Le T du projet de loi HPST - Objectif Soins & Management n° 176 du 01/05/2009 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 176 du 01/05/2009

 

Économie de la santé

ORGANISATION → La notion de territoire est très présente dans le projet de loi Hôpital, patient, santé, territoires (HPST), en cours d'examen par le Parlement ; mais comment seront définis ces territoires de santé ? Le point sur cette notion de territoire de santé, à partir de l'exemple des territoires de santé «hospitaliers» construits dans le cadre des Sros (schémas régionaux d'organisation sanitaire). Cette démarche pourra servir les futures agences régionales de santé (ARS) pour définir les nouveaux territoires de santé aux multiples contours en fonction de leur objet. Comment décloisonner les territoires sanitaires ?

Les établissements de santé publics peuvent constituer un communauté hospitalière, afin de mettre en oeuvre une stratégie commune et de gérer en commun certaines fonctions et activités, grâce à des délégations ou des transferts de compétences entre les établissements membres de la communauté.

L'ARS met quant à elle en place des délégations territoriales départementales.

LE TERRITOIRE AU SEIN DE LA LOI HPST

Le schéma régional de l'organisation des soins indique, par territoire de santé, les besoins en implantations pour l'exercice des soins ambulatoires et hospitaliers, notamment celles des professionnels de santé libéraux, des centres de santé, des maisons de santé, des laboratoires de biologie médicale et des réseaux de santé. Le schéma fixe, par territoire de santé, les objectifs quantifiés de l'offre de soins par activités de soins (médecine d'urgences, médecine, chirurgie, obstétrique, traitement du cancer, réanimation, soins de suite et de réadaptation, psychiatrie, soins de longue durée, ...) et équipements matériels lourds (EML : appareils de scanographie, d'imagerie à résonance médicale, gamma-caméras, etc.), les créations et suppressions d'activités de soins ou d'EML, les transformations, regroupements et coopérations d'établissements de santé, les missions de service public assurées par les établissements de santé et autres titulaires d'autorisation.

L'ARS définit les territoires de santé pertinents pour les activités de santé publique, de soins et d'équipement des établissements de santé, de prise en charge et d'accompagnement médico-social ainsi que pour l'accès aux soins de premier recours. Les territoires de santé peuvent être infrarégionaux, régionaux ou interrégionaux. Ils sont définis après du préfet de région et des présidents de conseils généraux en ce qui concerne les activités médico-sociales relevant de leur compétence. Dans chacun des territoires, le directeur général de l'ARS peut constituer une conférence de territoire, composée des différents représentants des diverses catégories d'acteurs du système de santé du territoire concerné. Cette conférence peut faire toute proposition au directeur général de l'ARS sur l'élaboration, la mise en oeuvre, l'évaluation et la révision du projet régional de santé, dont la mise en oeuvre peut faire l'objet de contrats locaux de santé conclus par l'ARS.

DU BASSIN DE SANTÉ...

La notion de bassin de santé vise à la fois à une meilleure accessibilité des personnes au système de santé et à une meilleure adéquation entre l'offre et la demande. Le bassin de santé représente le cadre spatial de l'action du professionnel de soins, en l'occurrence l'hôpital, c'est-à-dire celui où réside «sa» clientèle et autour de lui les autres professionnels (médecins généralistes, infirmières libérales, pharmaciens...) avec lesquels l'hôpital constitue un réseau de soins. L'hôpital étant au sommet de la hiérarchie des soins, les bassins de santé sont d'abord des territoires hospitaliers.

Un bassin de santé (qui est aussi un bassin de vie) est une partie du territoire drainée par des flux, hiérarchisés et orientés principalement vers un centre, de patients aux caractéristiques et aux comportements géographiques homogènes. Une commune ou un canton appartiennent à un bassin de santé quand ses habitants s'adressent préférentiellement aux établissements de ce bassin et que, vis-à-vis des autres établissements périphériques, les habitants des communes ont un comportement voisin. Les limites des bassins de santé sont déterminées par les aires d'influence respectives des pôles hospitaliers voisins. La définition des bassins de santé repose sur une homogénéité des pratiques des populations. Il s'agit d'une approche par les comportements, de type populationnel, et non par les structures, de type institutionnel. Un bassin de santé comprend au moins un centre hospitalier de 150 à 200 lits. Dans la pratique, on parlera de bassin de santé dès lors que la population sera suffisamment nombreuse tout en restant la plus homogène possible, en rapport avec ses caractéristiques significatives des besoins de santé.

Les bassins de santé peuvent être délimités de plusieurs manières à partir :

- de la perception des acteurs par le biais d'enquêtes d'opinion ou de consommation, même s'il convient de veiller à l'objectivité des réponses ;

- des aires d'attraction des établissements de santé ;

- des méthodes de prescription et d'orientation des patients par les médecins libéraux (généralistes et spécialistes) vers les établissements de santé.

Quelle que soit la méthode de délimitation retenue, elle repose sur l'analyse d'une information qui décrit les flux de patients de leur domicile à leur lieu de soins.

