OBJECTIF SOINS n° 0291 du 15/02/2023

 

Pratique hospitalière

DROIT

Gilles Devers  

Avocat à la cour de Lyon

Les soins sous contrainte pour motif psychiatrique sont encadré par un dispositif législatif qui a mis quelque temps à se stabiliser. C’est désormais chose faite, et la parole est à la jurisprudence. Voici un point sur les décisions marquantes de l’année 2022.

Principes

Consentement et soins sous contrainte

CA Rennes, 13 avril 2022, n° 22/00185

Le consentement aux soins en droit de la santé, tel qu’il résulte notamment d’un avis émanant de la Haute Autorité de santé, s’entend d’une capacité à consentir dans la durée au traitement proposé. Les soins contraints s’imposent lorsque la personne n’a pas conscience de ses troubles et/ou n’accepte pas volontairement de suivre le traitement médical nécessaire.

Contrainte et respect des libertés individuelles

CA Rouen, 2 décembre 2022, n° 22/03803

Lorsqu’une personne atteinte de troubles mentaux fait l’objet de soins psychiatriques sous contrainte ou est transportée en vue de ces soins, les restrictions à l’exercice de ses libertés individuelles doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en œuvre du traitement requis. En toutes circonstances, la dignité de la personne doit être respectée et sa réinsertion recherchée (CSP, Art. L. 3211-3).

Avant chaque décision prononçant le maintien des soins ou définissant la forme de la prise en charge, la personne faisant l’objet de soins psychiatriques est, dans la mesure où son état le permet, informée de ce projet de décision et mise à même de faire valoir ses observations, par tout moyen et de manière appropriée à cet état (CSP, Art. L. 3212-4, L. 3212-7 et L. 3213-4).

En outre, la personne doit être informée le plus rapidement possible et d’une manière appropriée à son état, de la décision d’admission et de chacune des décisions mentionnées et des raisons qui les motivent, de ses droits, des voies de recours qui lui sont ouvertes et des garanties (CSP, Art. L. 3211-12-1).

Notification impossible vu l’état de santé du patient

CA Angers, 7 avril 2022, n° 22/00019

Sur l’accusé de réception de la décision prononçant l’admission du patient, le cadre de santé mentionne expressément qu’à cette date, le patient n’est pas en capacité de recevoir la notification de la décision et l’information sur ses droits. Ainsi, c’est à juste titre que la décision d’admission n’a pu être notifiée au patient compte tenu de son état.

Sanction de l’irrégularité s’il en résulte un grief

CA Paris, 25 février 2022, n° 22/00071

La violation d’une disposition relative à l’hospitalisation complète ne peut entraîner la nullité de la procédure qu’en présence d’un grief justifié par le patient, et la seule référence à « une atteinte aux droits d’un patient » n’est pas un motif suffisant pour prononcer la nullité d’une procédure d’hospitalisation sous contrainte (CSP, Art. L 3216-1).

En effet, la matière n’est pas un droit assimilable au droit pénal, et il appartient au juge de rechercher si la preuve d’une atteinte aux droits du patient est caractérisée et a causé, de ce fait, un grief à l’intéressé :  les mesures d’hospitalisation sous contrainte étant prises par le corps médical dans l’intérêt de la personne et dans un but thérapeutique.

Hospitalisation à la demande d’un tiers

Régime de base

CA Caen, 15 décembre 2022, n° 22/03074

Une personne atteinte de troubles mentaux peut faire l’objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d’un établissement lorsque ses troubles mentaux rendent impossible son consentement et que son état mental impose des soins immédiats assortis soit d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d’une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous contrainte et surveillance (CSP, Art. L. 3212-1 I et Art. L. 3211-2-1 2°).

La qualité du tiers

CA Toulouse, 20 juin 2022, n° 22/00051

La mère est bien un membre de la famille et elle dispose, de droit, de la qualité de tiers. Les textes n’exigent pas l’existence de liens étroits entretenus avec le patient.

Vaines recherches d’un tiers

CA Angers, 7 avril 2022, n° 22/00018

Le directeur d’établissement prononce l’admission du patient lorsqu’il s’avère impossible d’obtenir une demande d’un tiers et qu’il existe, à la date de l’admission, un péril imminent pour la santé de la personne constaté par un certificat médical émanant d’un médecin extérieur à l’établissement, indiquant l’état mental de la personne malade, les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins (CSP, Art. L. 3212-1 II 1° et 2°).

