Pneumopathies associées à la ventilation mécanique - Objectif Soins & Management n° 174 du 01/03/2009 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 174 du 01/03/2009

 

Point sur

La pneumopathie nosocomiale acquise sous ventilation mécanique (PNAVM) est une complication fréquente en réanimation, avec une mortalité pouvant dépasser les 50 %. Si le diagnostic peut paraître aisé, sa prévention reste difficile tant les facteurs impliqués dans sa survenue sont nombreux. Néanmoins, le rôle de l'infirmière reste primordial dans cette prévention.

Une meilleure efficacité des mesures de prévention ne peut se concevoir sans la compréhension des mécanismes de cette pathologie. L'origine des germes qui infestent le poumon peut être triple :

→ une transmission par contiguïté à partir d'autre autre foyer (plèvre), ou par voie hématogène. Ce mécanisme est extrêmement rare aujourd'hui ;

→ une transmission exogène des bactéries hospitalières. Les germes sont importés lors de la réalisation des soins et notamment des aspirations trachéales et/ou des soins de bouche (transmission croisée). Ce mécanisme d'infection semble en net recul depuis le développement des mesures générales de lutte contre les infections nosocomiales ;

→ enfin, une transmission endogène à la suite du passage d'un liquide colonisé autour de la sonde d'intubation, à travers les plis du ballonnet. Les germes sont, ici, ceux du patient lui-même qui devient son propre transmetteur, une sorte de «système clos». C'est, de loin, le mécanisme le plus important dans la survenue des PNAVM.

PHYSIOPATHOLOGIE

Une prolifération bactérienne s'opère au niveau de l'estomac, favorisée par les anti-ulcéreux et les pansements gastriques qui font monter le pH. Bien que discutée, cette première étape est valable pour de nombreux germes.

Il s'ensuit une colonisation rétrograde de l'oesophage, de l'oropharynx et des sinus, favorisée par le décubitus dorsal et la sonde nasogastrique qui laisse le cardia ouvert. L'oropharynx jouera ensuite un rôle stratégique en devenant le réservoir de bactéries pour la troisième étape du processus physiopathologique qu'est la surinfection trachéo-bronchique. Les sécrétions oropharyngées, contenant des bactéries, suivent un itinéraire laissé béant par la sonde d'intubation, puis s'accumulent au-dessus du ballonnet à basse pression.

La colonisation et l'infection du parenchyme pulmonaire, ultime étape, s'opèrent à la faveur de microfuites au niveau du ballonnet qui n'est jamais étanche.

LA PRÉVENTION

Les mesures générales

La pression du ballonnet de la sonde d'intubation doit être maintenue entre 20 et 30 cm d'H20. Les aspirations trachéales seront faites en respectant une aseptie rigoureuse, car ce sont des gestes à risque de contamination exogène. Pour cela, la méthode «non contact» sera à privilégier ; un lavage des mains à l'aide d'une solutions hydro-alcooliques est préconisé avant et après le geste.

Enfin, l'isolement sera prescrit pour les patients porteurs de bactéries multirésistantes ou d'infections potentiellement transmissibles.

La prévention pharmacologique

L'origine physiopathologique des PNAVM étant, dans une certaine proportion importante de cas, une contamination bactérienne de l'estomac, la décontamination digestive, par une antibioprophylaxie sélective, a été envisagée. Cette technique réduit significativement l'incidence des PNAVM, mais sa pratique reste marginale en raison du risque de développement de bactéries multirésistantes. Il en est de même de l'antibioprophylaxie systémique ou intratrachéale qui n'est pas consensuelle.

La relation entre les médicaments pour la prévention de l'ulcère de stress et les PNAVM est également confuse. Dans ces conditions, il semble admis d'éviter la prophylaxie anti-ulcéreuse chez les patients non à risque et alimentés. En effet, l'alimentation joue un rôle protecteur de PNAVM.

Les mesures spécifiques au patient ventilé

Le moyen le plus évident d'éviter la PNAVM serait d'éviter l'intubation. La ventilation non invasive s'accompagne d'une incidence moindre de PNAVM. Malheureusement, le recours à une ventilation invasive s'impose dans de nombreuses circonstances. Il convient alors de favoriser une méthode orotrachéale plutôt que nasotrachéale afin de diminuer la colonisation bactérienne des sinus.

Réduire la durée de la ventilation mécanique est également bénéfique car on réduit ainsi le temps d'exposition au risque. L'application des protocoles «sédation-analgésie» et «sevrage ventilatoire» gérés par l'infirmière a démontré son efficacité dans plusieurs études. La prévention des extubations accidentelles doit être également une préoccupation quotidienne car la réintubation majore le risque de PNAVM.

