À la recherche de l'équilibre financier de la protection sociale - Objectif Soins & Management n° 173 du 01/02/2009 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 173 du 01/02/2009

 

Économie de la santé

PROTECTION SOCIALE → Depuis plus de vingt ans, notre système de protection sociale est en constant déséquilibre. Les différents plans successifs (plus de 15) n'ont pas permis de restaurer de manière durable l'équilibre tant recherché de la Sécurité sociale. Deuxième partie.

Le précédent numéro était consacré aux causes du déséquilibre financier de la Sécurité sociale et aux caractéristiques d'un bon système de son financement. Il s'agit maintenant d'examiner les réformes possibles du prélèvement social, qui passent soit par une hausse des recettes (les cotisations sociales, les dépenses de consommation, le revenu des ménages), soit par une maîtrise des dépenses de protection sociale par les deux canaux classiques : celui de l'offre et celui de la demande.

UN AMÉNAGEMENT DES COTISATIONS SOCIALES

Une première voie de réforme du système de financement de la protection sociale peut consister à agir sur les cotisations sociales selon trois scénarii : le déplafonnement, l'abattement, l'élargissement de l'assiette.

Le déplafonnement consiste à rendre la cotisation sociale proportionnelle au revenu. L'élargissement de l'assiette à l'ensemble des salaires améliore alors son rendement, l'équité entre les individus, et incite à l'embauche de main d'oeuvre non qualifiée. En revanche, cette mesure est négative pour une reprise et risque de bouleverser les régimes de retraite, d'assurance maladie complémentaires.

Une mesure inverse peut consister à créer un abattement à la base, c'est-à-dire un seuil plancher de revenu au-dessous duquel le salaire est systématiquement exonéré de cotisations sociales. Ceci conduit à un barème progressif qui renforce les effets du déplafonnement décrits précédemment.

Enfin, on peut envisager un élargissement de l'assiette à la valeur ajoutée brute des entreprises : les cotisations sociales sont assises à la fois sur les salaires et sur les profits des entreprises. Cette mesure apparaît cependant moins stable à court terme, plus difficilement mesurable et plus sujette également à fraude. Si elle peut entraîner des effets négatifs sur l'investissement, en revanche elle a des effets positifs sur l'emploi et sur le niveau d'activité stimulé par la croissance de la consommation. Il y a augmentation des cotisations à taux identique et le rendement du prélèvement social est plus équitable.

UN PRÉLÈVEMENT SUR LES DÉPENSES DE CONSOMMATION

Si on considère que la capacité contributive des ménages est mesurée par leurs dépenses de consommation, la TVA apparaît alors comme le moyen de prélèvement social le plus approprié : fiscalisation indirecte du prélèvement social intégré dans la TVA.

Cette mesure peut avoir des effets positifs sur l'investissement et la balance commerciale du pays, dans la mesure où le produit intérieur brut est égal à la consommation plus l'investissement. Les entreprises sont incitées à investir pour diminuer leur taux assiette parafiscale. L'ensemble du prélèvement social porte sur les dépenses, sur l'entreprise, qui de ce fait est incitée à investir.

En revanche, cette mesure a des effets négatifs en termes d'équité : la TVA est au mieux neutre, et au pire dégressive au niveau des revenus. De plus, l'alignement vers le bas des taux de TVA européens n'est pas favorable à une telle mesure qui supposerait d'augmenter le taux de TVA en France.

UN PRÉLÈVEMENT SUR LE REVENU DES MÉNAGES

Cela consiste à intégrer le prélèvement social dans l'imposition directe. On peut, dans ce cas-là, imaginer intégrer le prélèvement social dans l'impôt sur le revenu ; seulement cela signifierait multiplier par quatre le taux d'imposition, compte tenu des sommes en jeu. Une autre solution peut être de créer une contribution proportionnelle au revenu, dont la CSG (contribution sociale généralisée) est une ébauche.

Cette contribution est prélevée sur l'ensemble des revenus (salaires, profits, revenus du capital, retraites). Le rendement est identique, favorable à l'équité.

LA MAÎTRISE DES DÉPENSES DE PROTECTION SOCIALE PAR LA DEMANDE

Si l'on prend pour exemple les dépenses de santé, une régulation par la demande consiste à responsabiliser les usagers en jouant sur le ticket modérateur (partie des dépenses à la charge des usagers, non couverte par l'assurance maladie obligatoire). Dès lors, la politique du ticket modérateur est arithmétique : pour équilibrer les comptes de la branche maladie de la Sécurité sociale, on augmente autant que nécessaire le ticket modérateur, que les usagers soient responsabilisés ou non. Pour que l'objectif de responsabilisation soit atteinte, il faut que l'usager réagisse effectivement à la hausse du prix restant à sa charge, en changeant son mode de consommation des soins. Statistiquement, il existe une certaine élasticité de la consommation de soins par rapport aux prix dans le secteur de la santé, mais celle-ci est faible. Cette faiblesse s'explique par le fait que la demande de santé a trois pôles : la malade, le médecin, l'assureur. Ce n'est pas le malade qui décide, ni le malade ni le médecin qui financent, et ce n'est pas l'assureur qui achète.

L'usager ne pouvant réellement être responsabilisé, l'augmentation du ticket modérateur se traduit alors par un simple transfert de charge de la collectivité sur l'individu. Cette politique régule les dépenses de la Sécurité sociale, mais pas celles des usagers.

De plus, quid des questions d'accessibilité aux soins, d'équité ? Tout ce débat a été fourni avec la mise en place récente des franchises.

Pourtant, la régulation des dépenses par la demande pourrait passer par une politique proactive en matière de prévention. Mais ces politiques ont des effets à moyen terme, difficilement mesurables à court terme, et peu objectivables.

LA MAÎTRISE DES DÉPENSES DE PROTECTION SOCIALE PAR L'OFFRE

À l'hôpital, cela revient à maîtriser à la fois la quantité de l'offre (les volumes) et les prix. Le régime des autorisations sanitaires, la planification hospitalière, les schémas régionaux d'organisation sanitaire relèvent d'une telle politique. Il s'agit de réguler la croissance du parc hospitalier au regard des véritables besoins de la population.

La réforme du financement relève également de cette politique de maîtrise de l'offre. Ainsi, si les hôpitaux facturent plus à l'assurance maladie, l'un des moyens de régulation des dépenses est de réduire les tarifs dans le système de la tarification à l'activité.

En médecine libérale, les différentes mesures reposent sur le contrôle de l'activité réalisé en instaurant des quotas à ne pas dépasser, le contrôle du nombre de médecins (le fameux numerus clausus), la régulation par les prix par le biais du conventionnement, la mise en place de profils médicaux types en termes d'activité, la mise en place de références médicales opposables.

On le voit, les mesures en matière de réforme du financement de la protection sociale sont diverses et variées, tant sur les recettes que sur les dépenses. Mais il n'existe pas de solution miracle : il s'agit de conjuguer plusieurs mesures, en tenant compte du contexte économique et mondial, et de doser chacune afin d'arriver au résultat escompté, à savoir l'équilibre des comptes de la protection sociale. Reste à trouver le savant qui déterminera la potion magique.