L'engagement d'un cadre sup' pour les conditions de travail - Objectif Soins & Management n° 176 du 01/05/2009 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 176 du 01/05/2009

 

DENIS PLANCHET

Parcours

Cadre supérieur de santé à l'AP-HP et militant de longue date à la CFDT, Denis Planchet a choisi de s'engager à temps plein dans le combat syndical pour défendre les conditions de travail à l'hôpital.

Denis Planchet est visiblement quelqu'un qui ne s'arrête pas en chemin. Lorsqu'il s'engage, il va jusqu'au bout. Ayant débuté comme agent hospitalier à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), il n'a cessé de se former pour terminer cadre supérieur de santé. Sensible à la dégradation des conditions de travail des soignants, il prend à 50 ans la décision de ranger sa blouse si précieuse pour se consacrer à la vie syndicale. « Je ne regrette pas mon choix, même si j'ai beaucoup réfléchi. J'y retrouve des valeurs qui sont les miennes, un engagement citoyen et social », confie-t-il.

Une carrière de terrain

C'est à 15 ans que le jeune homme d'alors claque la porte du collège pour s'inscrire dans la vie active. Dans sa ville de Nogent-sur-Seine, dans le département de l'Aube, il trouve un petit boulot dans une clinique chirurgicale. Il s'agit de son premier contact avec le domaine de la santé. À 17 ans, il se décide à venir à Paris et pose sa candidature à l'AP-HP comme agent hospitalier. « Je m'imaginais en blouse blanche auprès des patients ; ma première mission a été de ramasser les feuilles dans la cour de l'hôpital », se rappelle-t-il encore aujourd'hui en souriant. Denis Planchet ne se décourage pas pour autant. Il passe son certificat d'aide-soignant très vite, puis son diplôme d'État en soins infirmiers, continue par l'école des cadres, puis une maîtrise à l'université Paris-Dauphine, pour accéder finalement à la catégorie A en tant que cadre supérieur de santé. « Il faut tout de même reconnaître que l'AP est une structure qui offre des possibilités de promotion professionnelle. Je suis fier de mon parcours, même si c'est au prix de beaucoup de travail », ajoute-t-il.

Avant de devenir cadre de santé, Denis Planchet a connu au fil de sa carrière plusieurs établissements et services de l'AP-HP, notamment la réanimation à Bichat, la gastro-entérologie à Rothschild... « J'ai tout de même vécu une petite expérience en libéral au fin fond de l'Auvergne », confie-t-il. Un rêve de jeunesse, il avait 25 ans, il était parti avec quelques-uns de ses amis pour monter une ferme d'élevage sur les monts d'Auvergne. « Cela n'a pas marché, j'ai dû prendre une activité d'infirmier libéral pour gagner un peu d'argent. Mais cela a été génial, j'ai sillonné le Haut-Cantal pendant neuf mois, de fermes en fermes. Je me souviens même avoir fait une prise de sang sur les marches d'un tracteur », raconte-t-il.

Des urgences à la psychiatrie

Après l'école des cadres, Denis Planchet occupe son premier poste de cadre de santé aux urgences de l'hôpital Henri-Mondor. Il y travaille de nuit pendant trois ans. Usé par les horaires, il se porte candidat pour un poste similaire, en journée, à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Il occupe ce poste pendant cinq ans avant d'être reçu au concours de préparation de la maîtrise de gestion hospitalière organisée en partenariat avec Paris-Dauphine. « Cette expérience comme cadre dans les services d'urgences a été très enrichissante. C'est là que j'ai appris l'importance du rôle de cadre en termes d'organisation du travail, de relations avec les autres services », estime-t-il.

De retour de l'université, il est promu cadre supérieur de santé et travaille pendant plusieurs années dans le service de neurologie médicale de la Pitié-Salpêtrière. La directrice de l'école des cadres du même hôpital lui propose de rejoindre son équipe de cadres formateurs : il accepte alors de relever le défi. « Ce fut là encore une expérience passionnante. Mais je me sentais un peu en décalage par rapport à mes collègues, lesquels étaient plus dans l'ingénierie de formation et le conceptuel que je pouvais l'être en tant que cadre de terrain », analyse-t-il. Au bout de trois ans, il se décide à revenir dans un service, en l'occurrence celui de psychiatrie adulte.

