement de la recherche en soins.

e-C@RES, la première communauté digitale dédiée à la recherche en soins

Les 7 Groupements interrégionaux de recherche clinique et d’innovation (Girci) lancent e-C@RES (prononcez « He cares » ), un outil collaboratif créé pour favoriser les collaborations. Cet annuaire interactif, avec filtres multicritères, offre l’opportunité aux professionnels paramédicaux engagés ou intéressés par la recherche de faire connaître leurs thématiques de recherche et leurs travaux, initier des partenariats, augmenter la puissance et la qualité des projets en y associant d’autres centres pour créer des dynamiques multicentriques d'envergure interrégionale voire nationale, ou manifester leur souhait de participer à un projet.

Les professionnels paramédicaux intéressés ou investis dans la recherche, ainsi que les professionnels ayant une activité de support à la recherche paramédicale (méthodologie, gestion de projets...), sont encouragés à créer leur profil sur la carte. La charte d'utilisation et la modération par territoire sont garantes de la qualité des données partagées.  Accessible sur ecares.fr et ouvert à la France entière depuis juin 2022, l'annuaire recense aujourd'hui plus de 250 professionnels. N’attendez plus pour vous inscrire !

  • Notes
  • (1) Koffi K, Delmas P, N’Goran Y, Andoh J. La recherche infirmière pour le développement de l’approche qualité totale en soins infirmiers. Rech Soins Infirm. 2010;100(1):115.
  • (2) Dupin C, Debout C, Rothan-Tondeur M. Étude descriptive des caractéristiques des projets de recherche infirmière soumis au PHRI 2010 et 2011 selon une approche sociologique et épistémologique. Rech Soins Infirm. 2012;110(3):92.
  • (4) Ministère du Travail, des Relations sociales, de la Famille, de la Solidarité et de la Ville, Ministère de la Santé et des Sports. Annexe, I. I. à l’arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d’État infirmier. Référentiel de compétences. https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000020961044/
  • (5) Debout C, Eymard C, Rothan-Tondeur M. Une formation doctorale dans la filière infirmière : plus value et orientations dans le contexte français. Rech Soins Infirm. 2010;100(1):134‑44.
  • (6) Tanda-Soyer N, Eymard C. État des lieux de l’initiation à la recherche en formation initiale en soins infirmiers. Biennale internationale de l’éducation, de la formation et des pratiques professionnelles, 2012.
  • (10) Ministère des Solidarités et de la Santé. Arrêté du 30 octobre 2019 modifiant l’arrêté du 28 septembre 1987 relatif aux modalités de fonctionnement du Conseil national des universités pour les disciplines médicales, odontologiques et pharmaceutiques. https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000039296978
  • (11) Ministère des Solidarités et de la Santé. Arrêté du 30 octobre 2019 modifiant l’arrêté du 29 juin 1992 fixant la liste des sections, des sous-sections et des options ainsi que le nombre des membres de chaque section et sous-section des groupes du Conseil national des universités pour les disciplines médicales, odontologiques et pharmaceutiques. https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000039296999/
  • (12) Ministère des Solidarités et de la Santé. Décret n° 2019-1107 du 30 octobre 2019 modifiant le décret n° 87-31 du 20 janvier 1987 relatif au Conseil national des universités pour les disciplines médicales, odontologiques et pharmaceutiques. 2019-1107 oct 30, 2019.
  • (14) Garrigue B, Dehu Y, Girault F, et al. Preparing Drugs for Infusion Via Syringe Pump: A Key Step to Ensure Homogeneous Concentration. Crit Care Nurse.2016;36(4):36‑44.
  • (15) Goulet C, Ward L, Lévy É, Colin C. La recherche infirmière en milieu clinique : l’expérience du CHU mère-enfant hôpital Ste-Justine. Rech Soins Infirm. 2006;84(1):84‑90.
  • (16) Stuwe L, Parent M, Louvet O. Bilan de 5 ans du Programme hospitalier de recherche infirmière et paramédicale (PHRIP) : quels enjeux, quels défis ? Rech Soins Infirm. 2015; 121(2):64.
  • (17) Bilodeau K, Dubois S, Pepin J. The contribution of nursing science to interprofessional knowledge development. Rech Soins Infirm. 2013;113(2):43‑50.