Pour une meilleure efficience au bloc opératoire - Objectif Soins & Management n° 176 du 01/05/2009 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 176 du 01/05/2009

 

Cahier du management

L'impact financier et organisationnel majeur que constitue l'activité d'un bloc opératoire et l'importance de la gestion des risques associée à cette activité, pour un établissement comme pour un territoire de santé, en fait un sujet incontournable. Il implique la mesure de l'efficience de cette unité.

Des indicateurs de suivi d'activité au bloc opératoire ont été développés et diffusés par la Mission nationale d'expertise et d'audit hospitalier (Meah).Ils permettent aux établissements de comparer leurs performances sur une base commune, malgré la diversité des modes de fonctionnement, dans le but de cerner des marges de manoeuvre et de mettre en oeuvre des efforts de rationalisation dans un domaine, jusque-là resté vierge.

LE TEMPS CONVENTIONNEL

Contrairement au monde industriel pour lequel une chaîne de production peut fournir 168 heures par semaine, soit 24 heures par jour, un bloc opératoire ne peut pas fonctionner 168 heures.

Un dénominateur commun de comparaison est pourtant nécessaire afin de ramener chaque indicateur à cette référence : c'est le temps conventionnel. Il est de 54 heures par semaine (5 journées de 10 heures et 4 heures le samedi).

APPRÉCIATION DE L'OFFRE DE SOINS EN REGARD DU POTENTIEL DU BLOC OPÉRATOIRE

Le temps de vacation offert (TVO) est le temps compris entre l'heure d'entrée en salle du premier patient et l'heure de sortie du dernier patient et constitue un temps offert aux praticiens pour réaliser leur activité. Il est borné et fixé à l'avance dans la charte de bloc opératoire.

Le taux d'ouverture est le ratio entre le TVO et le temps conventionnel, et permet la comparaison entre établissements : il est en effet impossible de comparer, en volume d'activité, un établissement dont le bloc est ouvert 20 heures avec un établissement où il est ouvert 54 heures. Cet indicateur permet une comparaison des volumes d'activité entre établissements homogènes dans leur offre de vacation.

APPRÉCIATION DE L'EFFICIENCE DE LA GESTION DE LA VACATION EN REGARD DE L'OFFRE DE VACATION

Le temps réel d'occupation (TROS) de la salle durant la vacation offerte aux praticiens est constitué du temps compris entre l'entrée en salle de chaque patient et sa sortie : il comprend l'installation du patient, son anesthésie, la durée de l'acte chirurgical, le pansement et un forfait de 15 minutes pour le reconditionnement de la salle après la sortie du patient. Il ne comptabilise pas le temps perdu entre les interventions, ni les débordements au-delà du temps de vacation offerte aux praticiens.

Le temps passé après le temps de vacation offert aux praticiens constitue le temps de débordement et on peut apprécier le ratio entre le temps de débordement et le TVO qui constitue le taux de débordement.

Le taux d'occupation d'une salle est le ratio entre le TROS et le TVO et évalue le remplissage de la vacation offerte. Il constitue un indicateur de performance de l'utilisation de la ressource humaine et matérielle mise à disposition des praticiens.

CONCLUSIONS

La constitution de ces indicateurs que sont le taux de débordement et le taux d'occupation permet de réaliser une typologie des situations.

Taux d'occupation élevé et taux de débordement faible

Dans cette situation, le bloc est bien organisé puisque le taux d'occupation est élevé, signifiant qu'il y a peu de perte de temps entre les interventions, en début ou en fin de programme. La vacation offerte aux praticiens est correctement dimensionnée puisque le taux de débordement est faible.

Cette configuration idéale constitue la situation vers laquelle chaque bloc opératoire doit tendre puisqu'il répond aux besoins des praticiens et de la population qu'ils soignent.

Taux d'occupation élevé et taux de débordement élevé

Dans cette situation, le bloc opératoire est bien organisé puisque le taux d'occupation est élevé, indiquant que les pertes de temps entre interventions sont minimisées, mais l'offre de vacation semble sous-dimensionnée puisque le taux de débordement est élevé. En effet, malgré une bonne organisation durant la vacation, celle-ci ne suffit pas à permettre la prise en charge de tous les patients avant la fin de la vacation.

Dans cette configuration, il semble nécessaire de revoir à la hausse les moyens attribués au bloc opératoire (augmentation de plage horaire ou du nombre de salles).

Taux d'occupation faible et taux de débordement faible

Dans cette situation, le taux d'occupation étant faible, beaucoup de perte de temps entre les interventions, avant et après le programme opératoire, s'ajoute à l'absence de débordements : la vacation est donc surdimensionnée par rapport aux besoins des praticiens. La réorganisation d'une telle activité vers la réduction des moyens attribués au bloc afin de mettre en adéquation l'offre de vacation et les moyens alloués semble inévitable (réduction de plages horaires ou diminution du nombre de salles).