Le document produit par l’hôpital, dénommé « Recherche de tiers en vue d’une admission en soins psychiatriques en péril imminent », mentionne l’heure à laquelle le praticien hospitalier a réalisé l’examen médical du patient, le psychiatre ajoutant « Pas de personne à joindre cette nuit, personne sous protection ». De la sorte, la recherche d’un tiers a bien été réalisée antérieurement au certificat ayant servi à l’admission.

Justification de la recherche du tiers

CA Rouen, 16 juin 2022, n° 22/01961

Aucune disposition législative ou règlementaire n’impose au directeur de l’établissement d’indiquer la nature et l’étendue des démarches entreprises pour la recherche de tiers. En l’espèce, le certificat médical du psychiatre du service des urgences note « Pas de famille joignable » et le directeur explique qu’il a été procédé sans succès à la recherche d’un tiers. Ces mentions suffisent à justifier l’utilisation de la procédure d’admission en cas de péril imminent, sans qu’il soit besoin de produire un relevé des démarches entreprises.

Motivation médicale pour le régime de base

CA Grenoble, 11 août 2022, n° 22/00067

La décision d’admission en soins psychiatriques a été prise au vu de deux certificats médicaux, le directeur du centre hospitalier s’étant approprié les termes de ces certificats médicaux et ayant considéré que les troubles mentaux décrits, présentés par cette dame, nécessitaient des soins immédiats assortis d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète.

Le premier certificat indique : « Décompensation schizophrénique » et le second : « Une pensée désorganisée, des émotions labiles et des idées délirantes de mécanismes intuitifs. Elle n’est pas en mesure d’exprimer un consentement libre ».

Ainsi, le premier certificat médical constatant l’état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins. Il doit être confirmé par un certificat d’un second médecin. Ce second certificat, en faisant état d’une décompensation, rapporte une rupture de l’équilibre psychique, attestant substantiellement de troubles mentaux rendant impossible le consentement et imposant les soins considérés, ce qui sera confirmé par les praticiens hospitaliers. La décision d’admission est donc régulière.

Demande d’un tiers pour risque grave : motivation médicale

CA Aix-en-Provence, 14 juin 2022, n° 22/00094

Droit applicable

Lorsqu’il existe un risque grave d’atteinte à l’intégrité du malade, le directeur d’établissement peut, à titre exceptionnel, prononcer à la demande d’un tiers l’admission en soins psychiatriques d’une personne malade au vu d’un seul certificat médical émanant, le cas échéant, d’un médecin exerçant dans l’établissement. Ce certificat médical doit être circonstancié, précis et motivé au vu des exigences légales (CSP, Art. L. 3212-3).

État de péril imminent

CA Paris, 1er décembre 2022, n° 22/00532

Le risque de péril imminent pour la santé du malade s’entend comme étant l’immédiateté du danger pour la santé ou la vie du patient, que le certificat médical initial doit faire apparaître.

Hospitalisation sur décision du préfet

Motivation du certificat médical

CA Limoges, 11 août 2022, n° 22/00068

Le préfet prononce par arrêté, au vu d’un certificat médical circonstancié ne pouvant émaner d’un psychiatre exerçant dans l’établissement d’accueil, l’admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public (CSP, Art. L 3213-1).

En l’espèce, le certificat médical établi par un praticien n’exerçant pas au centre hospitalier, sur la base duquel le préfet a pris sa décision d’admission en soins psychiatriques, mentionne que les troubles mentaux manifestés, tels que troubles du comportement, logorrhées, idées délirantes, etc., nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public. Ce certificat est suffisamment motivé.

Hospitalisation sous contrainte des détenus

CA Paris, 1, 12, 3 juin 2022, n° 22/00232

Lorsqu’une personne détenue nécessite des soins immédiats assortis d’une surveillance constante en milieu hospitalier en raison de troubles mentaux rendant impossible son consentement et constituant un danger pour elle-même ou pour autrui, le préfet prononce par arrêté, au vu d’un certificat médical circonstancié, son admission en soins psychiatriques sous la forme d’une hospitalisation complète (CSP, Art. L. 3214-3 et L. 3214-1 II).

Le régime de cette hospitalisation est celui prévu pour les hospitalisations ordonnées par le préfet (CSP, Art. L. 3213-1).

