Violences à l’encontre des soignants
ACTUALITÉS
L’Observatoire national des violences en milieu de santé (ONVS) a publié son rapport 2022. Il met également en place une nouvelle plateforme de signalement.
L’édition 2022 du rapport de l’ONVS traite des violences commises en 2020 et 2021 dans le contexte particulier de la crise sanitaire. Si l’on constate une baisse du nombre d’établissements déclarants et des signalements, c’est principalement du fait de la baisse de fréquentation des établissements de santé et la limitation des visites ; néanmoins, cette situation inédite a pu générer des violences spécifiques dues au règlement mis en place pour gérer la crise.
En 2020 et 2021, près de 400 établissements ont signalé chaque année près de 20 000 faits de violences, qu’elles soient des atteintes aux personnes ou aux biens. Parmi les services les plus impactés se trouve le secteur de la psychiatrie (22 % des cas) et celui des Unités de soins longue durée et Ehpad (12 % à 13 % des cas). Si les services d’urgence étaient auparavant parmi les plus touchés par des phénomènes de violence, ils ne sont plus en tête des signalements, probablement du fait des restrictions sur les entrées pendant la crise sanitaire.
Concernant les atteintes aux personnes, les violences physiques de niveau 3* et les menaces avec arme (on entend par arme tout objet détourné de son usage naturel à des fins de violence) représentaient un peu plus de 50 % des signalements en 2020, mais ont été dépassées en 2021 par les violences verbales de niveau 1 (insultes, injures) et de niveau 2 (menaces). Ces chiffres matérialisent sans doute les tensions existant dans les relations au sein des structures de soins et pourraient montrer la nécessité de mettre en place d’une lutte spécifique contre les violences verbales : le rapport cite l’exemple du CHU de Rouen qui a signé en juin 2021 un protocole de prise en charge spécifique avec le Parquet, permettant d’accélérer le signalement dans les cas d’incivilités avec un rappel à la loi pour le prévenu.
Si la plupart des victimes d’atteintes aux personnes sont les soignants (83 % des cas), ce sont les infirmières et aides-soignantes qui font le plus l’objet d’incivilités. Ces violences sont le fait des patients eux-mêmes (plus de 70 % des cas), mais elles émanent également des accompagnateurs et visiteurs, ces derniers ayant eu un comportement particulièrement agressif avec le personnel (soignant ou non) pendant la crise sanitaire. La plupart du temps, les motifs de violence correspondent à un reproche concernant la prise en charge du patient, de nombreux témoignages relatant une insatisfaction sur le temps de prise en charge ou la nature des soins prodigués. Pour régler ces sources de conflit, le soignant est bien souvent le seul à intervenir (60 % des cas), même si les services de sécurité sont aussi concernés dans 23 % des situations ; exceptionnellement, le recours aux forces de l’ordre a été nécessaire.
Outre l’impact psychologique que ces violences induisent sur les soignants qui les subissent de manière quasi quotidienne, elles entraînent divers sentiments décrits par les professionnels de santé : « angoisse de faire les soins, stress participant de l’épuisement, démoralisation, lassitude voire saturation, difficulté d’évacuer la scène et de se rendre à son poste, choc, inquiétude, humiliation ». D’un point de vue organisationnel, ces violences induisent une désorganisation de la prise en charge, une mobilisation des soignants au détriment de la réelle prise en charge de la santé des patients, quand ce n’est pas un défaut complet de soins ou un non-respect du projet de soins ou de vie de la personne.
Face à ce constat, l’ONVS rappelle l’importance que revêt, pour les professionnels de santé, la nécessité de connaître le niveau d’autorité (et de fermeté) qu’ils doivent instaurer avec les patients et leurs accompagnants afin d’entretenir une relation équilibrée. « Comment continuer à soigner dans une relation de rapport de force ? », s’interroge l’ONVS. « Les principes élémentaires de civisme et de vie en société ont besoin d’être remis à l’honneur dans les établissements de soins. Il est anormal que des personnels de santé soient insultés et maltraités ». La ministre déléguée chargée de Organisation territoriale et des Professions de santé, Agnès Firmin Le Bodo, a d’ores et déjà mis en place la refonte du site de signalement à l’ONVS, désormais intégré au portail de signalement des événements indésirables**, et la publication d’une circulaire rappelant les bonnes pratiques en matière de protection fonctionnelle des agents de la FPH. Un guide sur les principes de sécurité bâtimentaire sera également publié. Enfin, une concertation sera menée entre représentants des agences régionales de santé (ARS), des établissements, des ordres, des forces de l’ordre, de la justice, des organisations syndicales et des métiers de la sûreté et de la sécurité incendie, afin d’établir au printemps 2023 des propositions en vue d’améliorer la prévention des violences. Cette dernière est un « enjeu capital pour les établissements de santé, qui entre pleinement dans la gestion des nombreux risques que doivent envisager leurs directeurs », conclut l’ONVS.