Une professionnelle «du terrain» - Objectif Soins & Management n° 173 du 01/02/2009 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 173 du 01/02/2009

 

GHISLAINE LÉVÊQUE

Parcours

Directrice des soins pendant quinze ans pour plusieurs établissements franciliens, Ghislaine Lévêque a préféré bâtir sa carrière autour de ses expériences de terrain plutôt que sur des diplômes. Proche de la retraite, elle vient de relever un nouveau défi, celui de développer la formation continue pour le centre Louise-Couvé.

Ghislaine Lévêque est la preuve que le secteur privé peut offrir de belles opportunités de carrière à celles qui savent saisir les occasions. Elle, qui n'hésite pas à se définir comme autodidacte, quoique sortie major de sa promotion de certificat de cadre infirmier, a su se hisser jusqu'aux fonctions de directrice des soins sans pour autant collectionner les diplômes. « Même si je me suis donné les moyens d'évoluer, je crois que j'ai toujours eu la chance d'intéresser les bonnes personnes au bon moment », confie-t-elle modestement.

De la «Maison de Nanterre» à l'industrie pharmaceutique

Orientée à la fin de la seconde dans un collège d'enseignement technique, destinée à devenir auxiliaire de puériculture, la jeune fille d'alors est vite remarquée par ses professeurs. Encouragée par ses enseignants, qui n'hésitent pas à préparer aux écoles d'infirmières leurs meilleures collégiennes, Ghislaine Lévêque réussit sans difficulté le concours d'entrée à l'Ifsi de l'hôpital de Nanterre. Cet établissement est l'ancienne «Maison de Nanterre» dans les Hauts-de-Seine, destinée historiquement à accueillir les vagabonds et les mendiants. Diplômée d'État en 1972, elle découvre les soins infirmiers dans un hôpital qui accueille encore une nombreuse population de sans-domicile et d'exclus. Elle quitte cependant l'établissement deux ans plus tard, trop éloigné de son domicile parisien. Souhaitant être disponible pour ses trois jeunes enfants, elle choisit de travailler de nuit dans une clinique chirurgicale. Postulant quelques années plus tard sur un poste d'infirmière à l'hôpital Saint-Joseph à Paris, elle est reçue par l'infirmière générale de l'établissement qui lui propose alors un poste d'enseignante à l'Ifsi. Monitrice stagiaire, selon la dénomination de l'époque, elle passe avec succès le concours de l'école des cadres de la Pitié-Salpétrière en 1981. Refusant le poste de cadre que lui propose alors l'Assistance Publique, elle retourne dans son hôpital, «Saint-Jo», mais cette fois-ci sur un poste de cadre de santé en chirurgie viscérale. « J'ai toujours trouvé dommage qu'il y ait si peu d'échanges entre la formation et l'encadrement d'un service, précise-t-elle. Pour être un bon cadre, il faut être pédagogue. Et pour être une bonne formatrice, il est aussi nécessaire de remettre régulièrement en question ses connaissances du terrain. » Cadre pendant près de quatre ans à Saint-Joseph, elle termine cette période de sa vie professionnelle en mettant en oeuvre un beau projet, celui de l'ouverture d'un hôpital de semaine pour les patients diabétiques.

Une négociatrice de choc

Son époux venant d'être muté en Guadeloupe, elle décide de le suivre, démissionne de l'établissement et arrête sa formation de cadre supérieur à l'Institut d'enseignement supérieur des cadres hospitaliers (IESCH) de la Pitié-Salpétrière.

Devant la difficulté pour trouver un poste de cadre au CHU de Pointe-à-Pitre, elle postule fin 1986 pour un emploi d'attachée à l'information médicale en milieu hospitalier pour le groupe Rhône-Poulenc. « C'était à peu près sain dans ces années-là, le côté «marketing» était moins développé. J'étais souvent sur des lancements de nouvelles molécules, et vraiment considérée comme une source d'informations par les hospitaliers », se souvient-elle. Formée par le laboratoire aux techniques de ventes et de négociation, Ghislaine Lévêque considère que c'est de cette époque qu'elle tire toute son expérience de négociatrice. « Négocier ou vendre, c'est finalement amener la personne que vous avez en face de vous à trouver son intérêt », justifie-t-elle.

