Diabète de type 2 : épinglé pour problème de comportement - Objectif Soins & Management n° 178 du 01/08/2009 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 178 du 01/08/2009

 

Point sur

Sédentarité + obésité = risque accru de diabète de type 2. L'équation est simple mais son résultat dramatique : bientôt deux millions de diabétiques en France et le chiffre ne cesse d'augmenter. La prévention et le traitement passent en partie par l'apprentissage d'une bonne hygiène de vie. Un principe facile à comprendre mais difficile à mettre en oeuvre tant les mauvaises habitudes sont dures à combattre .

La particularité du diabète de type 2 tient au fait que le patient ne souffre pas d'une absence d'insuline comme dans le diabète de type 1 mais d'un défaut de sensibilité à l'insuline, autrement dit d'une résistance à l'insuline. Celle-ci précède de plusieurs années l'apparition du diabète. En partie d'origine génétique, elle est surtout aggravée par la sédentarité et l'excès de graisses.

Le Dr Sachon, praticien hospitalier dans le service du Pr Grimaldi (hôpital Pitié-Salpétrière), résume la succession des événements qui mènent au diabète comme suit :

→ dans un premier temps, chez le patient «prédiabétique», l'insuline agit mal, il faut qu'il en fabrique plus que les autres pour une même efficacité sur ses tissus, en particulier sur ses muscles. Par ailleurs, l'insuline «brûle» mal le sucre dans ses muscles mais conserve longtemps sa capacité à stocker la graisse et à favoriser la prise de poids : cela contribue à diminuer son efficacité. En effet, plus le poids augmente, plus il faut d'insuline ;

→ dans un second temps, à force de fabriquer beaucoup d'insuline, le pancréas s'épuise. Lorsqu'il n'est plus capable de produire toute l'insuline dont il a besoin, le patient devient diabétique, sa glycémie augmente et il maigrit (il brûle ses graisses pour survivre et «perd» le sucre dans ses urines).

« MÊME PAS MAL »

La glycémie n'entraînant aucune manifestation perceptible tant qu'elle n'atteint pas des valeurs très élevées, le diabète de type 2 est le plus souvent découvert à l'occasion d'un dépistage systématique (bandelette urinaire) ou d'un bilan demandé devant une fatigue ou un malaise. Parfois, la mesure de la glycémie est prescrite de façon plus ciblée. En effet, après l'âge de quarante ans, l'existence de facteurs de risque personnels (surcharge pondérale, hypertension artérielle, maladie vasculaire, hypertriglycéridémie, antécédent de diabète gestationnel ou poids de naissance de plus de 4,5 kilos) justifie un dosage annuel de la glycémie à jeun. L'hérédité de premier degré - sans facteur de risque personnel - se solde par une surveillance de la glycémie tous les trois à cinq ans. Dans environ 20 % des cas, c'est une complication du diabète qui amène à mesurer la glycémie et à faire le diagnostic.

L'annonce du diagnostic est malheureusement banalisée par beaucoup de patients car ils ne se sentent pas malades et considèrent qu'il y a une certaine «normalité» à être diabétique à partir d'un certain âge. La banalisation peut aussi venir de certains soignants qui partent perdants sachant qu'il s'agit d'une maladie difficile à soigner en raison des nombreux changements de comportement à faire accepter aux patients.

SUCRE : RESPONSABLE MAIS PAS (SEUL) COUPABLE

Les complications tiennent à la «caramélisation» des vaisseaux, petits ou gros qui, en se «bouchant», ne peuvent plus nourrir les tissus.

Le sucre peut, à lui seul, être responsable de la microangiopathie (atteinte des petits vaisseaux) mais il peut aussi être «aidé» dans ses effets diaboliques par l'hypertension artérielle, en particulier au niveau des yeux et des reins. La rétinopathie diabétique peut conduire à la cécité. La néphropathie diabétique fait courir un risque d'insuffisance rénale qui peut mener à la dialyse. Et la neuropathie diabétique, quant à elle, est responsable d'une perte de la sensibilité au niveau des pieds ; le signal d'alarme de la douleur ayant disparu, les risques de blessures, infections, brûlures... sont alors importants. Ils sont aggravés par les troubles statiques (durillons sous les pieds, hallux valgus ou «oignons», cors, orteils en marteau). De ce fait, il est important de s'assurer d'une hygiène du pied parfaite.

