Chirurgie ambulatoire : les actes infirmiers de prévention - Objectif Soins & Management n° 173 du 01/02/2009 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 173 du 01/02/2009

 

Point sur

La chirurgie ambulatoire est peu développée en France, particulièrement dans le service public(1). Le nouveau Sros et la tarification à l'activité conduisent de nombreux établissements publics à s'engager dans la création d'unités autonomes de chirurgie ambulatoire (UACA). Ces unités présentent une particularité : bloc, salle de réveil, secrétariat, unité d'hébergement, équipe médicale et paramédicale sont entièrement dédiés à l'activité ambulatoire.

Ce fonctionnement optimise la prise en charge des patients en termes de qualité, de conformité des soins mais également en termes de sécurité par l'expertise de toute une équipe. En cela, l'hôpital apporte une offre de soins nouvelle qui répond à une demande de ses usagers et aux exigences économiques actuelles. La prévention est un axe majeur du fonctionnement de ces unités. Le rôle propre infirmier (cf. décret 2004-802 du 29 juillet 2004)(2) participe à cette prévention et s'exprime à tous les étages du fonctionnement d'une UACA. Le CH Cholet a ouvert son UACA le 3 septembre 2007. Au 15 février 2008, 1059 patients ont bénéficié d'une prise en charge dans cette unité, toutes spécialités confondues(3).

Illustration des actes de prévention infirmières essentielles à son bon fonctionnement.

AVANT L'INTERVENTION

→ La chirurgie ambulatoire est une chirurgie réglée. Les actes de prévention infirmiers commencent bien avant le jour de l'intervention. Les patients sont inscrits par les secrétaires des différents chirurgiens sur un agenda informatique partagé ou les vacations opératoires sont définies. Chaque semaine, les infirmières de bloc consultent cet agenda partagé. Une cellule de programmation (J-7) est réalisée avec le cadre de santé de l'unité. Cette cellule permet de déterminer un pré-programme opératoire. Ce dernier est établi suivant les règles de fonctionnement d'un bloc (hygiène...) et en harmonie avec l'activité du bloc conventionnel de l'établissement. En effet, le matériel chirurgical coûteux n'est pas dédié à l'unité. Une harmonisation entre les deux blocs est essentielle pour éviter l'utilisation d'un matériel unique sur les deux sites.

→ La consultation d'anesthésie a lieu dans l'unité. Elle permet aux patients une première prise de contact avec l'unité. Un film retraçant les diverses étapes du parcours du patient (de la consultation avec le chirurgien jusqu'au départ définitif de l'unité le jour de l'intervention) est projeté en boucle et participe à l'information du patient. Une visite du service est rendu possible aux enfants et à leurs parents après la consultation d'anesthésie. Cette visite est effectuée par l'une des infirmières de la zone d'hébergement. Elle participe à la mise en confiance de l'enfant et de son environnement. Elle facilite la prise en charge le jour de l'intervention.

LA VEILLE DE L'INTERVENTION

→ En partenariat avec notre secrétaire, les infirmières de la zone d'hébergement reprennent l'ensemble des dossiers des patients du lendemain. Chacun de ces dossiers est rigoureusement vérifié pour éviter l'absence d'un document pouvant remettre en cause le geste opératoire le jour de l'intervention ou altérer le déroulement du programme opératoire défini. Une attention particulière est portée aux examens biologiques, radiologiques mais également à la feuille d'anesthésie et aux consignes préopératoires qui y figurent. Suite à cela, l'ordre opératoire prédéterminé lors de la cellule est modifié si nécessaire puis validé. Entre le 1er janvier 2008 et le 15 février 2008, sur 350 patients traités en ambulatoire, nous répertorions seulement 2 dossiers incomplets.

