Du projet à la loi HPST : les missions des établissements de santé - Objectif Soins & Management n° 178 du 01/08/2009 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 178 du 01/08/2009

 

Économie de la santé

HPST → La loi hôpital, patient, santé et territoire du 21 juillet 2009 est entrée en vigueur le 22 juillet dernier, date de sa publication au Journal officiel. Après de nombreux débats, le projet est devenu réalité. Nous proposons dans cet article (et les prochains) une lecture synthétique des nouveautés apportées par la loi en matière de régulation de notre système de santé.

Nous commençons cette série d'articles par le premier chapitre de la loi dévolu aux missions des établissements de santé.

REDÉFINITION DES MISSIONS DE SERVICE PUBLIC HOSPITALIER

En premier lieu, la loi apporte un important changement en matière de service public hospitalier.

D'une part, les missions de service public sont redéfinies et sont au nombre de quatorze, allant de la permanence des soins aux soins dispensés aux détenus, en passant par la recherche, les actions d'éducation, l'aide médicale urgente.

D'autre part, ces missions ne sont plus seulement l'apanage des établissements de santé et peuvent être assurées par les centres de santé, les maisons de santé, les pôles de santé, le service de santé des armées, les groupements de coopération sanitaire, les titulaires d'autorisation d'équipement lourds, ou bien encore les praticiens exerçant dans ses structures.

Par ailleurs, lorsqu'une des quatorze missions de service public n'est pas assurée dans un territoire de santé, il revient au directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) de désigner qui en sera chargé, dans le cadre d'un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens ou d'un contrat spécifique précisant les obligations. Ainsi, en cas de carence sur la permanence des soins hospitalière en matière de radiologie (scanner, IRM) dans un établissement de santé public par manque de praticiens radiologues, le directeur général de l'ARS peut désigner un cabinet de radiologie libéral ou un établissement de santé privé pour assurer cette permanence.

Élément important, à partir du moment où un promoteur est chargé d'assurer une ou plusieurs missions de service public, elle doit garantir :

→ l'égal accès aux soins de qualité,

→ la permanence de l'accueil, de la prise en charge ou de l'orientation,

→ et surtout la prise en charge aux tarifs de base de la Sécurité sociale, condition qui s'impose à l'établissement ou à la personne en charge de la mission, mais également aux praticiens de l'établissement qui interviennent dans l'accomplissement d'une ou plusieurs de ces missions de service public. Ce qui signifie, dans le cas de notre exemple sur la radiologie, que cette condition s'impose au titulaire de l'autorisation, qui peut être un établissement de santé privé, mais également aux praticiens libéraux qui font fonctionner l'équipement matériel lourd. Ceci est novateur car, jusqu'à présent, les agences régionales de l'hospitalisation (ARH) n'avaient pas de lien direct avec les praticiens libéraux en la matière.

Dans le cadre du rapport présenté chaque année avant le 15 octobre par le gouvernement au parlement sur la tarification à l'activité des établissements de santé, l'accent sera mis sur les dispositions prises pour prendre en compte l'impact sur les coûts des établissements de santé publics des missions de service public.

Autre élément nouveau et non des moindres, une autorisation sanitaire peut être subordonnée à des conditions relatives à la participation à une ou plusieurs mission(s) de service public ou à l'engagement de mettre en oeuvre des mesures de coopération favorisant l'utilisation commune de moyens et la permanence des soins, l'autorisation pouvant être suspendue ou retirée si ces conditions ne sont pas respectées. Autrement dit, un cabinet de radiologie libéral ne pourra plus refuser de participer et de mettre en oeuvre la permanence des soins en matière d'examens radiologiques si l'autorisation délivrée par le directeur général de l'ARS le précise, sauf à prendre le risque de voir son autorisation suspendue, voire retirée. Là encore, il s'agit d'un moyen fort à la disposition des ARS pour réorganiser l'offre de soins et assurer la permanence des soins hospitalière, dans des disciplines où il y a carence de praticiens hospitaliers publics.