Les arrêtés préfectoraux sont motivés et énoncent avec précision les circonstances qui ont rendu la mesure de soins psychiatriques nécessaire (CSP, Art. L. 3222-1 et Art. L 3212-11).

Mise en œuvre de l’hospitalisation

Libellé des certificats des 24 et 72 heures

CA Rennes, 5 septembre 2022, n° 22/00487

Droit applicable

Les certificats médicaux des 24 heures et 72 heures établis par des médecins psychiatres durant la période d’observation suivant l’admission du patient en soins sous contrainte sont destinés, d’une part, à s’assurer de la nécessité de la mesure de soins contraints en vérifiant la persistance des troubles mentaux et la nécessité de la poursuite des soins et, d’autre part, à permettre au directeur de se prononcer sur la prise en charge la mieux adaptée à l’état du patient (CSP, Art. L. 3211-2-2 et L. 3212-1).

Analyse

Le certificat des 24 heures du 10 août 2022 se réfère à des troubles de comportement importants de la patiente observés la veille au sein du service des urgences, dans le contexte d’un accident de véhicule à visée suicidaire, à un risque de réitération de passage à l’acte et à la nécessité de poursuivre l’observation en milieu spécialisé dans l’établissement psychiatrique de rattachement, ce qui correspond précisément et de manière non équivoque à la surveillance médicale constante sous contrainte assurée par une hospitalisation complète.

Le certificat des 72 heures en date du 12 août 2022, établi par un autre psychiatre, fait référence de manière explicite à la notion d’hospitalisation complète.

Ces certificats sont ainsi suffisamment clairs pour permettre au directeur de déterminer que les soins devaient revêtir la forme de l’hospitalisation complète. Ils décrivent les éléments de faits suffisamment circonstanciés pour caractériser l’existence des troubles mentaux rendant impossible le consentement de la patiente aux soins exigés par son état.

L’hospitalisation sous contrainte, condition pour l’isolement et la contention

CA Rennes, 5 avril 2022, n° 22/00184

Le recours est formé par une personne sous contention. Le bulletin d’entrée permet de constater que la patiente a été admise le 27 octobre 2020. La mention « SL » laisse supposer qu’il s’agissait alors d’une hospitalisation en soins libres.

Le centre hospitalier produit une demande d’hospitalisation à la demande d’un tiers et un certificat d’un psychiatre du 31 mars 2022 prescrivant cette forme d’hospitalisation sous contrainte, mais ni la décision d’hospitalisation, ni la décision motivée d’un psychiatre sur la mesure d’isolement après évaluation du patient.

Ainsi, il n’est pas justifié que la patiente soit hospitalisée sous le régime de l’hospitalisation complète sans consentement, et la mesure d’isolement est irrégulière.

Autonomie de la décision d’hospitalisation sous contrainte et des mesures d’isolement et de contention

CA Paris, 6 mai 2022, n° 22/00188

En vertu de l’autonomie de ces deux mesures, l’irrégularité éventuelle de mesure de contention et d’isolement ne peut entraîner la mainlevée de la mesure d’hospitalisation sans consentement.

Fugue pendant un programme de soins et ré-hospitalisation

CA Paris, 19 août 2022, n° 22/00375

Droit applicable

Le psychiatre qui participe à la prise en charge du patient transmet immédiatement au directeur de l’établissement d’accueil un certificat médical circonstancié proposant une hospitalisation complète lorsqu’il constate que la prise en charge de la personne décidée sous une autre forme ne permet plus, notamment du fait du comportement de la personne, de dispenser les soins nécessaires à son état. Lorsqu’il ne peut être procédé à l’examen du patient, il transmet un avis établi sur la base du dossier médical de la personne. La modification du programme de soins peut intervenir à tout moment pour l’adapter à l’état de santé du patient (CSP, Art. L. 3211-2-1 et L. 3211-11).

Analyse

La mesure d’hospitalisation complète décidée par le préfet n’a pu être exécutée en raison de la fugue du patient. Le fait qu’on soit sans nouvelles depuis la fugue du patient n’est pas un motif, en soi, de mainlevée d’hospitalisation sans consentement. Au contraire, elle est l’illustration du refus des soins et de l’absence de conscience de son état.

