Rassemblés au sein du Collectif Inter-Blocs depuis fin 2019, les infirmiers de bloc opératoire diplômés d’État (Ibode) se mobilisent pour exprimer leurs revendications au ministre de la Santé. Avec une priorité en tête : faire reconnaître et défendre leur spécialité afin de lutter contre l’hémorragie d’Ibode.
« Depuis des mois, on déprogramme des patients faute de personnel, et on arrive à des drames », constate Rachid Digoy, Ibode au CH William Morey à Chalon-sur-Saône, président et membre fondateur du Collectif Inter-Blocs (CIB), faisant référence à cette patiente dont l’opération avait été reportée plusieurs fois et qui est décédée au CHU de Dijon à la fin du mois d’août 2022.
Appels à la grève, publication de tribunes dans les médias, interpellation des acteurs du système de santé et du ministère de la Santé : le CIB, constitué de professionnels infirmiers de terrain, multiplie depuis trois ans les actions pour défendre la place des Ibode. « Nos problèmes ne datent pas d’hier mais la situation s’est aggravée car nous observons de plus en plus de départs depuis la période Covid. Améliorer l’attractivité de notre métier et sa reconnaissance est notre leitmotiv », souligne Rachid Digoy. Comment ? Le CIB réclame une revalorisation salariale, la différence de salaire avec un infirmier non spécialisé étant de « 16 € par mois depuis la revalorisation obtenue par les infirmiers de soins généraux lors du Ségur de la Santé ». À noter que depuis septembre dernier, la formation à la spécialité de bloc opératoire est passée de 18 mois à 24 mois (grade master), et les deux années d’exercice obligatoire avant de passer le concours pour intégrer un institut de formation à la spécialité ont été abrogées.
Autre point d’inquiétude : la révision du décret de compétences et la réécriture des mesures transitoires permettant aux blocs opératoires de fonctionner même en période de pénurie de personnel. « En permettant de transférer nos compétences à des infirmiers de soins généraux, on règle le problème de sécurité juridique des blocs. Mais sans formation des infirmiers derrière, c’est la mort de notre spécialité ! », alerte Rachid Digoy. Pour les membres du CIB, être Ibode ne s’improvise pas et il est dangereux de faire appel à des infirmiers « faisant fonction ». Dans une tribune publiée le 12 octobre 2022 dans le Huffinghton Post, Isabelle Comas, Ibode, alertait : « Devant le manque d’Ibode, des réformes visent à brader notre savoir et notre diplôme, en attribuant aux collègues infirmiers de soins généraux « faisant fonction » d’infirmiers de bloc l’autorisation d’exercer les mêmes actes que nous avec une simple formation de 21 heures ! Serait-il imaginable qu’on puisse devenir chirurgien avec 60 heures de formation au lieu de 6 ans d’internat ? » Le CIB demande donc l’exclusivité de la fonction Ibode dans les blocs opératoires, l’obligation d’une formation diplômante pour tous les IDE et IDE « mesures transitoires » (MT), financée par leur employeur, avec la création d’un parcours de formation en alternance pour les IDE MT et l’obligation de formation en école d’infirmier de bloc opératoire pour tous les IDE non MT par leur employeur, dans un délai de 3 ans.
Outre la nécessité de la formation, les Ibode déplorent aussi le manque de soutien des chirurgiens avec lesquels ils devraient en toute logique faire équipe. « Ce que veut un chirurgien, c’est opérer, même sans moyens. Certains cautionnent cette organisation en mode dégradé », regrette Rachid Digoy. Qui souligne que la tradition de dévouement des infirmiers à laquelle se sont habitués les hôpitaux ne suffit plus à mobiliser les équipes. Et prévient : il semblerait que la nouvelle génération ne soit pas prête à tout pour le chirurgien, sans retour…