La présence d'une sonde gastrique empêche la fermeture complète du sphincter oesophagien. Ce qui favorise un reflux gastro-oesophagien et donc une transmission endogène de germes gastriques. Pour limiter ce processus, la sonde gastrique doit être du diamètre le plus fin possible et introduite préférentiellement par la bouche, car la voie nasale augmente le risque de sinusite. Sa position intragastrique doit être vérifiée régulièrement. De façon plus pratique, une fois la position correcte obtenue et vérifiée par une radiographie, un repère au marqueur indélébile doit être inscrit à proximité immédiate de la bouche. Il permettra une détection rapide de tout déplacement de la sonde.

De par son effet protecteur, une alimentation entérale doit être débutée le plus précocement possible. Sa gestion doit être rigoureuse avec une vérification régulière du résidu gastrique. Ce dernier ne doit jamais dépasser 150 ml. Si nécessaire, le médecin prescrira des prokinétiques pour réduire la stase gastrique. Le positionnement du malade est également primordial. L'inclinaison de la tête de lit, entre 30 et 45°, en réduisant, voire en empêchant, le reflux gastro-oesophagien, diminue de façon significative le développement des PNAVM.

Des soins de bouche pluriquotidiens sont recommandés car la moitié des patients ventilés présentent une plaque dentaire colonisée par des germes nosocomiaux après une dizaine de jours d'intubation. Ils doivent être pratiqués dans des conditions d'asepsie, à l'aide d'une solution antiseptique type chlorhexidine : ces soins réduiraient la prolifération bactérienne au niveau buccal et oropharyngé. Ils doivent s'accompagner d'une aspiration nasale et buccale, afin d'éliminer les sécrétions qui stagnent au niveau de l'oropharynx et qui peuvent glisser au-dessus du ballonnet de la sonde d'intubation.

Des sondes munies de système d'aspiration sous-glottique sont commercialisées. La procédure, en empêchant l'accumulation de secrétions oro-pharyngées au-dessus du ballonnet de la sonde d'intubation, semble réduire l'incidence des PNAVM. Malheureusement, tous les services ne peuvent disposer de ce type de matériel onéreux dont l'efficacité n'est pas consensuellement admise. De nouvelles matières sont également utilisées pour la fabrication des ballonnets de sonde d'intubation. Elles éviteraient la formation de plis au niveau du ballonnet et ainsi la possibilité de micro-inhalations. Leur prix est encore prohibitif, et leur efficacité est à démontrer à plus large échelle. À défaut de ces évolutions, nous recommandons une vérification régulière, à chaque prise de poste au moins, de la pression du ballonnet de la sonde d'intubation standard. Sa transcription sur les feuilles de surveillance doit être obligatoire. Idéalement, cette pression doit être maintenue entre 20 et 30 cmH2O, car une pression inférieure à 20 augmente le risque d'inhalation et donc de PNAVM.

Les aspirations trachéales doivent être réalisées avec une aseptie rigoureuse. Elles sont effectuées à la demande, en fonction de l'encombrement bronchique du patient. Des systèmes clos d'aspiration trachéale sont commercialisés. Ils ont pour avantages d'éviter l'ouverture des voies aériennes durant la manoeuvre et ainsi de limiter le risque de contamination exogène. L'impact sur l'incidence des PNAVM reste néanmoins limité. En revanche, leur usage doit être recommandé en cas de colonisation ou d'infection du patient par une bactérie multirésistante.

La nature des humidificateurs (chauffants ou échangeurs d'humidité) ne semble pas influencer l'incidence des PNAVM. Mais les précautions standard doivent être observées lors de la manipulation des circuits de ventilation. La périodicité de leur changement ne semble pas influer sur la fréquence des PNAVM. Il en est de même de la durée d'utilisation des filtres échangeurs de chaleur et d'humidité. Cependant, il faut veiller à éviter toute stase d'eau au niveau du circuit.

CONCLUSION

La survenue d'une PNAVM nécessite la conjonction de plusieurs facteurs. Mais des moyens simples de prévention peuvent permettre de réduire l'incidence de cette complication qui aggrave la morbidité et la mortalité des patients. Ils doivent être intégrés dans un processus plus large de surveillance et de lutte contre les infections nosocomiales.

BIBLIOGRAPHIE → Girault C., Tamion F., Beduneau G. Évaluation des soins et pneumopathies nosocomiales en réanimation. Rev Mal Respir 2006 ; 23 : 4S27-4S43. - Seguin P., Mallédant Y. Prévention des pneumopathies nosocomiales. Conférence d'actualisation SFAR 2008.