Sécurisation du circuit du médicament - Objectif Soins & Management n° 172 du 01/01/2009 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 172 du 01/01/2009

 

Cahier du management

En février 2008, un audit de conformité de l'Administration du médicament a été réalisé à l'Institut Curie (Paris). La méthode et les résultats de cet audit sont présentés sous forme de fiche.

L'objectif de cet audit est de comprendre les erreurs d'administration pour améliorer la sécurité des traitements. Pour ce faire, il a été mené par la DSSI dans sept unités de soins de jour et nuit. La construction et l'analyse du questionnaire ont été réalisées en collaboration avec le service de biostatistiques.

CONTEXTE

Comme la plupart des établissements de santé, l'Institut Curie s'est engagé depuis décembre 2005 dans le Contrat de bon usage du médicament.

Antérieurement, puis dans ce cadre, de nombreuses réflexions et réorganisations ont été conduites via un groupe projet médicament réunissant l'ensemble des professionnels impliqués : médecins prescripteurs, pharmaciens, infirmiers, préparateurs, cadres soignants, informaticiens, qualiticiens, DIM, Direction...

→ La restructuration de la centralisation des chimiothérapies a été programmée pour rassembler la préparation des chimiothérapies ambulatoires - déjà centralisée mais devenue obsolète - et les chimiothérapies dispensées en hospitalisation conventionnelle dont la préparation restait à la charge des infirmières.

→ Une cartographie précise des différents circuits médicamenteux a été réalisée en interne par le groupe projet dans un but de simplification, car on dénombrait alors 9 circuits différents selon le type de médication concerné (per-os, chimiothérapie, médicaments personnels, stupéfiants...), le moment (heures ouvrables ou non ouvrables), le service ou les modalités (programmé ou en urgence).

→ Une étude relative à l'intérêt des armoires de médicaments informatisées et des essais concluants dans 2 unités ont conduit à programmer leur extension à l'ensemble des unités pour sécuriser l'administration des médicaments.

→ Un groupe pluriprofessionnel travaille depuis plusieurs années à l'informatisation de la prescription et de l'administration du médicament dans l'objectif de fournir aux équipes un outil informatisé unique, permettant d'assurer la traçabilité de la prescription à l'administration en passant par la dispensation et la planification.

→ Afin de renforcer les réflexions et les actions internes en bénéficiant du «benchmarking», l'hôpital s'est également porté volontaire pour intégrer les travaux conduits par la Mission nationale d'expertise et d'audit hospitalier (MEAH) sur ce sujet. Dans ce contexte, deux cellules de retour d'expérience «CREX» (Comité de retour d'expérience) ont été mises en oeuvre en oncologie adulte et pédiatrique. Cette méthode issue de l'aéronautique permet à un groupe de professionnels volontaires d'analyser un événement précurseur ou avéré (dysfonctionnement ou incident) choisi en raison de sa gravité et/ou de sa fréquence, et de mettre en oeuvre des actions correctives afin d'éviter qu'il ne se reproduise.

ÉLÉMENT DÉCLENCHEUR

En dépit de l'implication concrète des équipes dans l'ensemble de ces réflexions et projets relatifs à la sécurisation du circuit médicament, deux erreurs avérées d'administration médicamenteuses ont fait l'objet de déclaration d'événements indésirables en décembre 2007.

→ À l'issue de l'analyse de ces incidents, un groupe de cadres et d'infirmières s'est constitué sous l'égide la direction des Soins pour tenter de sécuriser sans délai l'administration du médicament.

→ Des mesures destinées à fiabiliser la préparation des médicaments, via les supports de planification des soins et l'organisation pratique des soins (lieux et modalités de préparation), étaient déjà à l'étude dans l'institution.

→ Le groupe décide de mettre en oeuvre une formation interne aux calculs de doses et dilutions pour toutes les infirmières afin d'éviter les erreurs de dose qui constituent un problème relativement fréquent.

→ La direction des Soins décide également d'évaluer la conformité de l'administration médicamenteuse sans attendre les résultats des modifications d'organisation en cours ou à venir, afin de quantifier objectivement le problème et de disposer d'une évaluation initiale pouvant servir de référence ultérieure. Il s'agit de passer d'une vision impressionniste des erreurs constatées à la compréhension des non-conformités avérées des pratiques.

Cet audit est élaboré et mené par la Direction des services de soins infirmiers (DSSI) avec le concours du service de Biostatistiques pour la construction de la grille d'audit et le traitement des données. Le projet est présenté en réunion d'encadrement et en comité projet médicament.

MÉTHODE

L'audit de conformité de l'administration du médicament a été réalisé sur une journée dans toutes les unités de soins et a concerné les différentes étapes à la charge de l'infirmière de la préparation à l'administration du médicament. L'activité auditée est l'administration des médicaments injectables à l'exclusion des chimiothérapies - trop spécifiques et des prises per os (risques moindres) -, selon les six étapes suivantes :

→ la vérification de la prescription,

→ la planification écrite,

→ la préparation des médicaments,

→ l'administration au patient,

→ la traçabilité de l'administration du médicament,

→ l'hygiène des mains et l'élimination des déchets.

Quatre infirmières du pôle de suppléance ont conduit l'observation au moyen de la grille d'audit. Elles ont audité des infirmières du matin, d'après-midi et de nuit de l'ensemble des unités à partir de la seule observation, sans intervenir dans le soin ni poser de questions.

CONCLUSION

→ Le taux d'actes accomplis sans erreur est faible. La majorité des erreurs mettent en cause l'organisation du travail : interruption par des tiers de l'acte en cours, soit par organisation des tâches en série, soit par manque de «sanctuarisation» du temps de travail dédié à cet acte à risques (ensemble du processus conduisant à l'administration du médicament).

→ Certaines erreurs relèvent de l'inadéquation des outils de travail, particulièrement de l'outil informatique, mais aussi d'autres éléments (inadéquation des conteneurs de déchets tranchants).

→ Une autre part des manquements relève d'un défaut de vigilance et de concentration durant l'activité ou de l'ignorance des règles de bonne pratique.

→ Les résultats de cet audit alimenteront les axes de travail en cours et à venir tel l'informatisation de la prescription, la professionnalisation des infirmières lors de la prise de leur poste, et l'organisation des soins au sein de chaque service.

Il faut noter cependant qu'il s'agit de non-conformités plutôt que d'erreurs avérées, et que chaque patient a bien reçu la médication prescrite, à la bonne dose, à la bonne heure et sous la bonne forme.

Ces non-conformités constituent cependant un risque potentiel.

En effet, la survenue d'une erreur d'administration avérée relève le plus souvent d'une succession de non-conformités ou de dysfonctionnements qui «shuntent» les unes après les autres les différentes étapes censées sécuriser le dispositif.

Il sera intéressant de reconduire cet audit à distance des réajustements mis en oeuvre, pour évaluer les progrès accomplis.