Les complications entraînées par la macroangiopathie (atteinte des gros vaisseaux irrigant tout particulièrement le coeur, les jambes et le cerveau) dépendent d'une «association de malfaiteurs» dont les trois leaders sont la surcharge en sucre, les graisses circulantes (s'inquiéter quand le bon cholestérol - HDL - est inférieur à 0,4 g/l, le mauvais - LDL - supérieur à 1 g/l et les triglycérides supérieures à 1,5 g/l) et l'hypertension artérielle (pathologique au-delà de 13,5/8). Les autres facteurs de risque sont la surcharge pondérale de type androïde imputable aux graisses qui entourent les viscères (surveiller le tour de taille : danger au-delà de 90 cm chez la femme et de 100 cm chez l'homme), le tabac, le stress, la sédentarité et le vieillissement.

L'atteinte des vaisseaux cardiaques fait craindre l'infarctus du myocarde, celle des artères du cou l'accident vasculaire cérébral et celle des jambes l'artérite qui peut conduire à la gangrène et, secondairement, à l'amputation. D'autres complications sont par ailleurs à redouter : l'impuissance, les problèmes dentaire, la stéatose hépatique (»foie gras»), la capsulite de l'épaule ou les tendinites.

En résumé, l'existence d'un diabète de type 2 fait craindre une myriade de complications graves, d'autant plus redoutables qu'elles sont longtemps silencieuses. Parmi ces dernières, le Dr Sachon insiste sur la rétinopathie qui ne fait pas mal et n'entraîne pas de baisse de la vue... sauf quand il est trop tard ; l'hypertension artérielle ; la neuropathie qui supprime la douleur et donc le repérage du danger pour les pieds ; les caries dentaires et la stéatose alcoolique («foie gras»).

LA MESURE DU RISQUE, C'EST L'HBA1C

L'hémoglobine glyquée (HbA1c) permet d'apprécier la moyenne glycémique des deux derniers mois et «le niveau de caramélisation» atteint dans les vaisseaux renseigne sur le risque de complications graves du diabète. La normale se situe à environ 5 % et correspond à une moyenne glycémique d'environ 1 g/l.

À 6 % d'HbA1c, on est à 1,20 g/l ; au-delà, il faut ajouter 0,30 g/l pour chaque unité de pourcentage supplémentaire, donc 7 % = 1,50 g/l ; 8 % = 1,80 g/l ; 9 % = 2,10 g/l, etc.

Pour protéger les yeux, les reins, les nerfs, il faut un pourcentage d'HbA1C inférieur à 7 %, c'est-à-dire une moyenne glycémique inférieure à 1,50 g/l. Pour protéger les grosses artères, il faut un taux d'HbA1c plus bas, le plus proche possible de la normale.

On compte en moyenne dix ans de mauvais équilibre du diabète pour que les complications apparaissent, mais il est souvent difficile de connaître la date de début de l'affection. Bref, dès sa découverte, la vigilance doit être immédiate et continue.

GUÉRISON NON, PRÉVENTION ET SURVIE OUI

Si l'on ne guérit pas du diabète, il est en revanche possible de prévenir son apparition et d'éviter ses complications graves en assurant le maintien d'un bon équilibre glycémique, comme l'explique le Dr Sachon.

La prévention et le traitement passent par une bonne hygiène de vie : équilibre alimentaire (éviction des aliments très gras et très sucrés), prévention de l'obésité et du surpoids, mais surtout activité physique régulière, idéalement un jour sur deux (celle-ci permet en particulier de mieux utiliser le sucre au niveau des muscles).

Pour économiser l'activité du pancréas, on peut aussi lutter contre la résistance à l'insuline - et diminuer ainsi les besoins en insuline - en utilisant des médicaments tels que les biguanides, les inhibiteurs des alphaglucosidases, les glinides et les glitazones. Selon les molécules, les effets secondaires les plus habituels sont les troubles digestifs (diarrhées, ballonnements), les hypoglycémies et la prise de poids.

Le recours aux injections d'insuline n'est envisagé qu'en cas d'épuisement partiel ou total du pancréas. Il est indispensable dès que l'HbA1C est supérieure à 8 %. L'insuline se prescrit tout d'abord au coucher (insuline retard) afin de normaliser la glycémie du réveil puis, si nécessaire, au dîner (insuline rapide) et au coucher (insuline retard) ; enfin, si besoin, avant chaque repas (insuline rapide) et au coucher (insuline retard), l'objectif étant d'obtenir un taux d'HbA1C inférieur ou égal à 7 %.

La mesure de la glycémie (autosurveillance) n'a d'intérêt que parce qu'elle permet d'agir en modulant le traitement. Son rythme varie selon les résultats de l'HbA1C.

De nouveaux traitements sont en cours d'étude : l'insuline inhalée, utilisable en bouffées comme c'est le cas dans l'asthme, et le GLP1 (Glucagon Like Peptide) qui est une hormone intestinale améliorant la sécrétion d'insuline. La greffe de pancréas n'est pas une solution envisagée pour les patients diabétiques de type 2.

