OBJECTIF SOINS n° 0291 du 15/02/2023

 

interview

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Propos recueillis par Thomas Laborde

  

La présidente du syndicat des infirmières en pratique avancée, à son poste depuis le début, a quitté ses fonctions en fin d’année 2022. Elle a justifié sa démarche par des divergences au sein de la structure, l'Unipa, dont elle reste adhérente et qui reste unie dans l’ensemble. Elle nous donne ses explications avec, en toile de fond, le projet de loi Rist.

Pourriez-vous nous dire quel est votre parcours ?

Je suis diplômée infirmière depuis 1997. J’ai fait d’abord de l’intérim, de l’hospitalisation à domicile et puis du libéral, depuis 2003. Je suis entrée, en 2015, à Aix-Marseille Université pour entreprendre un master préfiguratif en sciences cliniques infirmières parcours complexes de soins. Nous étions en formation quand la loi de 2016 qui crée la pratique avancée en France est sortie. Les décrets d’application sont sortis courant 2018. Je suis valider des études supérieures à l’université Diderot dont je suis sortie en juillet 2019. Je fais donc partie des premières promotions diplômées en tant qu’infirmière en pratique avancée (IPA).

Comment est née l’Union nationales des infirmières en pratique avancée (Unipa) ?

Il n’existait aucune structure pour défendre nos intérêts. Pour les infirmières libérales, il n’y avait aucun modèle économique pensé pour une future installation. C’est ce qui nous a motivés. Nous avons fait une première assemblée générale avec 22 étudiants. Très rapidement, Le nombre d’adhérents a augmenté. Nous avons organisé de nouvelles élections, décalées en 2021 à cause du Covid, et j’ai été réélue.

Pourquoi avoir voulu prendre la présidence du syndicat ?

Ce sont les autres qui m’ont poussée. Une collègue m’a dit que j’étais une main de velours dans un gant de fer ! Il fallait aussi quelqu’un qui ait une vision systémique. En tant que libérale, j’ai participé, dans mon secteur dans les Yvelines, à construire le projet de la maison de santé et de la CPTS (communauté professionnelle territoriale de santé, ndlr).

Vous avez quitté la présidence du syndicat fin 2022. Que s’est-il passé ?

Nous sommes une profession jeune, en cours d’implantation, de construction. Il y a beaucoup de lignes à faire bouger. J’ai toujours été sur la ligne politique de co-construction, de propositions avec les autres partenaires. Que ce soit les médecins ou d’autres parties prenantes qui nécessitent des ajustements pour les IPA. Il faut tout créer, partout : une vraie coordination, une vraie collaboration. Je n’étais plus soutenue dans ma vision politique. Les objectifs restent les mêmes. Les moyens, moins dans la concertation, peut-être, sont différents. J’ai laissé ma place.

Que vous a-t-il manqué ?

Il faut aussi rappeler que cela fait quatre ans que j’occupe cette fonction. Nous sommes reconnus pour le travail que nous avons fourni mais il n’y a absolument pas de moyens alloués. Nous avons répondu aux sollicitations de toutes parts : l’Assemblée nationale, la Cour des comptes, la Direction générale de l'offre de soins (DGOS), les groupes de travail... Il y a plus de 22 textes qui sont sortis sur la pratique avancée en trois ans.

Tout est parti d’une page complètement blanche sans la connaissance du fonctionnement d’un syndicat. Nous avons construit cela avec notre seule volonté d’avancer. Personne ne nous connaissait... Ça a été un vrai travail de pionniers.

J’ai quand même gardé une activité clinique qui était restreinte. Aujourd’hui, j’ai besoin de capitaliser sur cette activité clinique de façon plus importante. Et puis, il y a des besoins dans mon secteur.

Quel bilan faites-vous ?

C’est une formidable expérience et, aujourd’hui, j’ai une vision bien plus globale du système de santé. Je reste persuadée que c’est la collaboration entre tous les professionnels qui permettra de transformer ce système de santé de manière à ce que la prise en charge de tous les patients soit vraiment un intérêt central. Les IPA font partie de la solution !

Quel lien gardez-vous avec l’Unipa ?

Je suis adhérente. Il faut rester uni. L’intérêt collectif doit primer. C’est ce que j’ai toujours fait et c’est ce que je ferai toujours.

Que penser du projet de loi Rist ?

Il nous convient parce que nous le portons ! Mais une partie du texte devra être clarifiée. Dans la loi, il y a la partie primo-prescription, la partie accès direct. Ce sont des outils qui nous manquent : pas pour remplacer les médecins, mais pour être complémentaires. Le texte propose aussi de créer des IPA spécialisées et des IPA praticiennes. Que va-t-on mettre derrière ces deux notions ? Les termes d’infirmière en pratique avancée, ça ne parle pas à l’usager... Il faut déjà lui expliquer nos missions. Je ne suis pas sûre que de créer deux modèles va permettre une meilleure lisibilité du système. C’est pourquoi, nous les IPA, nous allons accompagner cette législation jusqu’au bout.