Infections nosocomiales - Objectif Soins & Management n° 174 du 01/03/2009 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 174 du 01/03/2009

 

Qualité, hygiène et gestion des risques

TOUJOURS PLUS → Si les établissements de santé français font d'incontestables progrès en ce domaine, la ministre de la Santé Roselyne Bachelot veut passer à la vitesse supérieure en matière de lutte contre les infections nosocomiales et de transparence sur les résultats.

Roselyne Bachelot se montre satisfaite : 99,5 % des établissements hospitaliers ont fourni les données les concernant en 2007, s'agissant de lutte contre les infections nosocomiales. Selon la ministre de la Santé, les personnels hospitaliers ont compris les enjeux et la nécessité de se montrer transparents en la matière. Une évolution qui doit permettre de mieux évaluer l'impact des infections nosocomiales et définir plus précisément les politiques à mener en la matière pour améliorer les choses. Le ministère de la Santé indique ainsi que « 85% des établissements surveillent désormais les infections du site opératoire. Tous indices confondus, la proportion des bons et très bons établissements a ainsi doublé, atteignant désormais les 48 % ». Pas moins de 162 établissements demeurent toutefois de mauvais élèves, n'ayant pas mis en place de surveillance des infections du site opératoire. « Un chiffre trop important », selon Roselyne Bachelot, qui a décidé de les exclure du classement ministériel des établissements de santé dans le domaine de la lutte contre les infections nosocomiales. Ils feront en outre l'objet d'un « suivi tout particulier » de la part des agences régionales de l'hospitalisation, a annoncé la ministre à la presse, fin janvier.

PLUS DE 35 ANS DE LUTTE

Selon la dernière enquête de prévalence réalisée en 2006 par les services du ministère de la Santé, les infections nosocomiales les plus fréquentes concernent l'appareil urinaire dans 30 % des cas ou le site opératoire dans 14 % des cas. Les pneumopathies représentent quant à elles 15 % des infections nosocomiales. On estime en outre que 3 500 décès chaque année sont imputables à ces dernières. L'association d'aide aux victimes des infections nosocomiales, le Lien, parle de son côté de 4 200 décès chaque année et considère que pas moins de 750 000 personnes seraient touchées chaque année.

Pourtant, le premier plan national de santé publique en la matière remonte en France à 1995. Mieux, il faut remonter à 1973 pour trouver la circulaire qui, pour la première fois, recommande la mise en place d'un comité de lutte contre les infections (CLI) dans les établissements de santé. En 1988, un décret institue ensuite les comités de lutte contre les infections nosocomiales (Clin). Lesquels se sont transformés en sous-commissions des CME en application d'un autre décret de mai 2006(1), appuyant ce faisant l'importance de la lutte contre les infections nosocomiales. Ainsi, en 2007, 98,8 % des établissements disposaient d'un Clin et 93,1 % avaient engagé des professionnels spécialistes de l'hygiène hospitalière.

UN PREMIER BILAN

Le plan national de lutte contre les infections nosocomiales 2005-2008 étant arrivé à échéance, une première évaluation a pu être réalisée, témoignant du volontarisme des professionnels de santé concernés. On constate en effet que 75 % des établissements réalisent désormais des audits de bonnes pratiques. De même, 100 % des hôpitaux disposent aujourd'hui de protocoles de bon usage des antibiotiques et d'un suivi de la consommation de ces médicaments.

Par ailleurs, les établissements de santé ont désormais l'obligation de renseigner le public sur la lutte contre les infections nosocomiales au travers du livret d'accueil remis au patient hospitalisé ainsi que par la publication annuelle d'un bilan des actions de lutte contre ces infections. Pour Annie Podeur, directrice de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (Dhos), c'est en jouant sur l'obligation de transparence des établissements que l'on peut obtenir des résultats. « L'année prochaine, il n'y aura pratiquement plus de mauvais élèves. La transparence est sans doute le meilleur levier », affirme-t-elle.

DES INFECTIONS NOSOCOMIALES AUX INFECTIONS ASSOCIÉES AUX SOINS

Considérant que le programme national 2005-2008 avait en grande partie atteint ses objectifs, le ministère de la Santé a mis au point un nouveau programme, baptisé «Plan stratégique national de prévention des infections associées aux soins 2009-2012» et organisé autour de six orientations générales : « Promouvoir une culture partagée de qualité et de sécurité des soins, optimiser le recueil et l'utilisation des données de surveillance, anticiper et détecter l'émergence d'agents pathogènes à potentiel endémique, maintenir l'usager au centre du dispositif, améliorer l'organisation du dispositif de prévention des infections associées aux soins et promouvoir la recherche sur les infections associées aux soins. » Pour ce faire, de nouveaux indicateurs ont précisément été définis et trois objectifs nationaux ont été fixés : étendre la prévention des infections associées aux soins (IAS) à tous les secteurs de soins, adapter les programmes aux spécificités des secteurs de soins et des établissements et enfin régionaliser la mise en oeuvre de la prévention des IAS.