Il va y rester jusqu'en 2006, date à laquelle il accepte la proposition de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) de l'AP-HP. Permanent syndical, secrétaire élu, il est en charge plus spécifiquement de deux dossiers : les conditions de travail, d'une part, et l'encadrement, d'autre part. À ce titre, il siège au Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) central de l'AP-HP ainsi qu'au Haut Conseil des professions paramédicales.

Un syndicaliste convaincu

Denis Planchet s'est syndiqué à la CFDT dès ses études en soins infirmiers. Il a choisi cette organisation réformiste qui lui semble la mieux à même d'être dans le dialogue, la concertation sociale, des valeurs qui lui sont chères. « J'ai commencé à m'investir véritablement dans le militantisme syndical lorsque j'étais cadre supérieur à la Pitié-Salpêtrière. J'ai alors été élu représentant au CTE », précise-t-il. Il considère qu'un cadre apporte une véritable plus-value dans une organisation syndicale, une lecture différente des dossiers et de l'environnement, une autre approche de la résolution de conflit, une aide à la conduite de projets... « Surtout, un cadre syndiqué peut accompagner son équipe en termes de défense des conditions de travail. Et une équipe qui va bien, c'est tout de même une équipe qui fait du bon travail », estime-t-il.

C'est tout le combat pour l'amélioration des conditions de travail qui a d'ailleurs conduit Denis Planchet à accepter la fonction proposée par la CFDT. « Ce qui fait aujourd'hui souffrir les soignants, c'est le fait qu'ils n'arrivent plus à bien faire leur travail, analyse-t-il. Les conditions d'exercice continuent de se dégrader dans un contexte d'intensification du travail. » Pour le syndicaliste, c'est l'organisation du travail au sein des hôpitaux qui mériterait d'être repensée. Tout en défendant l'ensemble des catégories professionnelles, Denis Planchet rappelle qu'il existe une véritable souffrance au travail pour l'encadrement. Évoquant les questions posées suite au suicide récent d'une cadre de santé de l'hôpital Bichat, il estime que les cadres sont confrontés à de réels risques psychosociaux. « De nombreux postes de cadres ont été supprimés ces dernières années à l'AP alors que le travail est dans le même temps de plus en plus lourd, complexe. Le cadre est à la croisée des chemins : il doit répondre aux demandes légitimes des équipes et des patients, à la logique médicale, mais aussi aux objectifs assignés en termes d'augmentation de l'activité. Il subit des pressions de toutes parts », constate-t-il.

Pour une valorisation de la fonction cadre

Animateur de la commission cadres du syndicat CFDT de l'AP-HP, il a participé à la délégation CFDT de la fédération Santé Sociaux auditionnée par la mission sur les cadres hospitaliers. Cette mission, pilotée par Chantal de Singly, porte sur la formation, le rôle, les missions et la valorisation des cadres hospitaliers. « Il existe un vrai problème de reconnaissance du travail des cadres. Le cadre fait un travail invisible, mais quand il n'est pas là, plus rien ne marche », souligne Denis Planchet. Le syndicaliste a aussi attiré l'attention de la mission sur la question de la représentativité des cadres au sein de l'hôpital public. « Les IADE, IBODE et puéricultrices peuvent désormais être élus dans les collèges A des CTE. De fait, certains CTE n'ont pas un seul cadre de santé élu », déplore-t-il.

Pour Denis Planchet, la valorisation de la fonction doit également passer par une revalorisation financière. Cette revalorisation salariale pourrait selon lui résoudre le problème du manque d'attractivité. « Les écoles de cadres n'arrivent plus aujourd'hui à recruter suffisamment de candidats, et cela risque de poser de gros problèmes en termes d'organisation », prévient-il.