OBJECTIF SOINS n° 0292 du 17/04/2023

 

Éthique

ACTUALITÉS

Anne Lise Favier

  

Le Comité consultatif national d’éthique fête ses 40 ans : l’occasion d’un bilan pour mesurer le chemin parcouru et l’évolution de la société.

Rabelais l’avait formulé en son temps sous la forme de cette célèbre devise : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». En 1983, François Mitterrand, alors président de la République, évoque « la science d’aujourd’hui qui prend souvent l’homme de vitesse », pour justifier la mise en place en décembre de la même année du Comité consultatif national d’éthique (CCNE).

Une réflexion nécessaire

À l’époque, cette instance doit répondre à une triple attente : « celle des citoyens qui cherchent des repères dans les avancées parfois vertigineuses des sciences, celle des chercheurs et praticiens qui se sentent seuls face aux conséquences gigantesques de leurs réflexions et de leurs travaux et enfin celle de pouvoirs publics qui ont besoin d’avis, de conseils, de recommandations ». C’est donc dans ce contexte d’acquisition de nouvelles connaissances scientifiques dans le domaine de la biologie, de la médecine et de la mise au point de technologies biomédicales toujours plus performantes que le CCNE voit le jour. « L’homme pouvait ainsi comprendre davantage les phénomènes biologiques et leurs dysfonctionnements conduisant notamment à la maladie, mais aussi les maîtriser plus efficacement. Cela lui conférait de nouveaux pouvoirs, qui en retour, lui imposent la nécessité de s’interroger, de poser un regard critique sur les conséquences pour l’homme du développement d’innovations », expliquent Jean-François Delfraissy, Emmanuel Didier et Pierre-Henri Duée, en préface d’un ouvrage qui sort pour l’occasion*. Le CCNE est créé pour « donner son avis sur les problèmes moraux qui sont soulevés par la recherche dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé et de publier des recommandations sur ces sujets ».

Un reflet de l’évolution de la société

Il est intéressant de voir que dans le monde, le code de Nuremberg en 1947 puis la déclaration d’Helsinki, en 1964, posent les bases d’une éthique de la science et que, malgré certains faits de société marquants en France, tels la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) en 1975, un tel comité ne voit le jour que près de 10 ans plus tard. Selon les auteurs de l’ouvrage, cela s’explique par le fait que les discussions autour de l’IVG n’avaient pas été présentées « en termes éthiques mais plutôt en termes de rupture de société dans les rapports entre hommes et femmes ». Ce qui n’est finalement pas rare dans les avis publiés par le CCNE, qui reflètent largement l’évolution de la société. L’évolution des sujets traités au cours des quatre décennies d’existence du Comité est bien visible : le statut de l’embryon, thème récurrent de la première décade, puis les enjeux de la génétique avec l’avènement de l’étude du génome, et enfin des questions qui interrogent l’évolution de la biométrique, des nanotechnologies ou encore de la procréation.

Aujourd’hui, le CCNE est régulièrement saisi de questions aussi diverses que le consentement lors des examens gynécologiques ou l’intelligence artificielle en lien avec le diagnostic médical.

*Quarante ans de bioéthique en France, éd. Odile Jacob, mars 2023.

40 ans de CCNE en chiffres

279 : le nombre de personnalités qui ont participé aux différents travaux (théologien, biologiste, philosophe, médecin, juriste, pharmacologue, etc.)

6 : les présidents qui se sont succédé à la tête du Comité, de Jean Bernard à Jean-François Delfraissy.

142 : le nombre d’avis numérotés publiés par le CCNE, le tout dernier en date, présenté fin mars 2023, concerne le consentement et le respect de la personne dans la pratique des examens gynécologiques ou touchant à l’intimité.

850 : le nombre de demandes reçues par le CCNE depuis son origine. Un tiers est directement traité par le président du Comité. Parmi les deux tiers restants, 80 % sont traités par le Comité technique sans forcément donner lieu à des avis tandis que les 20 % restants feront l’objet d’une instruction par un groupe de travail dédié, puis la publication d’un avis après validation par le Comité plénier.

14 : le nombre de textes publiés hors numérotation, notamment dans la période récente, autour de la pandémie de Covid-19.