Dans le même ordre d'idée, un établissement de santé public peut être admis à recourir à des professionnels de santé libéraux pour l'exercice de ses missions de service public et activités de soins. Cette admission est soumise à l'accord du directeur général de l'ARS et fait l'objet ensuite d'un contrat entre le professionnel libéral et l'établissement, contrat qui garantit notamment les obligations liées à la mission de service public. Cette disposition remplace les contrats de concession pour l'exécution du service public hospitalier qui sont supprimés.

Ainsi, d'un côté, les missions de service public ne sont plus le domaine réservé des établissements publics de santé, mais, de l'autre, elles peuvent être imposées au titulaire d'autorisation mais également aux praticiens, salariés ou libéraux, qui la mettent en oeuvre. Donc à la fois ouverture mais également contrainte forte.

À noter que ces dispositions législatives ne font pas l'objet de décrets et sont donc applicables dès maintenant.

DU STATUT PSPH À CELUI D'INTÉRÊT COLLECTIF

L'établissement de santé participant au service public hospitalier (PSPH) est mort ; vive l'établissement de santé privé d'intérêt collectif !

Ainsi pourrait-on résumer la loi. Un nouveau statut d'établissement de santé est donc créé au sein des établissements de santé privés. Pour mémoire, on distingue des établissements de santé privés à but lucratif des établissements de santé à but non lucratif. Parmi ces derniers, certains étaient admis par le directeur de l'ARH à participer au service public hospitalier, et à ce titre avaient les droits et obligations d'un établissement de santé public.

Désormais, ces établissements de santé privés dits PSPH sont transformés en établissements de santé privés d'intérêt collectif. Les centres de lutte contre le cancer sont des établissements de santé privé d'intérêt collectif ; les autres établissements de santé privés à but non lucratif qui souhaitent avoir ce statut doivent en faire la déclaration auprès des ARS. Ce qui signifie, contrairement à la procédure de reconnaissance qui existait pour le statut PSPH, que le statut d'intérêt collectif ne relève plus d'une procédure « d'autorisation », mais d'une simple déclaration à l'initiative de l'établissement. Étant entendu cependant que ces dispositions sont soumises à un décret d'application.

Bien entendu, les conditions et obligations relatives à l'exercice des missions de service public sont applicables aux établissements de santé privés d'intérêt collectif et ces établissements appliquent les mêmes tarifs que les établissements de santé publics. Il n'y a donc pas de tarification spécifique pour ces établissements, ce qui renvoie donc à la nécessité de revoir les conventions collectives qui leur sont applicables pour qu'ils puissent garantir leur équilibre budgétaire et financier.

Ils peuvent conclure sur des objectifs déterminés, sur la base du projet régional de santé, des accords avec un établissement public de santé ou une communauté hospitalière de territoire en vue de leur association à la réalisation des missions de service public, soumis à l'approbation du directeur général de l'ARS.

Les établissements actuellement PSPH le demeurent jusqu'à la date de fin de leur contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM) ou, au plus tard, en 2012 ; et ils prennent de droit la qualification d'établissement de santé d'intérêt collectif, sauf opposition expresse de l'établissement auprès de l'ARS.

NOUVEL ACTEUR AU RÔLE RENFORCÉ : LE CENTRE DE SANTÉ

Alors que la spécificité des hôpitaux locaux disparaît au sein des établissements de santé publics, ceux-ci sont en quelque sorte remplacés par les centres de santé.

→ Ils sont définis comme des structures sanitaires de proximité dispensant des soins de premiers recours.

→ Ils assurent des activités de soins sans hébergement (différence essentielle avec les hôpitaux locaux actuels, structure sanitaire de proximité par excellence) et des actions de santé publique ainsi que des actions d'éducation, de prévention.

→ Ils peuvent pratiquer des interventions volontaires de grossesse (IVG) par voie médicamenteuse et ils constituent des lieux de stage pour les professionnels de santé.

→ Ils sont créés soit par des organismes à but non lucratif, soit par des collectivités territoriales, soit par des établissements de santé publics ou d'intérêt collectif.

→ Ils élaborent un projet de santé et les médecins qui y travaillent sont salariés.