UN LIVRE, DES CONTACTS → Sachon C, Grimaldi et al. Le diabète de type 2, éd. Bash-Serpens 2009, 15 ¤. → Association française des diabétiques (AFD), tél. : 01 40 09 24 25. → Ligue des diabétiques de France (LDF), tél. : 05 59 32 36 01. → Alliance Diabète, tél. : 01 53 27 08 04. → Union des Maisons du diabète, tél. : 03 20 72 32 82.

GLYCÉMIE

DES CHIFFRES À MÉMORISER

Le diabète est un excès de sucre dans le sang. Le diagnostic repose sur l'existence d'une glycémie à jeun supérieure à 1,26 g/l à deux reprises (à quinze jours ou un mois d'intervalle) ou d'une glycémie supérieure ou égale à 2 g/l, quel que soit l'horaire. Pour mémo, le taux normal se situe entre 0,70 et 1,10 g/l.

HYPO- ET HYPERGLYCÉMIE

ATTITUDE À ADOPTER

L'hypoglycémie traduit l'existence d'une glycémie inférieure à 0,70 g/l. Les symptômes les plus fréquents sont une fatigue, une petite suée, des vertiges, une sensation de fringale, des palpitations et des tremblements. La prise de trois morceaux de sucre ou d'un petit verre de jus de fruit (10 à 15 cl), c'est-à-dire l'équivalent de 15 grammes de sucre, permet en général de la corriger. Si les symptômes persistent, il est souhaitable de mesurer la glycémie 10 à 15 minutes plus tard pour vérifier l'opportunité d'un nouveau resucrage.

L'hyperglycémie se traduit par une glycémie supérieure ou égale à 1,40 g/l avant un repas ou un dépassement des objectifs glycémiques fixés avec le médecin. Elle n'est quasiment jamais symptomatique. Par principe, 3 jours de vérifications consécutifs sont nécessaires pour s'assurer que cette glycémie trop élevée n'est pas le fruit du hasard. Après ce délai, une consultation doit être envisagée pour augmenter le traitement.

ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE

PERDRE DU TEMPS POUR EN GAGNER

« L'éducation thérapeutique n'est pas un luxe de sociétés nanties, c'est un outil, réel et efficace, pour diminuer de façon certaine les risques de complications chez les patients. Un point en moins d'hémoglobine A1C (c'est-à-dire 0,30 g/l de glycémie en moins en moyenne), c'est 30 % de complications en moins! » (Dr Sachon)

ÉPIDÉMIOLOGIE

TROP C'EST TROP

En France, il y a environ 2 millions de diabétiques connus dont 80 à 90 % de patients diabétiques de type 2. À ce chiffre, il faut ajouter environ 500 000 diabétiques qui s'ignorent.

Environ 20 % des dialysés, en France, sont diabétiques. Le diabète est la première cause de cécité avant 50 ans. Près de 5 à 10 % des patients diabétiques sont amputés d'orteils, de pieds ou de jambes. Et 50 % des patients diabétiques meurent d'une insuffisance coronaire.

TYPE 1, TYPE 2

DES PROFILS DE PATIENTS DIFFÉRENTS

Le diabète de type 1, dit insulino-dépendant, ne représente que 10 % des diabètes. Il survient préférentiellement chez les gens jeunes et sans surpoids. Ses débuts, bruyants, se traduisent par l'association classique : fatigue, amaigrissement, urines très abondantes et soif intarissable. Le manque d'insuline étant total, l'insulinothérapie est incontournable. Faute de quoi, certaines complications sont imminentes : les plus connues sont le coma acido-cétosique et le coma hypoglycémique qui mettent en cause le pronostic vital.

Le diabète de type 2 est beaucoup plus fréquent : 90 % des diabètes. Il survient dans la majorité des cas après 40 ans et est souvent accompagné d'un surpoids. Ses débuts sont lentement progressifs et silencieux, ce qui explique une sous-évaluation du nombre des cas. La déficience en insuline n'étant pas en cause aux débuts de la maladie (il s'agit plus d'une «résistance» à l'insuline), ce diabète est souvent dit non insulinodépendant (DNID). Le régime, la pratique d'une activité physique et la prise de comprimés facilitant l'action de l'insuline ou stimulant sa fabrication sont des traitements habituellement suffisants.

Au-delà de ces différences entre les deux types de diabète, le risque de complications graves (cardiovasculaires, rétiniennes, rénales ou neurologiques) est le même à long terme. À noter que 20 % environ des patients diabétiques de type 2 présentent déjà certaines de ces complications lors du diagnostic.