Un environnement à surveiller - Objectif Soins & Management n° 172 du 01/01/2009 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 172 du 01/01/2009

 

Qualité et gestion des risques

VIGILANCE → Le développement durable est une notion qui a désormais trouvé sa place au sein de la vie quotidienne. C'est tout logiquement qu'il occupe une place de plus en plus prépondérante au sein du soin, les deux notions étant étroitement liées.

S' il est aujourd'hui admis que de nombreux facteurs environnementaux (eau, air, sols, etc.) peuvent influer sur la survenue de pathologies (cancer, maladies cardiovasculaires, allergies, etc.), il est un domaine qui se doit, plus que d'autres, d'être irréprochable concernant l'environnement : c'est celui du soin. Plus que jamais d'actualité, le précepte d'Hippocrate «Primum non nocere», littéralement «d'abord ne pas nuire» résume à lui seul l'objectif à atteindre : soigner sans nuire. Une phrase qui sonne comme une évidence mais qui, à l'hôpital, est une notion relativement récente.

Ce n'est en effet qu'en 2005, lors du congrès de la Fédération internationale des hôpitaux, que le rôle important de l'hôpital dans le développement durable a été mis en exergue. Depuis, avec la mise en place du Comité du développement durable en santé (C2DS), l'environnement et la santé se sont de nouveau retrouvés côte à côte pour le bien-être de tous. Dans le même temps, un plan national santé-environnement a été mis sur pied pour répondre aux préoccupations des Français en matière d'environnement et de santé et bâtir un diagnostic de l'état des risques sanitaires en environnement. De nouvelles données sanitaires confirment que l'urgence est de mise et que tous les domaines doivent progresser.

Ces démarches, qui convergent vers la volonté du public d'en savoir toujours plus sur les risques inhérents à l'environnement, ont abouti à la publication d'un baromètre «santé et environnement» par l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES). Ce dernier montre en 2008 l'intérêt du grand public pour les problématiques de santé liées à l'environnement, même si ce dernier s'estime encore relativement mal informé.

DES DÉCHETS FAVORISÉS PAR L'USAGE UNIQUE

À l'hôpital - où les risques sont déjà nombreux du fait de la particularité des tâches accomplies -, la surveillance environnementale doit être d'autant plus forte. Si les établissements de santé ne sont pas les plus gros producteurs de déchets (200 000 tonnes tout de même, mais si peu, finalement, en regard des quelque 900 millions de tonnes, tous secteurs confondus !), ils en génèrent tout de même, et pas des moindres : que ce soit des déchets d'activités de soins à risque infectieux ou des déchets chimiques issus de l'usage de l'imagerie (effluents liquides, radioactivité), ils doivent suivre un circuit d'élimination particulier, sous peine de retrouver des éléments indésirables dans l'environnement.

Et ce n'est pas l'usage unique à l'hôpital garantissant hygiène et sécurité du soin, qui risque d'améliorer la donne en augmentant le taux de rebuts. Pourtant, certains établissements se sont mis à reconsidérer ce tout «usage unique» : à la clinique Champeau de Béziers, pionnière en la matière (son directeur, Olivier Toma, est l'instigateur du C2DS), on préfère privilégier les produits conditionnés en vrac plutôt que ceux qui bénéficient d'un double emballage. De même, les dispositifs médicaux durables, à l'opposé des jetables, sont privilégiés dès que cela est possible.

Une charte des achats responsables a même été mise en place par le C2DS : les signataires s'engagent à respecter autant que possible l'environnement en sensibilisant les fournisseurs de dispositifs médicaux à une réduction des emballages ou en cherchant du matériel répondant aux principes d'hygiène et de sécurité, tant du point de vue des patients que des utilisateurs. Cela peut être par exemple le cas pour ce qui est du choix des produits de nettoyage : moins agressifs pour les agents de service mais tout aussi efficaces. Il en va de même pour le matériel nécessaire à la rénovation ou la construction d'un hôpital : peintures, solvants, revêtements de murs ou de sols, la palette est large et la gamme est désormais relativement fournie pour qu'un hôpital puisse s'approvisionner avec des matériaux plus durables. Certains hôpitaux nouvellement construits ont même fait le choix de la Haute Qualité environnementale (HQE) pour leur construction, un référentiel qui consiste en un ensemble de quatorze cibles visant à mieux respecter l'environnement lors des gros et second oeuvres.