TOUS LES ACTEURS DU SOIN CONCERNÉS

Dans ce nouveau plan national, on ne parle plus exclusivement d'infections nosocomiales mais d'infections «associées aux soins» : ce programme ne se limitera donc pas aux infections contractées en établissement, il concernera tous les secteurs de soins. Ainsi, dans les établissements médico-sociaux comme en médecine de ville, des programmes de développement des bonnes pratiques seront mis en place. Didier Houssin, le directeur général de la santé (DGS) résume : « Le plan 2009-2012 vise à avoir une vision d'ensemble. Il va tirer vers le haut les soins de ville en matière de lutte contre les infections associées aux soins. »

Enfin, le ministère de la Santé a l'intention de s'intéresser également aux « pratiques non médicales appliquées sur le corps humain », telles que les micro-greffes capillaires, le tatouage ou le piercing. Il s'agit là « d'envisager un cadre de protection des usagers pour prévenir leurs conséquences sanitaires ».

Dans le cadre de la réforme de l'organisation de la santé - la loi Hôpital, patients, santé et territoire - il est prévu de confier aux agences régionales de santé (ARS) la mission de veiller à « la qualité et la sécurité des actes médicaux, de la dispensation et de l'utilisation des produits de santé ainsi qu'aux prises en charge et accompagnements médico-sociaux ».

Les ARS devront donc s'engager dans un programme régional de prévention des IAS, épaulés pour cela par des comités régionaux de suivi regroupant représentants des établissements, des professionnels de santé et des patients. De plus, précise le ministère de la Santé, « les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens intégreront les modalités d'adaptation à chaque établissement, dans le cadre fixé par la réglementation et après l'avis technique et scientifique de l'antenne régionale du Cclin ». Plus que jamais, le ministère de la Santé se montre volontaire en matière de lutte contre les infections nosocomiales et Roselyne Bachelot prévient qu'elle ne compte pas s'arrêter là : « Au-delà des infections nosocomiales, j'entends mettre en place dès cette année de nouveaux indicateurs, accessibles au grand public, qui permettront d'appréhender au mieux la qualité et la sécurité de notre système hospitalier. » Elle devrait ainsi tout prochainement présenter « une dizaine d'indicateurs nationaux ». Enfin, elle prévoit de publier « des statistiques nationales au mois de juin sur la sécurité des malades en établissement de santé ».

VERS UNE RECOMMANDATION EUROPÉENNE

La France n'est pas la seule à vouloir accélérer le mouvement en matière de lutte contre les infections nosocomiales. En décembre dernier, la Commission européenne a ainsi adopté une communication et une proposition de recommandations autour de la sécurité des patients. Partant du constat que les infections nosocomiales touchent plus de 4 millions de patients au sein de l'Union européenne chaque année, la Commission souhaite encourager les États membres à « mettre en place des stratégies de prévention des évènements indésirables et de lutte contre ceux-ci dans tous les environnements de soins, ou à les renforcer, lorsqu'il en existe déjà ». De plus, « les États membres sont invités à mettre en place ou améliorer des systèmes de signalement » et à « veiller à ce que la sécurité des patients soit ancrée dans l'éducation et la formation du personnel de santé, en tant que prestataires de soins ».

La Commissaire européenne à la santé, Androulla Vassiliou, aimerait « voir l'avènement d'une Europe des patients, dans laquelle la sécurité est une priorité absolue et dans laquelle les citoyens, bien informés, sont confiants dans les soins qui leur sont prodigués ».

TOUJOURS DAVANTAGE D'INDICATEURS

Dans le cadre du programme national de prévention des infections nosocomiales 2009-2012, quatre objectifs principaux sont à atteindre par les établissements de santé :

→ l'incidence des bactériémies associées aux cathéters veineux centraux (CVC) en réanimation devra être inférieure à 1/1000 jours d'exposition aux cathéters veineux centraux ;

→ l'incidence des infections du site opératoire pour les patients à faible risque en chirurgie programmée devra diminuer de 30 % ;

→ l'incidence des accidents exposant au sang devra baisser de 20% chez les personnels des établissements de santé ;

→ l'incidence des staphylocoques dorés résistant à la méticilline (Sarm) devra également diminuer de 20 % tandis que la proportion des souches d'entérocoques faecium résistants aux glycopeptides devra rester inférieure à 2 % sur le territoire.

Ces différents critères sont déjà suivis au niveau national par les réseaux de surveillance Raisin (Réseau d'alerte, d'investigation et de surveillance des infections nosocomiales), indique le ministère.

Pour en savoir plus sur les infections nosocomiales

: le dossier des infections nosocomiales sur le site du ministère de la Santé.

: le tableau de bord des infections nosocomiales tenu par le ministère de la Santé.

: le site de l'Institut national de veille sanitaire.

: le site de la Haute Autorité de santé.

: le site de l'association le Lien.