Le médecin psychiatre a tenu compte des déclarations de la mère de l’intéressé, et il s’est fondé, comme il en a le devoir, sur le dossier médical dont les certificats médicaux de deux autres psychiatres des 28 et 29 mai 2022, mais aussi sur son absence aux derniers rendez-vous médicaux et sur le fait qu’il n’ait pas pris contact avec l’équipe médicale malgré les messages téléphoniques qui lui ont été laissés depuis le 28 juin. Dans ces conditions, la prise en charge sous la forme du programme de soins ne permet plus, notamment du fait du comportement du patient, de dispenser les soins nécessaires à son état, et il convient d’ordonner le maintien de la mesure en soins psychiatriques sous le régime de l’hospitalisation complète.

Procédure devant le juge des libertés et de la détention

Mission du juge

CA Paris, 1er décembre 2022, n° 22/00534

Le contrôle de la régularité comprend notamment le contrôle du bien-fondé des décisions administratives, le juge judiciaire devant, sur la base d’un dossier complet (CSP, Art. R. 3211-12), rechercher si les certificats médicaux produits sont suffisamment précis et circonstanciés au regard des conditions légales exigées pour des soins sans consentement ; cependant, le juge des libertés et de la détention (JLD) n’a pas à se substituer à l’autorité médicale, notamment sur l’évaluation du consentement, du diagnostic ou des soins.

Lorsqu’une personne atteinte de troubles mentaux fait l’objet de soins psychiatriques sans son consentement, les restrictions à l’exercice de ses libertés individuelles doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à son état mental et à la mise en œuvre du traitement requis (CSP, Art. L. 3211-3).

Si le juge doit rechercher tant dans la motivation de la décision du directeur que dans les certificats médicaux communiqués, la réunion des conditions légales nécessaires à justifier l’admission en soins psychiatriques sans consentement, il ne lui appartient pas de substituer son avis ou de dénaturer la teneur des éléments médicaux résultant des constatations personnelles.

Contrôle des restrictions aux liberté individuelles

CA Paris, 22 juin 2022, n° 22/00260

Le JLD doit veiller à ce que les restrictions à l’exercice des libertés individuelles du patient soient adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en œuvre du traitement requis (CSP, Art. L. 3211-3).

Caractère non auditionnable de la personne concernée

CA Paris, 13 décembre 2022, n° 22/00570

Doit être communiqué l’avis un psychiatre ne participant pas à la prise en charge de la personne qui fait l’objet de soins, indiquant les motifs médicaux qui feraient obstacle à son audition (CSP, Art. R. 3211-12, 5°). Le juge doit veiller en toutes circonstances au respect du principe du contradictoire et il peut décider, au vu des motifs médicaux exposés dans l’avis médical préalable, de ne pas entendre la personne faisant l’objet de soins psychiatrique.

Mainlevée des décisions irrégulières s’il en résulte un préjudice

CA Rennes, 5 septembre 2022, n° 22/00487

La régularité des décisions administratives d’hospitalisation sous contrainte peut être contestée devant le JLD, et en cas d’irrégularité, celle-ci n’entraîne la mainlevée de la mesure que s’il en a résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l’objet (CSP, Art. L. 3216-1).

Le JLD dans le ressort duquel se situe l’établissement d’accueil peut être saisi, à tout moment, aux fins d’ordonner, à bref délai, la mainlevée immédiate d’une mesure de soins psychiatriques sous contrainte, quelle qu’en soit la forme (CSP, Art. L. 3211-12- I). Il peut également être saisi aux fins de mainlevée d’une mesure d’isolement ou de contention (CSP, Art. L. 3222-5-1). Dans ce cas, il statue dans les plus brefs délais ou, à défaut, dans un délai de 24 heures à compter de sa saisine. La saisine peut être formée par la personne faisant l’objet des soins.

Le JLD est saisi par requête transmise par tout moyen permettant de dater sa réception au greffe du tribunal judiciaire (CSP, Art. R. 3211-10).

Agressivité, menaces suicidaires et déni des troubles

CA Paris, 19 août 2022, n° 22/00378

Un premier psychiatre mentionne dans son certificat en date du 9 août 2022 une excitation psychomotrice, une euphorie, une exaltation, une insomnie majeure, une anorexie avec amaigrissement, une tachypsychie et un déni total des troubles rendant impossible le consentement de l'intéressé, imposant des soins immédiats, une surveillance constante et l’existence d’un péril imminent pour sa santé.