→ À l'issue de la validation du programme, l'infirmière peut renseigner le patient qui a la consigne de le rappeler dans l'unité la veille de l'intervention. Cet appel est l'occasion pour elle de communiquer l'horaire de convocation au patient. Ce dernier est en adéquation avec la programmation. Il réduit l'attente préopératoire des patients qui est un facteur évident d'insatisfaction. Durant les trois premiers mois d'activité de l'unité, sur 540 patients contactés le lendemain de l'intervention, seulement 12 % estiment l'attente préopératoire « non raisonnable ». L'appel de la veille permet aussi de rappeler les consignes de préparation cutanée de l'opéré, les règles de respect du jeûne opératoire, mais également des consignes spécifiques (préparation digestive, venir avec son traitement médicamenteux, prévoir des vêtements amples pour certains gestes chirurgicaux...). L'obligation d'avoir un accompagnant lors de la sortie et durant la première nuit est réaffirmée. Les infirmières vérifient que chaque patient possède un téléphone. Pour les enfants opérés dans le service, nous vérifions la présence de deux accompagnants et la disponibilité d'un mode de transport (voiture).

La vigilance opérée la veille de l'intervention permet d'éviter les écueils de désorganisation dont les blocs opératoires sont si sensibles. Une UACA ne peut se permettre une organisation approximative dans une structure dont les horaires d'ouverture sont réglementés. Pour nous, de 7 h 30 à 18 heures. Nous comptons, à ce jour, 16 annulations et une hospitalisation liée à l'absence d'accompagnant lors de la sortie. Au regard de ces chiffres, les actes de prévention à ce niveau semblent efficaces.

LE JOUR DE L'INTERVENTION

Les consignes préopératoires sont réévaluées par l'infirmière présente lors de l'accueil du patient.

→ Les nausées et vomissements postopératoires (NVPO) sont également l'un des facteurs d'insatisfaction de l'opéré. La fréquence des NVPO est, selon des études récentes, proche de 30 %(4). La réalisation pour chaque patient du score prédictif d'Apfel(5) permet de prévenir les NVPO. Ce score est renseigné par les médecins anesthésistes de l'unité lors de la consultation d'anesthésie. Il dépiste les patients à risque. En regard de ce score, les IADES de l'équipe appliquent la thérapeutique préventive validée par un protocole(6) dans l'unité. Le taux de NVPO pour la période du 03/09/2007 au 31/10/2007 portant sur 267 patients est de 4 % dans la zone d'hébergement. Cet acte de prévention couplé à des schémas d'anesthésie spécifiques participe à ce faible taux de NVPO.

→ La prévention de la douleur et son traitement sont également des impératifs pour l'équipe. La prévention s'illustre par la prise d'antalgiques dès la période préopératoire. Pour les actes les plus courts, la prise d'antalgiques est réalisée en prémédication sur prescription médicale (végétations en ORL, ablation de broches en orthopédie...). L'évaluation de la douleur est réalisée systématiquement pour chaque patient. L'échelle d'évaluation est adaptée. Le résultat est tracé au minimum une fois en SSPI et une fois dans la zone d'hébergement.

L'équipe est sensibilisée à la prise précoce des antalgiques per os en postopératoire. Elle est réalisée dès la reprise alimentaire du patient. Une éducation au patient est réalisée systématiquement. Cette dernière incombe aux infirmières de la zone d'hébergement. Il est rappelé au patient l'importance de suivre la prescription antalgique et la nécessité d'observer la prise du traitement à heure régulière. Les positions antalgiques sont recherchées et/ou spécifiées (membres surélevés...). L'éducation est l'expression du rôle propre de l'infirmière en ambulatoire. Sur la période du 03/09/2007 au 31/10/2007, sur 267 patients contactés par téléphone le lendemain, seulement 8 % estiment la prescription antalgique insuffisante. Sur ces 8 %, 23 % ne respectent pas scrupuleusement le traitement antalgique (prise complète du traitement et à heure régulière).

→ La prévention des risques est également un élément crucial de la prise en charge du patient en ambulatoire. Comme pour le séjour, la sortie du patient est sécurisée. Elle intervient après accord du chirurgien et de l'anesthésiste. Le score de PADSS(7) modifié permet d'évaluer l'aptitude à la rue du patient. C'est un outil d'évaluation simple et reconnu. Avant la sortie, l'infirmière rappelle les consignes postopératoires et l'algorithme à suivre en cas de problèmes (numéro de téléphone...).