: le site des commissions régionales de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

: le site de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux

: le site du pôle santé et sécurité soins du médiateur de la République.

: le rapport sur la politique de lutte contre les infections nosocomiales par l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé.

Trois questions à Alain-Michel Ceretti, fondateur de l'association Le Lien

Comment inciter les établissements mauvais élèves à lutter contre les infections nosocomiales ?

On ne peut pas se limiter à dire que la transparence va être le booster qui poussera tous les établissements à s'engager dans cette dynamique. Sur certains territoires, il n'y a aucune surveillance dans aucun établissement, par exemple dans le secteur Dinan-St-Malo. Là, on fait quoi ?

Que pensez-vous du plan 2009-2012 ?

Il s'est passé quelque chose de très intéressant lors de la préparation de ce plan. Suite au discours de Nicolas Sarkozy le 18 septembre 2008 à Bletterans et à son appel à la transparence en matière d'infections nosocomiales, les professionnels de santé ont progressé, ils ont réalisé que le pas qu'ils allaient franchir n'était pas suffisant pour répondre aux attentes de la société. Ils ont du coup fait un véritable bond en avant pour parvenir à ce programme national.

Y a-t-il des professionnels plus réticents que d'autres sur le sujet ?

Les résistances chez les chirurgiens notamment sont énormes. Or, quand on parle d'infections nosocomiales, on est sur de la santé publique, pas sur des pratiques individuelles.

Indemnisation des victimes ?

Mise en place par l'Assemblée nationale, une «Mission d'information sur l'indemnisation des victimes d'infections nosocomiales et l'accès au dossier médical» doit dans un premier temps évaluer le système d'indemnisation en vigueur. Elle devra ensuite formuler des propositions de nature législative visant à l'améliorer et à rendre plus aisé l'exercice du droit d'accès au dossier médical. Elle est présidée par Guénhaël Huet, député-maire d'Avranches (UMP), et de Marietta Karamanli (PS, député de la Sarthe), Jean-Pierre Door (UMP, député du Loiret) et Henri Jibrayel (PS, député des Bouches-du-Rhône). La mission, qui se réunira chaque mardi, doit rendre ses conclusions fin juin. Cinq tables rondes seront organisées, qui permettront d'entendre les représentants de patients et d'usagers du système de santé, les représentants des syndicats de médecins, les représentants des fédérations d'établissements de santé, les professionnels de l'assurance, les professionnels du droit (avocats et magistrats des deux ordres). La mission clôturera ses travaux en entendant Roselyne Bachelot. La mission rencontrera les directeurs d'établissements et les représentants des différentes instances délibératives et consultatives (Commission médicale d'établissement, Comité de lutte contre les infections nosocomiales, Commission de relation avec les usagers).

Nouvelle journée hygiène des mains le 5 mai 2009

Si la consommation des produits hydro-alcooliques progresse, la vigilance reste de mise en matière d'hygiène des mains. C'est la raison pour laquelle Roselyne Bachelot a annoncé qu'une nouvelle journée Hygiène des mains serait organisée le 5 mai prochain, dans le cadre de la campagne mondiale de l'Organisation mondiale de la santé, «Save lives : clean your hands». À cette occasion, la ministre devrait faire un « déplacement signifiant ». Cela étant, se félicite-t-elle, « la part des établissements obtenant une bonne ou une très bonne note dans ce domaine est passée de 11 % en 2006 à près de 25 % en 2007 ». Globalement, indique le bilan du programme national 2005-2008, sur cette période, « 75 % des établissements de santé ont doublé leur consommation annuelle en volume de solutions hydro-alcooliques ». Des progrès demeurent encore «indispensables» en la matière, selon la ministre qui rappelle que l'hygiène des mains est un facteur essentiel pour éviter « la transmission de bactéries multirésistantes aux antibiotiques de patient à patient ».

Glossaire

Clin : Comité de lutte contre les infections nosocomiales.

Cclin : Centre de coordination de la lutte contre les infections nosocomiales.

COMPAQH : Coordination pour la mesure de la performance et l'amélioration de la qualité hospitalière.

CTIN : Comité technique des infections nosocomiales.

Ctinils : Comité technique des infections nosocomiales et des infections liées aux soins.

EOHH : Équipe opérationnelle d'hygiène hospitalière.

Raisin : Réseau d'alerte, d'investigation et de surveillance des infections nosocomiales.

Icalin : Indicateur composite d'activités de lutte contre les infections nosocomiales.

ICSHA : Indicateur de consommation de solutions ou de produits hydro-alcooliques.

Surviso : Surveillance des infections du site opératoire.

ICATB : Indice composite du bon usage des antibiotiques.

SARM : Indice triennal de mesure des Staphylocoques dorés résistants à la méticilline.

Score Agrégé : Indice introduit en 2006 qui résume quatre indices pondérés (Icalin 40 %, ICSHA 30 %, ICATB 20 % et Surviso 10 %) pour les « rendre lisibles en une seule fois ».