Réforme du système de santé
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En début d’année 2023, le Président de la République a posé les bases de la réforme qu’il souhaite pour le système de santé. Le ministre de la Santé a, quant à lui, expliqué les grandes lignes du calendrier.
Lors de ses vœux aux acteurs de la santé, une première depuis son accession au pouvoir, le Président Emmanuel Macron a rappelé la raison de la crise que traverse l’hôpital et, plus largement, le système de santé : « Ce n’est pas simplement une crise de moyens, elle est multifactorielle. […] C’est un problème d’organisation de notre système, un problème d’évolution de notre société ». Si le diagnostic était, selon lui, posé dès 2018, il reconnaît que même avec la débauche de moyens financiers permis lors du Ségur – 19 milliards d’euros injectés – le traitement n’a pas été suffisant. Et cela ne va pas être facile à changer, a-t-il prévenu : « On va mettre une décennie à changer en profondeur », le temps de voir les effets de la fin du numerus clausus, par exemple. De plus, pour lui, il faut réinvestir le temps médical, redonner aux médecins du temps pour soigner : il souhaite pour cela renforcer le recrutement d’assistants médicaux, aujourd’hui au nombre de 4 000 mais que le Président souhaite porter à 10 000 d’ici la fin de l’année prochaine. Concernant les infirmières et infirmiers, il souhaite que l’orientation et Parcoursup détectent mieux les vocations, beaucoup trop d’élèves n’allant pas au bout du cursus. Ces mêmes professionnels pourraient, selon les propos du Président, accéder à plus de missions, comme la délégation d’actes, avec notamment un « développement massif » des infirmières de pratique avancée (IPA) : à cet égard, le ministre de la Santé a annoncé de son côté qu’il lancerait, d’ici le printemps, un « grand plan pour augmenter le nombre de ces IPA ». Reste à en connaître la teneur.
Revenant sur les 35 heures à l’hôpital, Emmanuel Macron a pointé la rigidité du système et le manque de clarté concernant les heures supplémentaires, qui désorganise les services. Il faut, selon lui, tout remettre à plat d’ici au 1er juin, « pour ne plus avoir à combler les crises et en permanence faire des primes, des revalorisations ». Concernant le manque de reconnaissance régulièrement pointé du doigt par les soignants, le Président pense que remettre « l’organisation collective à l’échelle humaine » devrait leur permettre de retrouver un peu d’humanité. Emmanuel Macron souhaite ainsi que, au plus tard le 1er juin, chaque hôpital ait engagé et finalisé des discussions avec toutes les équipes et l’ensemble des partenaires sociaux, pour adapter les plannings et les organisations de travail, notamment au niveau des services, qui devraient selon lui, « redevenir l’unité organique et humaine pour pouvoir organiser les choses ». Il demande aussi que des facilités soient accordées aux soignants pour leur logement, voire leur transport, afin de les soutenir au quotidien, et que des réflexions soient menées sur la rémunération du travail de nuit et la permanence des soins. Concernant l’organisation de l’hôpital, le Président appelle de ses vœux la mise en place d’une direction formée d’un tandem administratif et médical.
Très attendue, la question du financement a aussi été évoquée : « On doit pouvoir sortir de la T2A [tarification à l'activité] dès le prochain PLFSS [Projet de loi de financement de la Sécurité sociale], pour aller vers un financement qu’on doit rebâtir sur la base d’un travail en profondeur et d’une concertation qui repose sur une rémunération basée sur des objectifs de santé publique », négociée à l’échelle des territoires. Cette question a largement été commentée, et pour cause : mise en place dès 2004 dans le cadre du plan Hôpital 2007, la T2A a souvent été taxée de système qui faisait la course à la rentabilité. Ce n’est pourtant pas la première fois que le Président de la République souhaite en sortir, de son propre aveu. Dans la droite ligne de ses propos, le ministre de la Santé, François Braun, a rappelé que l’un de ses objectifs était de « tourner le dos à la logique comptable qui a présidé à la gestion du système et a pu aboutir à une forme de rationnement des soins ». « C’est un tout nouveau mix financier qu’il nous faut bâtir et qui devra dès demain permettre de rémunérer à leur juste valeur les missions et le travail de chacun comme de valoriser l’accomplissement d’objectifs de santé publique ». Concrètement, en quoi pourrait consister ce nouveau mix financier que le ministre souhaite mettre en place ? Il faudra attendre le prochain PLFSS, à l’automne, pour en connaître la teneur. Néanmoins, les premiers contours devraient en être dessinés dès le printemps puisque le ministre de la Santé a annoncé qu’un groupe de travail sera mis en place très prochainement.
C’est d’ailleurs sous la forme d’un échéancier que François Braun a présenté, de son côté, ses vœux aux soignants : pour lui, « 2023 marquera un tournant, elle sera déterminante pour la santé de nos concitoyens et pour l’ensemble de notre système de santé ». Dès ce mois-ci, il devrait annoncer des simplifications pour les médecins afin de dégager du temps médical et un tour de France des services d’accès aux soins pour garantir un meilleur maillage du territoire d’ici la fin de l’année. D’ici septembre, « un plan en faveur des managers des services, notamment les cadres de santé » sera lancé : « Nous devons continuer de renforcer le binôme chef de service/cadre de santé, par la formation mais aussi par des outils modernes d’animation des collectifs de travail », a-t-il déclaré. Plus encore, François Braun a annoncé que : « L’année 2023 sera celle des infirmières et des infirmiers, celles de perspectives clarifiées ». Une façon de dire et redire l’importance de la formation des étudiants en Ifsi et de faire « évoluer le décret d’actes du métier d’infirmier ainsi que la ré-ingénierie de la formation ».
Sur la méthode, ni le Président ni le ministre de la Santé n’ont été précis, si ce n’est d’évoquer le Conseil national de la refondation comme modèle. Une chose est sûre : le chantier est vaste, le calendrier annoncé très serré et les attentes immenses. Si la Fédération hospitalière de France (FHF) et l’Ordre national des infirmiers (ONI) saluent les propos du Président de la République, avec des annonces fortes, « dans un esprit de responsabilité », selon les termes de l’ONI, ils attendent la concrétisation du discours, et pour l’ONI, l’urgence de réviser le décret-socle qui encadre la profession infirmière. Au sujet de la sortie de la T2A, la FHF met en garde : « Définir des dotations partant des besoins de la population est un très bon principe, mais il faut absolument que le même modèle s’applique à l’hôpital public comme au secteur privé, pour éviter un système à deux vitesses délétère pour les patients et les soignants, comme nous l’avons connu dans les années 1970 ».