Taux d'occupation faible et taux de débordement élevé

Dans cette situation critique, le taux d'occupation étant faible, les pertes de temps entre les interventions et avant le programme opératoire sont importantes. Ces pertes de temps génèrent des débordements.

Cette configuration nécessite la restructuration du bloc opératoire et aucune conclusion n'est envisageable concernant l'adéquation entre le volume d'activité et la dimension de la vacation offerte pour la mettre en oeuvre.

Face à cet abord, qui peut sembler technocratique, quelles conclusions pratiques peut-on envisager ?

D'abord, la mesure de la performance et la caractérisation par des indicateurs de la typologie de l'activité permettent d'objectiver les dysfonctionnements ressentis et de caractériser les orientations et méthodes à mettre en oeuvre pour susciter la dynamique de changement. L'analyse du dimensionnement optimal du bloc opératoire répond à l'enjeu capital qu'est la bonne répartition des interventions en limitant les débordements et le surbooking, en remplissant les plages opératoires au plus juste et en répartissant équitablement la charge de travail au long de la semaine et dans les différentes salles.

Concernant les mesures à mettre en oeuvre face à un taux d'occupation faible des salles d'opération, si l'augmentation du volume d'activité reste la solution de choix, elle ne constitue plus l'unique solution. Face à l'impossibilité pour un établissement d'espérer la croissance du recrutement dans son bassin de population, le redimensionnement de la vacation afin de l'adapter au plus juste au volume d'activité à réaliser permet d'arborer des taux d'occupation honorables tout en ayant un volume d'activité modeste, signant ainsi une volonté de l'établissement d'adapter son offre opératoire au volume d'activité chirurgicale dont le bassin de population a besoin.

Il ne faut donc plus craindre de réduire le taux d'ouverture d'un bloc opératoire dont le taux d'occupation est faible et qui ne dispose pas de marge d'augmentation de son activité. Par exemple, un bloc opératoire fonctionnant du lundi au vendredi de 9 heures à 17 heures, soit 5 journées de 8 heures, donc 40 heures de vacation offertes, et dont le taux d'occupation est de 50 % n'utilise en réalité son installation que 20 heures par semaine. La réduction du nombre de jours d'ouverture du bloc opératoire constitue une solution satisfaisante puisqu'en travaillant 4 journées de 9 heures, soit 36 heures, on réduit la vacation de 4 heures par semaine, augmentant mécaniquement le taux d'occupation : le même volume d'activité de 20 heures sera réalisé sur 36 heures au lieu de 40 heures, faisant passer le taux d'occupation de 50 % à 55,5 %.

Les bénéfices sont multiples.

Pour le personnel, c'est la garantie de bénéficier d'un jour de repos hebdomadaire planifié dans l'organisation et de ne plus être contraint au compte épargne temps lorsque l'organisation ne leur permet pas de solder leurs congés avant la fin de l'année. C'est également la garantie de journées de travail bien remplies, sans aucun temps mort en fin de programme.

Pour l'établissement, c'est la possibilité d'arborer des indicateurs honorables, même en situation de faible activité : l'important n'est pas de faire beaucoup d'activité, mais de la faire bien. C'est également l'assurance d'une bonne rentabilisation du plateau technique et des équipes opératoires. Enfin, c'est aussi l'assurance d'une bonne adéquation entre les moyens mis à disposition - tant sur le plan humain que matériel - l'activité réalisée et les besoins chirurgicaux du territoire de santé.

Pour la direction des ressources humaines, c'est un argument de recrutement important dans un contexte où les personnels spécialisés sont rares.

Cet abord de la rationalisation de l'organisation des activités opératoires ne saurait se concevoir de manière isolée, en particulier dans le contexte actuel de la tarification à l'activité.

Il apporte un éclairage sur les orientations possibles pour améliorer l'efficience organisationnelle du bloc opératoire et susciter la dynamique de changement. Mais il nécessite des mesures managériales complémentaires et une volonté de tous les acteurs.

Le changement est multifactoriel et sans la prise en compte des différents aspects de cette problématique, de nombreuses réorganisations n'atteindront pas l'objectif qu'elles se sont fixées.

BIBLIOGRAPHIEGestion et organisation des blocs opératoires dans les hôpitaux et cliniques, Recueil des bonnes pratiques organisationnelles observées, Meah, Septembre 2006. → Benchmark des blocs opératoires dans dix régions pilotes, synthèse nationale, Meah, Août 2008.

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