Un pays - notion peu utilisée dans les Sros alors qu'elle est la base de la loi sur l'aménagement du territoire - peut être considéré comme un bassin de santé. Le pays recouvre une communauté démographique, géographique, historique et culturelle permettant d'apprécier les besoins de santé. La seule limite concerne sa taille de population insuffisante pour justifier, dans tous les cas, la présence d'un équipement hospitalier.

... AUX TERRITOIRES SANITAIRES «HOSPITALIERS»

Le territoire sanitaire peut être découpé selon plusieurs logiques : administrative (secteur sanitaire ou département), naturelle (flux de population) ou construite (bassin de santé). Nous proposons de retenir trois niveaux d'organisation territoriale des soins qui composent avec ces trois logiques : la région, au sens administratif du terme, le bassin de santé ou zone de besoins, et le bassin de proximité.

Depuis les ordonnances d'avril 1996, la région est devenue le lieu de régulation et de planification, tant au niveau hospitalier (agence régionale de l'hospitalisation) qu'au niveau ambulatoire (union régionale des caisses d'assurance maladie). Elle est encore renforcée par le projet de loi avec la création de l'ARS. Le bassin de proximité correspond quant à lui aux lieux où les hôpitaux locaux (ou maisons médicales) offrent des services de proximité dans le cadre de réseaux ville-hôpital locaux. Ne se pose pas pour ces bassins la question de leur délimitation mais plutôt celle de la délivrance des soins de proximité dans des conditions satisfaisantes de qualité et d'efficacité.

La question fondamentale pour l'ARS consistera à déterminer le niveau intermédiaire du découpage territorial, entre le bassin de proximité et la région, qui constitue, à notre sens, le levier de la nouvelle organisation des soins : les zones de besoins, appelées parfois bassins de santé ou bassins de vie, sont perméables, non figées ni dans le temps, ni dans l'espace. Il s'agit d'un découpage fictif de la région, qui vise à identifier des ensembles homogènes quant aux besoins sanitaires de la population, pour fixer la nouvelle organisation de l'offre de soins. Ces zones doivent être homogènes au plan des déterminants des besoins de santé. Un indicateur unique de besoins ne peut résumer parfaitement les besoins d'une zone considérée. C'est une batterie d'indicateurs, relatifs aux déterminants de la santé, à l'état de santé et aux conséquences des problèmes de santé, qui permettront de décrire une situation, par leur mise en corrélation.

ZONES DE BESOINS ET PÔLES HOSPITALIERS

La zone de besoins

La zone de besoins s'apparente, dès sa délimitation, à un pôle sanitaire dans lequel l'hôpital est appelé à travailler en réseaux avec les autres composantes de l'offre. Les zones de besoins s'appuient donc sur une certaine homogénéité de comportement de la population vis-à-vis d'une structure hospitalière. La délimitation des zones repose sur l'analyse des flux des patients de leur domicile à leur lieu de soins hospitaliers. Pour chaque zone ainsi délimitée, les indicateurs de besoins s'inscrivent dans une matrice décrivant la fréquentation de chaque pôle hospitalier pour chaque secteur d'habitat. Des familles de profils de comportement peuvent être identifiées pour orienter ensuite les actions prioritaires menées dans chaque zone. Par ailleurs, il convient de prendre en compte, outre l'attraction des hôpitaux, les distances réellement parcourues par les patients, pour déterminer ultérieurement les activités susceptibles d'être entreprises dans une autre zone de besoins.

Les pôles hospitaliers

Les pôles hospitaliers, niveau intermédiaire, sont le reflet des zones de besoins. Elles sont construites autour d'un établissement de santé «référent». Dans chaque zone de besoins identifiée sont implantés des professionnels de santé, médecins généralistes et établissements de santé. Les pôles hospitaliers formalisent le regroupement de l'ensemble des établissements de santé, publics et privés, d'une même zone de besoin. L'organisation d'un pôle hospitalier peut être schématisée de la manière suivante :

- un site siège d'un service d'urgences, public et/ou privé, offre à la population l'ensemble des services de soins en médecine, chirurgie, obstétrique, soins de suite et soins de longue durée. Il constitue en quelque sorte le relais du niveau régional dans chaque zone, avec qui il doit développer des coopérations pour organiser notamment les transferts de patients, mais aussi pour élaborer conjointement les protocoles de soins, les formations... Afin de respecter les critères d'accessibilité aux soins, il conviendra que ce site ne soit pas trop éloigné de la population en tout point du territoire de la zone et qu'un système de transport sanitaire rapide soit mis en place pour réduire les délais de prise en charge ;

- des sites de proximité répondent aux besoins de proximité : «petites» urgences, médecine générale et gériatrique, consultations avancées de spécialités du site service d'urgences, soins de suite et de longue durée.