DES SUBSTANCES POTENTIELLEMENT DANGEREUSES

À l'intérieur de l'hôpital, au plus proche du soin, il ne faut pas négliger les matériaux entrant dans la composition des dispositifs médicaux. Le C2DS pointe notamment du doigt les phtalates, largement utilisés dans les cathéters pour assouplir le plastique, en soulignant leur toxicité sur la reproduction. Ils sont d'ailleurs interdits depuis une dizaine d'années dans les jouets, tétines et cosmétiques : comment se fait-il qu'on les trouve encore dans les dispositifs médicaux censés apporter une aide technique indispensable au cours d'un soin ? Des solutions de remplacement sont à l'étude et le C2DS milite en faveur d'alternatives dénuées d'effets nocifs, là où l'éviction du dispositif médical est impossible. Une démarche à suivre de près !

En tout état de cause, le Comité du développement durable en santé reste vigilant et continue d'alerter les pouvoirs publics et l'opinion en cas de démarches relatives aux soins non conformes ou mettant potentiellement la santé des usagers en danger. C'est ainsi qu'au second semestre 2008, il s'est penché sur les boîtes roses distribuées aux jeunes mamans dans les quelque 600 maternités françaises. Ces boîtes, gracieusement offertes aux femmes venant d'accoucher, contiennent le plus souvent des échantillons de cosmétiques pour bébé (gel lavant, lait de toilette, lingettes, etc.) que le C2DS a analysés.

HARO SUR LES COSMÉTIQUES

Son constat est édifiant : on y trouve des perturbateurs endocriniens tels que les parabènes, des solvants dangereux pour les systèmes nerveux et hématopoïétique (par exemple les éthers de glycol, reconnus pour certains comme repro-toxiques), de l'EDTA et des sels de sodium également toxiques pour la reproduction et les reins et des antioxydants puissants (terbutylhydroxyanisol et terbutylhydroxytoluène) suspectés d'être cancérigènes chez l'animal.

Si, pour la plupart de ces substances, les toxicologues et cancérologues ne disposent pas de preuve directe de leur danger, ils s'appuient sur des études sur l'animal et recommandent donc de les éviter : la pénétration par voie cutanée étant, selon ces chercheurs, celle qui permet la plus grande perturbation de l'organisme comparativement aux voies respiratoires ou alimentaire, la peau ne sachant pas détoxifier. Pire : chez les nouveau-nés, l'organisme encore immature serait moins à même de se défendre contre ces substances indésirables, qui, à force d'exposition, même à des doses très faibles, finiraient par produire un effet toxique sur l'organisme. Selon les cancérologues qui se sont penchés sur la question, c'est ce qui pourrait expliquer l'explosion des cancers de nos jours (et notamment la recrudescence des cancers des testicules, cf. encadré).

À ce jour, l'éviction n'est pas encore totale dans les maternités, mais nombre d'entre elles ont écouté le cri d'alarme du C2DS et ont cessé de distribuer ces fameuses boîtes roses, arguant le principe de précaution, comme le recommandait le C2DS.

MONTER EN PUISSANCE POUR MAÎTRISER L'IMPACT DU COÛT

Si ces initiatives demeurent minoritaires dans le paysage hospitalier français, force est de constater tout de même qu'elles deviennent de plus en plus nombreuses. Les professionnels de santé sont de plus en plus sensibilisés à cette thématique du développement durable et il y a fort à parier que d'ici quelques années les campagnes de sensibilisation seront légion : cet effort devrait également permettre de faire baisser le coût de cette attention supplémentaire accordé aux soins eux-mêmes. Car il faut souligner que soigner en prenant soin de l'environnement a un coût, difficilement quantifiable, certes. Mais si tout le monde s'y met, les fournisseurs des hôpitaux n'auront plus qu'à suivre. Une volonté que le C2DS appelle régulièrement de ses voeux.

