Pandémie : le sida continue sa route mortelle - Objectif Soins & Management n° 174 du 01/03/2009 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 174 du 01/03/2009

 

Actualités

CONSTAT → Un quart de siècle après son apparition, le sida est toujours là. Et c'est une véritable pandémie ! Toutes les sept secondes, une personne est contaminée dans le monde. Et toutes les dix secondes, une autre meurt. En France, la réalité du sida, c'est tout de même encore dix-sept nouvelles contaminations par jour.

Nous sommes en 1983. Une petite équipe de biologistes de l'Institut Pasteur isole un rétrovirus considéré comme responsable d'une mystérieuse maladie touchant principalement les homosexuels. Vingt-cinq ans plus tard, Françoise Barré-Sinoussi et Luc Montagnier viennent d'être récompensés pour cette découverte, longtemps contestée par les Américains. Aujourd'hui, grâce aux nouveaux traitements et aux campagnes de prévention, le nombre de malades commence enfin à se stabiliser, exepté en Afrique subsaharienne qui paie un bien lourd tribut : elle reste la région la plus touchée par le virus du sida avec 75 % des décès en 2007 !

On estime considérables les progrès réalisés depuis l'entrée en scène de la trithérapie en 1996. Selon le professeur Didier Sicard, président d'honneur du Comité consultatif national d'éthique, « être infecté par le virus du sida n'est plus considéré comme un arrêt de mort. On peut imaginer que la durée de vie d'un malade atteint par le virus VIH devrait peu à peu rejoindre celle d'une personne séronégative ».

Dans son petit bureau de l'Institut Pasteur, Françoise Barré-Sinoussi met en garde contre une certaine «banalisation» du virus dans l'opinion publique. « On vit dans une époque où l'information est un peu plus difficile à passer. Probablement parce qu'on est arrivé dans une phase où le sida est passé au statut d'infection chronique. On parle de cette maladie comme on parlerait du diabète parce qu'on sait qu'il y a un traitement qui apporte une meilleure qualité de vie aux patients infectés par le VIH. » Cependant, ce traitement à vie réserve parfois des effets secondaires assez dramatiques : troubles du métabolisme, apparitions de cancers, lipodystrophies pouvant atteindre les organes vitaux comme le coeur, vieillissement précoce... Les années gagnées sur le VIH sont lourdes à payer pour la plupart des séropositifs. Malgré les avancées thérapeutiques, l'étude ATLIS (Aids Treatment for Life International Survey) menée auprès de 3 000 patients séropositifs dans 18 pays, dont la France, souligne les appréhensions liées à aux effets secondaires desdits traitements. Plus d'un tiers des patients interrogés (34 %) sont si préoccupés qu'ils préfèrent arrêter leur traitement plutôt que d'avoir à «subir» leurs effets secondaires. Un constat jugé alarmant, surtout lorsque cette peur détourne ces patients des traitements qui pourraient sauver leur vie.

La chercheuse insiste sur l'importance des moyens de prévention : faire de l'information «grand public» qui soit le reflet de la réalité, à savoir que le sida est toujours là, qu'il y a des moyens pour s'en protéger. La France bénéficie de l'expérience des associations qui travaillent, depuis de nombreuses années, à la diffusion, au plus près des populations les plus exposées, d'outils de prévention. À l'image de l'association Aides, qui expérimente actuellement les tests de dépistage rapides à Montpellier, Paris, Lille et Bordeaux. En une demi-heure, une personne examinée peut ainsi savoir si elle est séropositive grâce au seul prélèvement d'une goutte de sang sur le doigt. Un nouvel outil de prévention qui, par sa facilité, devrait amener à une prise en charge plus rapide. « Trop de personnes encore aujourd'hui apprennent par hasard leur séropositivité et sont prises en charge trop tardivement », ajoute le professeur Barré-Sinoussi.

Quant à « la mise au point d'un vaccin thérapeutique d'ici 5 ans » envisagée récemment par Luc Montagnier, Didier Sicard nuance les propos du professeur : « Il nous manque encore des outils fondamentaux. Les progrès depuis 1996 sont encore marginaux parce qu'il nous faut changer radicalement de conception du vaccin. » Un message d'espoir à prendre avec toutes les précautions d'usage.

L'OMS s'attend à ce que la mortalité dans le monde causée par le sida augmente, phénomène inévitable en 2009. De 2,2 millions de décès au cours de 2008, l'OMS anticipe une augmentation jusqu'à un maximum de 2,4 millions en 2012, pour redescendre ensuite à 1,2 million en 2030.

Sida 2008 : les chiffres clés

Dans le monde

33 millions de personnes infectées par le VIH en 2007, dont 2 millions d'enfants.

→ 2,7 millions de nouvelles infections à VIH.

→ 2 millions de morts.

→ La moitié des infectés VIH sont des femmes.

→ L'Afrique subsaharienne est la région la plus touchée avec 67 % du total des personnes infectées par le VIH.

En France

→ Environ 150 000 personnes vivent aujourd'hui avec le VIH.

→ 6 500 personnes ont découvert leur séropositivité en 2007.

→ La proportion d'hommes contaminés par rapports homosexuels est de 38 % en 2007 (contre 29 % en 2006).

→ Les découvertes de séropositivité à un stade très tardif représentent 17 %.

Source : Onusida, août 2008 et InVS, novembre 2008.

→ Françoise Barré-Sinoussi, avec Luc Montagnier, a participé en 1983 à la découverte du VIH.