Au sein de chaque pôle hospitalier, les modalités de fonctionnement reposent sur le principe de la coopération interhospitalière et des réseaux extrahospitaliers. Trois types de coopération visent particulièrement à assurer la cohérence du système et la continuité des soins : la mise en place de réseaux ville-hôpital sur les sites de proximité, la coopération public/privé sur le site référent et la mise en place de coopération entre les sites de proximité et le site service d'urgences de référence de chaque pôle. Une coopération forte doit s'établir entre les zones, dans la mesure où le patient est libre de se rendre dans l'établissement de son choix, à l'intérieur ou à l'extérieur de la zone de besoins auquel il appartient virtuellement. Cette coopération est appelée à s'inscrire dans un méta-réseau régional global entre les sites sièges d'un service d'urgences et le site régional.

Les ARS devront définir dans les premiers mois de leur existence leurs territoires de santé, dans une approche décloisonnée de la santé, et répondant à la fois à des logiques de prévention et de santé publique, de soins, et médico-sociales. Or l'organisation propre à chacun de ces secteurs supposera la nécessité de définir des territoires de santé différents. Comment dès lors garantir l'unicité de la vision de la santé et éviter de démultiplier les strates d'analyse et de prise de décision ?

Sera-t-il possible de déterminer un découpage territorial qui réponde à l'ensemble des exigences ? Tel sera le défi auquel devront répondre les ARS pour être à la fois au plus proche des besoins de santé, dans une approche à la fois décloisonnée et spécialisée pour être opérationnelle.

La démarche de territorialisation de la santé en Bourgogne

Pour délimiter les territoires sanitaires et de coopération, l'ARH de Bourgogne s'est basée sur certains travaux relatifs à l'évaluation des besoins, notamment à partir des données issues du PMSI, tout en adoptant une approche pragmatique fondée sur le constat des coopérations déjà engagées, dans une perspective de concertation avec l'ensemble des parties prenantes, au premier rang desquelles se situent les élus et les professionnels de santé. Chaque territoire sanitaire et de coopération est défini en fonction de quatre groupes de caractéristiques : la géographie socio-économique et physique, l'offre sanitaire et sociale, l'état de santé de la population, l'activité des établissements de santé. La constitution d'une base de données multicritères permet d'identifier les besoins hospitaliers dans chaque territoire, pour déboucher sur un diagnostic partagé qui constitue l'assise d'un projet de territoire.

Deux approches sont utilisées pour la délimitation des territoires :

- la construction des bassins de santé hospitaliers est tout d'abord dérivée de la pratique spatiale des usagers : pour chaque commune, l'analyse des flux «domicile-hôpital» permet de déterminer l'orientation que prennent les hospitalisés pour rejoindre un plateau technique. L'ensemble des communes majoritairement orientées vers un même établissement constitue alors un agrégat de communes appelé «bassin de santé hospitalier» ;

- puis ce découpage est évalué en fonction des coopérations déjà engagées, pour décider, après concertation auprès des acteurs de la santé et avis du conseil scientifique de l'ARH, s'il est acceptable.

Selon cette démarche, l'ARH de Bourgogne a arrêté un nouveau découpage en six territoires sanitaires et de coopération.

Chacun d'entre eux doit présenter une masse critique suffisante en termes d'offre de soins pour satisfaire la majeure partie des besoins de la population, à l'exception de ceux relevant de techniques spécialisées régionales ou extra-régionales.

À cette fin, les soins sont organisés en trois niveaux :

- le premier niveau, de proximité, est constitué par les hôpitaux locaux et les maisons médicales ;

- le niveau 2, intermédiaire, est constitué par des centres hospitaliers disposant d'un plateau technique minimum en chirurgie et en obstétrique ;

- le niveau 3, territorial, est assuré par un site pivot constitué par un centre hospitalier et/ou une (des) clinique(s) privée(s) ;

- le niveau 4, qui correspond au niveau régional ou interrégional, assure des soins très spécialisés.

Le site pivot constitue la structure hospitalière de référence pour l'ensemble des établissements du territoire dans lequel il est implanté. Il assure l'ensemble des soins médicaux, chirurgicaux et obstétricaux qui ne relèvent pas de la compétence du niveau régional, y compris des soins de proximité pour la population de sa zone d'attraction. Il accueille et traite l'ensemble des urgences. Il prend en charge les missions de réanimation et de soins intensifs de cardiologie, dispose d'une maternité comportant un service de néonatologie avec ou sans soins intensifs.

Le maintien d'une offre de proximité dans chaque territoire (niveaux 1 et 2) nécessite une approche résolument exogène privilégiant une coopération et des complémentarités fortes entre l'ensemble des établissements de santé à plusieurs niveaux :

- sur les sites de proximité : la mise en place de réseaux ville-hôpital ;

- sur les sites de niveau 1 et 2 et le site pivot : un travail en réseau matérialisé par un groupement de coopération sanitaire ;

- une coopération au sein du site pivot entre le(s) centre(s) hospitalier(s) et le(s) établissement(s) privé(s) qui le constituent ;

- au niveau 4 : la mise en place de réseaux régionaux instaurant une coopération entre les territoires pour la prise en charge de pathologies majeures telles que la cancérologie ou la périnatalité.

Source : Sros 2006-2011.