BIBLIOGRAPHIE

(1) Biodiversité et développement durable - Yann Guillaud - Unesco 2008. - (2) Le Grenelle de l'environnement - Regards sur l'actualité n° 338 (février 2008) - La Documentation française 2008. - (3) Énergie et environnement - Pierre Merlin - Les Études de la Documentation française n° 5278-79 - La Documentation française 2008. - (4) Le développement durable et équitable - Élie Sadigh, avec la collaboration de Jacques Vileo - Éditions L'Harmattan octobre 2008. - (5) L'achat public durable : Outils et méthode pour réussir des achats publics respectueux du développement durable - P. Schiesser et G. Cantillon - Éditions du Moniteur 2007 - (4) Développement durable, L'intégrer pour réussir - K. Delchet - Éditions Afnor 2007.

Revues

→ Développement durable et territoires - durable.revues.org

→ La Revue Durable

Cerin sàrl

Rue de Lausanne 23

1700 Fribourg - Suisse

Sites de référence

→ Afsset : Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail -

→ Cniid : Centre national d'information indépendante sur les déchets -

→ Ademe : Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie -

→ Association HQE : Association pour la haute qualité environnementale -

→ C2DS : Comité pour le développement durable en santé -

→ IVS : Institut de veille sanitaire -

→ INPES : Institut national de prévention et d'éducation en santé -

Environnement chimique et reproduction

Le 25 novembre dernier, le ministère de la Santé et le secrétariat d'État à l'Écologie présentaient une série de mesures visant à prévenir les risques liés à certaines substances chimiques présentes dans des produits de consommation courantes. Avec, en première ligne, l'information des femmes enceintes : il a en effet été constaté en l'espace d'une cinquantaine d'années que la production spermatique a diminué de moitié alors que dans le même temps l'incidence du cancer des testicules a doublé. En outre, les chercheurs constatent de plus en plus de malformations génitales chez les jeunes enfants. Si certaines études ont déjà été lancées, notamment le Programme national de recherche sur les perturbateurs endocriniens, les premières conclusions concrètes devraient être connues cette année. Mais de nombreux résultats préliminaires font état d'une situation alarmante.

D'autre part, le Plan national Santé Environnement 2004-2008 conjointement élaboré par les ministères en charge de la Santé, de l'Environnement, du Travail et de la Recherche contenait 45 actions, organisées en huit axes qui recouvraient l'ensemble des domaines concernés par les relations entre environnement et santé.

1. Prévenir les décès liés aux infections et intoxications aiguës.

2. Protéger la santé en améliorant la qualité des milieux (eau et air).

3. Protéger la population à l'intérieur des locaux.

4. Mieux maîtriser les risques liés aux substances chimiques.

5. Renforcer la protection des enfants et des femmes enceintes.

6. Mobiliser et développer le potentiel de recherche.

7. Améliorer les dispositifs de veille, de surveillance et d'alerte.

8. Consolider la formation et l'information.

Certaines de ces mesures étaient destinées à limiter les risques de reprotoxicité en réduisant la pollution des eaux et des sols par les pesticides, ou en limitant les expositions professionnelles aux agents CMR (cancérigènes, mutagènes pour la reproduction).

L'enquête Pélagie menée par l'unité Inserm 625 a été mise en place en Bretagne afin d'étudier l'impact des polluants environnementaux sur la grossesse et le développement de l'enfant à travers la consommation de poissons et de crustacés. Elle examinera également l'impact des solvants et pesticides sur la grossesse.

Autre action : celle menée aux Antilles sur les effets de la pollution au chlordécone sur la grossesse et le cancer de la prostate. Le chlordécone est un produit antiparasitaire qui a longtemps été utilisé en Martinique et en Guadeloupe pour lutter contre le charançon du bananier. Cette substance très stable a été détectée dans les sols et peut contaminer certaines denrées végétales ou animales, ainsi que les eaux des captages. Un plan d'action chlordécone 2008-2010 en Martinique et en Guadeloupe a été annoncé par le Premier ministre lors de son déplacement aux Antilles en janvier 2008 afin de renforcer les actions et mesures concernant cette contamination.