Le questionnaire du lendemain proposé à chaque patient permet également de sécuriser la prise en charge. Ce questionnaire permet de réaliser une évaluation de l'état de santé du patient et de l'orienter de la meilleure façon en cas de problème. Il apparaît préventif au dépistage des complications (saignement, thromboses veineuses(8)...).

Au 15 février 2008, nous avons recontacté 750 patients sur 1059 passages dans l'UACA soit 70,82 % des patients.

CONCLUSION

La prévention est un axe majeur dans la réponse aux exigences de qualité d'un patient pris en charge en ambulatoire. L'équipe infirmière est présente à toutes les étapes de cette prévention. Les actes réalisés sont simples mais écartent les grains de sable délétères à une mécanique ajustée. L'utilisation d'indicateurs de qualité (taux d'annulation, dossiers incomplets...) est un élément essentiel au management de l'équipe. Il apporte un retour objectif à l'investissement de chaque membre de l'équipe. Dans une UACA, la pluridisciplinarité laisse place à l'interdisciplinarité. En effet, chaque soignant exprime ses talents au profit de trois objectifs précis et communs centrés autour du patient que sont : la satisfaction de l'usager, l'assurance apportée d'une conformité des soins, la recouvrance d'une aptitude à la rue précoce.

NOTES → (1) Une enquête de la Cram menée de 1999 à 2005 effectuée à partir de 5 gestes traceurs (arthroscopie du genou, extraction dentaire ...) a démontré à quel point nous avions peu recours en France à la CA. Une enquête de l'OCDE place notre pays à l'avant-dernière place, juste avant le Portugal ! - Chirurgie ambulatoire le retard français, Santé Pays de Loire n° 54, avril-mai 2004. - « Le bilan de la Fédération Hospitalière de France montre qu'en 2001 l'ambulatoire a constitué 16 % des entrées et venues en chirurgie dans le public et 42 % dans le privé. Ces taux ont augmenté progressivement pour atteindre respectivement 22 % et 53,6 % en 2005. » Dépêche APM (agence de presse spécialisée dans l'information médicale) du 21 juin 2007, l'hôpital présente un fort potentiel de développement de la chirurgie ambulatoire. - (2) Livre 3, Auxiliaires médicaux, Titre 1, profession d'infirmier et d'infirmière, chapitre 1, exercice de la profession, section 1, actes professionnels. Article R. 4311-1 : l'exercice de la profession d'infirmier ou d'infirmière comporte l'analyse, l'organisation, la réalisation de soins infirmiers et leur évaluation, la contribution au recueil de données cliniques et épidémiologiques et la participation à des actions de prévention de dépistage, de formation et d'éducation à la santé. (...) - (3) Orthopédie, Viscéral, ORL, Vasculaire, Gynécologie, Orthogénie, Endoscopies. - (4) Apfel CC, Korttila K, Abdalla M, Kerger H, Turan A, Vedder I, et al. A factorial trial of six interventions for the prevention of postoperative nausea and vomiting. N Engl J Med 2004 ; 350 : 2441-51. Etude. - (5) Apfel CC, Läärä E, Koivuranta M, Greim CA, Roewer N, A simplified risk score for predicting postoperative nausea and vomiting: conclusions from cross-validations between two centers, Anesthésiology, 1999 sept; 91(3): 693 -700. - (6) Réalisé après lecture de la bibliographie. - (7) Marshall S. Chung F., Discharge criteria and complications after ambulatory surgery, Anesth Analg 1999; 88: 508-17. - (8) Un cas répertorié de suspicion de phlébite du membre inférieur lors de l'appel du lendemain chez une patiente venue pour une ablation de matériel orthopédique. Patiente invitée à consulter son médecin généraliste devant des signes cliniques évocateurs. La réalisation d'une écho doppler des vaisseaux de la jambe confirme le diagnostique le jour même de l'appel.