→ Un décret précisera leurs conditions techniques de fonctionnement.

Le centre de santé devient donc un nouveau maillon de la chaîne du système de santé, important dans la délivrance des soins de premiers recours.

RECONNAISSANCE ET RENFORCEMENT DE L'HAD

L'hospitalisation à domicile (HAD) est désormais reconnue comme un véritable projet soumis à autorisation de l'agence régionale de santé, au même titre les alternatives à l'hospitalisation, ce qui n'était pas vraiment le cas jusqu'à présent.

Par ailleurs, les dispositions sur les pharmacies à usage intérieur des structures d'HAD sont clarifiées et assouplies.

Enfin, une disposition pénale est rajoutée, au même titre que celles prévues pour les ouvertures d'établissements ou d'activités de soins non autorisés. En effet, seuls les établissements de santé autorisés à exercer une activité d'hospitalisation à domicile peuvent désormais faire usage de l'intitulé d'établissement d'hospitalisation à domicile. Les structures ou groupements en faisant état au moment de la publication de la loi mais non autorisés par l'ARS disposent d'un délai d'un an pour déposer une autorisation d'hospitalisation à domicile ; à défaut, ils encourent une amende de 3 750 euros et une peine pénale.

DE LA VALIDITÉ DES AUTORISATIONS

Jusqu'à présent, une autorisation sanitaire valait de plein droit une autorisation de fonctionner, sous réserve cependant du résultat positif d'une visite de conformité que l'établissement devait demander auprès de l'ARH, celle-ci ayant un mois pour la réaliser dans des conditions définies par décret.

Désormais, l'établissement n'a plus à demander de visite de conformité, puisque la loi stipule que la visite est réalisée au plus tard six mois après la mise en oeuvre de l'autorisation. Le maintien de la conformité est également vérifié après toute modification des conditions d'exécution de l'autorisation. Et le défaut de conformité peut donner lieu à l'application des dispositions relatives à la suspension et au retrait des autorisations. Un décret déterminera les modalités de visite et de vérification de conformité.

De même, les autorisation délivrées pour une durée indéterminée prennent fin au 1er janvier 2010 (de nombreux exemples en chirurgie cardiaque). Les établissements devront déposer un dossier de demande de renouvellement selon les conditions habituelles.

L'analyse de ce premier chapitre montre déjà quels sont les nouveaux «outils» et «moyens» à la disposition de l'ARS pour réguler le système de santé :

→ l'ouverture sous contrainte du service public hospitaliers aux établissements de santé privés et aux professionnels libéraux,

→ la création d'établissements de santé d'intérêt collectif,

→ l'identification d'une nouvelle structure de proximité (le centre de santé),

→ le renforcement de l'HAD,

→ et enfin un régime d'autorisation à la fois plus souple mais également plus responsabilisant. Il convient également de citer le rôle important confié par la loi à la commission médicale d'établissement en matière d'amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins, ainsi que de la prise en charge et l'accueil des usagers (avec la publication d'indicateurs de qualité et de sécurité qui s'impose aux établissements), l'adaptation du contenu des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens pour prendre en compte l'exécution le cas échéant des missions de service public (et dès lors le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens - CPOM - a obligatoirement une durée de cinq ans).

Sans oublier une nouveauté forte en termes d'implantation des professionnels de santé puisque la loi prévoit qu'il peut être interdit aux praticiens hospitaliers ayant exercé plus de cinq ans dans un établissement de santé public qui démissionnent :

→ d'ouvrir un cabinet privé,

→ d'exercer une activité rémunérée dans un établissement de santé privé à but lucratif, un laboratoire ou une officine de ville, là où ils peuvent entrer en concurrence directe avec l'établissement public de santé dont ils sont démissionnaires.

C'est donc le début d'une certaine forme de contrainte envers les praticiens hospitaliers et de la fin d'une certaine concurrence déloyale. Il s'agit également d'un moyen supplémentaire pour l'ARS de garantir le maintien du service public hospitalier.

Suite au prochain numéro

Pour en savoir plus :

Loi n°2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, Journal officiel de la République française n°0167 du 22 juillet 2009.