Une découverte rude de la fonction

De retour en métropole, Ghislaine Lévêque ne trouve plus le même intérêt à son métier d'attachée hospitalière pour un laboratoire pharmaceutique. Elle gagne certes bien sa vie, mais elle se sent de moins en moins à l'aise dans les rapports commerciaux. Apprenant que la clinique La Roseraie à Aubervilliers (93) est en recherche de cadres de santé, elle se décide à revenir à ses premières amours et envoie sa candidature à l'établissement. Reçue par le directeur des ressources humaines de la clinique, elle se voit proposer, non pas un poste de cadre, mais le poste de directrice des soins. « M'interrogeant sur mes capacités à exercer cette fonction, je suis allée demander conseil à la directrice des soins de Saint-Joseph. Celle-ci m'ayant encouragée, j'ai accepté le poste », raconte Ghislaine Lévêque. Elle se retrouve ainsi en mars 1992 à la direction des soins d'un établissement de 320 lits sans aucune formation dédiée, ne pouvant compter que sur sa propre expérience de terrain. Il s'agissait d'une création de poste : ni l'équipe ni la direction n'avaient jamais travaillé avec une direction des soins. En deux ans, elle organise les premières réunions d'équipe avec les cadres, elle pourvoit tous les postes vacants, met en place le dossier de soins et un projet de soins... Issue du secteur privé non lucratif, Ghislaine Lévêque découvre aussi les contraintes du lucratif. « Ces deux années ont tout de même été très dures », confie-t-elle aujourd'hui.

Elle est ensuite recrutée pour un poste de directrice des soins par la clinique parisienne Bizet, au sein de laquelle elle va travailler durant sept ans. Cet établissement ne disposant pas de DRH, elle apprend sur le terrain les ressources humaines, tout en suivant quelques formations pour se perfectionner en gestion, en recrutement ou en informatique.

La clinique Bizet devant être vendue, elle se met de nouveau en recherche d'un poste. En 2001, elle prend la direction des soins de l'hôpital parisien Notre-Dame-de-Bon-Secours, un établissement de 220 lits, 350 salariés, dont 15 cadres. « Pour la première fois, j'étais intégrée dans l'équipe de direction de l'établissement », précise-t-elle. Elle mène la démarche d'accréditation V1 et participe à l'élaboration d'un vrai projet d'établissement. Elle n'est pas en recherche d'un autre poste, mais une annonce parue dans une revue professionnelle attire son attention. Dans le cadre de la fusion de deux établissements FEHAP (Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne) reconnus - l'hôpital des Diaconesses et l'hôpital de la Croix-Saint-Simon - la direction crée un poste de directrice des soins pour le nouveau groupe hospitalier. « J'ai eu envie de participer à cette aventure, j'ai postulé et j'ai été retenue », explique-t-elle. Cette fois-ci, elle doit gérer 620 salariés dont 25 cadres, participer à nouveau à la V1 pour l'un des établissements, préparer la V2 pour l'autre, réorganiser les plateaux techniques... tout cela sur fond de réforme de la tarification et de pénurie infirmière. « Dans une fusion, on ne se fait pas que des amis, surtout au sein du corps médical, estime-t-elle. Mais j'ai toujours eu la chance de pouvoir mener à bien mes missions grâce à des équipes de cadres remarquables et investies », tient-elle à ajouter.

Plus tout à fait «en phase» et fatiguée au bout de cinq années par la lourdeur de son dernier poste de directrice de soins, Ghislaine Lévêque a pu s'engager récemment sur un autre projet. Elle a été recrutée en juin dernier par le centre de formation Louise-Couvé à Aubervilliers, un établissement qui forme tous les personnels dédiés aux différents métiers de la santé, tant dans le secteur sanitaire que social. Ghislaine Lévêque est plus particulièrement en charge du développement des sessions de formation continue que le centre propose dans les établissements de santé. « Je peux enfin utiliser l'ensemble de mes compétences sans pour autant être constamment sous pression », analyse-t-elle. À 58 ans, cela reste tout de même un beau challenge de savoir à nouveau intégrer une équipe différente.