Un deuxième psychiatre, dans un certificat médical du 10 août 2022, relève des troubles de comportement à type d’agitation motrice avec tentative de pénétration par effraction au domicile de son ex-compagne dans un contexte de rupture thérapeutique.

Un troisième indique dans le certificat médical du 11 août 2022, que ce patient est encore instable, excité, ludique, logorrhéique, verbalisant des idées de grandeur, banalisant les faits et n’ayant aucune conscience de ses troubles.

Dans un nouvel avis médical motivé du 16 août 2022, le psychiatre mentionne que ce jeune patient a été admis aux urgences du centre hospitalier du Val-de-Marne pour troubles du comportement à type d’agitation psychomotrice avec tentative de pénétration par effraction au domicile de son ex-compagne dans un contexte de rupture thérapeutique. Il précise que le patient a démonté une fenêtre, a tenté de mettre le feu à sa chambre et de fuguer. Il ajoute que les mises en danger régulières de sa personne obligent le personnel médical à le mettre en pyjama et en couverture de sécurité. Il indique en outre qu’il reste en instabilité psychomotrice, logorrhéique, qu’il se met régulièrement en danger et qu’il n’a aucune conscience de ses troubles.

Enfin, dans le dernier avis médical motivé du 17 août 2022, un psychiatre indique que ce jour, le patient présente un trouble du comportement à type d’agressivité et menaces suicidaires. Il reste dans le déni de ses troubles. Il est actuellement en chambre d’isolement suite à ses troubles du comportement à type hétéroagressif.

Pour la cour, il résulte de ces éléments médicaux que « Les troubles mentaux qui ont justifié son admission en hospitalisation complète sans consentement pour péril imminent notamment en raison des menaces à l’égard de son ex-compagne et envers lui-même, persistent et justifient pleinement le maintien de la mesure d’hospitalisation complète de celui-ci, sans son consentement ». Cette mesure constitue une mesure « adaptée, nécessaire et proportionnée à l’état du malade et au but thérapeutique poursuivi ». L’ensemble des documents démontre que la prise en charge est conforme aux dispositions légales et ne suscite aucune critique sur le respect des droits du patient.

Déni des troubles et fond délirant persécutif

CA Bourges, 12 août 2022, n° 22/00839

L’avis médical motivé du 9 août 2022 mentionne l’existence d’une alliance thérapeutique qualifiée de « très mauvaise », d’une évaluation clinique très partielle et d’une stabilisation clinique non encore obtenue. Concernant l’état de la patiente, le psychiatre estime qu’elle présente une anxiété importante, une psychorigidité, une méfiance et qu’elle demeure très interprétative, fermée et persécutée. Le médecin rappelle que l’hospitalisation est intervenue en raison de troubles du comportement avec errance pathologique sur fond délirant, persécutif probable, et que sa réadmission a fait suite à une tentative de défenestration survenue le lendemain de sa précédente sortie de l’établissement.

Durant l’audience, la patiente a évoqué à de multiples reprises la malveillance de la sœur de son défunt mari et de l’époux de celle-ci à son encontre, qui auraient pour but de lui enlever sa fille après l’avoir fait passer pour folle, en trafiquant notamment la machine à laver afin que qu’elle ne puisse parvenir à la faire fonctionner et en faisant disparaître puis réapparaître inopinément des chaussettes. Elle a insisté sur le fait qu’elle était normale mais poursuivie par les persécutions de sa belle-sœur.

Durant les premiers jours de son hospitalisation et devant le JLD, la patiente a indiqué que son hospitalisation avait pour cause la malveillance de la personne qui l’hébergeait au foyer du Centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), sans jamais mentionner les agissements ou l’inimitié dont elle accuse aujourd’hui sa belle-sœur.

Ces éléments sont cohérents avec l’attitude de déni de ses troubles et le fond délirant persécutif évoqués par les médecins. Si la patiente a pu faire allusion au projet thérapeutique qu’elle construisait avec ses soignants, l’ampleur des troubles constatés caractérisent à la fois un risque réel de rupture de traitement hors du cadre contraignant de l’hospitalisation et de mise en danger physique d’elle-même ou d’autrui, ainsi qu’une possibilité d’adhésion de surface incompatible avec un consentement réel aux prises en charge jugées nécessaires par le personnel soignant. L’ensemble de ces éléments justifie de s’assurer de la bonne prise des traitements prescrits et de la stabilisation de l’état psychique de la patiente, afin d’éviter tout risque de mise en danger auto ou hétéro-agressive.

