Pour faire suite à la crise sanitaire qu’a générée la pandémie de Covid-19, la Haute Autorité de santé (HAS) vient de publier un rapport d’analyse prospective. En plus des enseignements à en tirer, l’autorité sanitaire apporte quelques propositions qu’elle adresse au Gouvernement et au Parlement.
« Analyser la mobilisation et la production de l’expertise pendant cette crise, afin d’en tirer des enseignements et des axes d’amélioration pour l’avenir, est indispensable pour être collectivement mieux préparés aux crises qui ne manqueront pas de survenir » : voici en substance ce que la HAS explique pour justifier aujourd’hui la publication de son rapport d’analyse prospective*, basé sur une analyse bibliographique et une cinquantaine d’entretiens menés auprès d’organismes et d’acteurs particulièrement mobilisés pendant la crise.
Ce n’est pas un rapport qui traite de la gestion de la crise, mais plutôt de la mobilisation et de la production d’expertise pour l’aide à la décision. La crise a en effet montré une multiplication des structures et des acteurs mobilisés qui a mis en évidence le besoin de coordination pour gagner en lisibilité auprès du public et des professionnels. La crise a aussi mis en lumière le fait que les prises de décisions dans l’urgence n’ont parfois pas eu le temps de s’appuyer sur une approche interdisciplinaire : bien souvent, regrette la HAS, « Les aspects biomédicaux et épidémiologiques ont été privilégiés en prenant trop peu en compte les besoins différenciés des populations et une approche globale de santé incluant les droits et libertés de chacun ».
La crise a également montré que les données de santé constituent un enjeu crucial pour éclairer la décision publique, notamment en cas de crise, où l’on a pu voir qu’elles occupaient une place centrale en termes de communication. Et de communication, il en est largement question dans ce rapport de la HAS qui s’interroge sur la place des experts et de l’expertise, dans la prise de décisions et dans les médias. Cette question a d’ailleurs fragilisé la confiance que les citoyens pouvaient avoir en la science, tant les experts et avis se multipliaient chaque jour, conduisant à des avis parfois divergents : « Ces prises de positions multiples n’ont pas permis à l’expertise scientifique d’être audible et d’être identifiée comme de nature différente d’une opinion », déplore la HAS.
À la lumière de ces constats, la HAS formule quelques propositions afin de garantir qu’en cas de crise, l’expertise légitime et de qualité soit respectée.
Elle préconise en premier lieu la mise en place, hors crise, d’une « coordination interministérielle » rattachée au Premier Ministre, où chaque organisme ou institution reçoit une définition claire de son périmètre d’expertise, afin d’être le plus efficace possible.
La HAS propose aussi que les systèmes d’information soient pensés pour être réactifs et adaptables en cas de crise, avec les moyens humains (statisticiens, ingénieurs data) afin d’avoir une meilleure remontée d’informations depuis les établissements de santé et médicosociaux (notamment les Ehpad).
Sur le volet de la recherche, la HAS insiste sur la nécessité d’un maintien des fondamentaux (intégrité, qualité et éthique) qui ont parfois pu faire défaut au plus fort de la crise, et le renfort des liens entre recherche et expertise pour générer, autant que nécessaire, des éléments de connaissance de qualité.
Concernant la communication et l’expertise, la HAS note que celle-ci s’est fortement orientée, dès le départ, vers une approche biomédicale et épidémiologique et que, a contrario, les acteurs du champ des sciences humaines et sociales, pourtant investis, ont été initialement peu sollicités dans l’aide à la décision. À cet égard, la HAS propose que des dialogues transdisciplinaires soient menés en cas de crise afin que les sciences humaines ne soient plus écartées de l’aide à la décision. En termes de communication, la HAS reconnaît que si le besoin d’information a été massif au moment de la crise sanitaire, il a également fait émerger une multiplicité d’intervenants conduisant parfois à la confusion et la diffusion de fake news. La HAS insiste sur la nécessité de communiquer régulièrement (même en dehors des crises) dans un langage accessible, sur toutes les étapes du processus du travail d’expertise, que ce soit à destination des professionnels ou du grand public.
Enfin, dernier point, concernant les experts, qui ont été nombreux à se succéder dans l’exercice de la communication : la HAS souhaite que soit précisé la situation de l’expert avant toute intervention et que soit distingué ce qui relève de la communication de faits scientifiques, de l’opinion personnelle ou politique. La crise sanitaire a en effet montré que la place des scientifiques et des experts dans le débat public n’allait pas forcément de soi et que cela impactait la confiance des citoyens. « Durablement ou pas, seul l’avenir le dira », conclut la HAS.