Les conditions d’une mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète ne sont pas réunies.

Maintien de l’hospitalisation et prise de conscience de la maladie

CA Amiens, 9 novembre 2021, n° 21/00037

L’intéressé a été hospitalisé en soins psychiatriques à la demande du représentant de l’État de 2016 à 2019, à la suite de troubles du comportement avec agression à l’arme blanche ayant entraîné le décès de son père et des blessures thoraciques sévères chez sa mère avant qu’il ne tente de se suicider. Il a été reconnu pénalement irresponsable par décision du 30 juillet 2020. Alors qu’il était pris en charge en soins libres, il a été soumis à une mesure de soins psychiatriques sans consentement en raison d’une absence d’adhésion aux soins, du déni des troubles et d’une dissociation idéo-affective avec un risque de passage à l’acte auto-agressif. Il a bénéficié d’un programme de soins du 7 janvier 2021 jusqu’à sa réintégration le 18 avril 2021, à sa demande, en raison d’angoisses récurrentes. Il était à nouveau hospitalisé le 28 septembre 2021 après des troubles du comportement à l’égard du voisinage.

Dans son avis motivé du 3 novembre 2021, le psychiatre indique que « Suite à sa réintégration dans le service 28 septembre 2021 en raison des troubles du comportement dans son voisinage, il était très agité à son arrivée dans le service d’où la mise en place d’un cadre thérapeutique et un traitement adapté. Une tentative d’allègement du cadre thérapeutique a été un échec à cause de ses multiples transgressions et de son imprévisibilité. L’intéressé est dans la banalisation de ses conduites inadaptées. Le risque de passage à l’acte auto- et hétéro-agressif est encore présent. Il n’y a aucune remise en cause de ses troubles. Il est dans le déni total de sa pathologie d’où la mauvaise observance au traitement ».

Dans ces conditions, le maintien de l’hospitalisation sous contrainte est nécessaire « pour travailler la prise de conscience de sa maladie et préparer progressivement son éventuel retour au domicile ».

Cour d’appel

Appel par le tuteur

CA Paris, 20 décembre 2022, n° 22/00583

Le tuteur est partie à l’instance devant le JLD (CSP, Art. R. 3211-13). Le père du patient, désigné en qualité de tuteur à la personne de son fils suivant jugement du 1er décembre 2021, a qualité pour interjeter appel.

Nécessité de motiver l’appel dans les 10 jours

CA Toulouse, 1er décembre 2022, n° 22/00099

L’ordonnance du JLD est susceptible d’appel devant le premier président de la cour d’appel dans un délai de dix jours à compter de sa notification. Le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d’appel motivée, transmise par tout moyen au greffe de la cour d’appel (CSP, Art. R. 3211-18 et R. 3211-19).

Le patient a justifié son appel dans l’optique d’une réévaluation du dossier. Cette indication ne saurait constituer une motivation, laquelle, même si elle peut être très succincte, doit néanmoins exposer les raisons de la contestation de la décision rendue. Or, ce n’est qu’à l’audience et après le délai de dix jours lui permettant de le faire, qu’il a explicité les motifs de son appel. Dès lors, son recours doit être déclaré irrecevable.

Dernier jour d’appel un jour férié

CA Rennes, 6 décembre 2022, n° 22/00691

Le délai d’appel est de dix jours à compter de la notification de l’ordonnance, le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d’appel transmise par tout moyen au greffe de la cour d’appel et la déclaration est enregistrée avec mention de la date et de l’heure (CSP, Art. R. 3211-18 et Art. R. 3211-19).

Le patient a formé appel le 28 novembre 2022 d’une décision du JLD du 17 notifiée le même jour. Le dernier jour du délai d’appel expirant le 27, soit un dimanche, son appel formé le lendemain, premier jour ouvrable suivant, n’est pas tardif.

Audience écrite

CA Paris, 6 décembre 2022, n° 22/00569

Si le patient n’a pas sollicité son audition dans le cadre de la procédure d’appel, il est statué selon une procédure écrite sans instauration d’une audience publique (CSP, Art. L. 3211-12-2).