Embarquement immédiat sur le navire de l'ordre ! - Objectif Soins & Management n° 178 du 01/08/2009 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 178 du 01/08/2009

 

BRUNO DELON

Parcours

Ancien infirmier-marin sur des bases aéronavales et des frégates, Bruno Delon a passé son diplôme de cadre pour s'engager dans la formation. Soucieux de participer à l'évolution de la profession, il vient d'être élu président du Conseil départemental de l'ordre infirmier du Gard. Itinéraire d'un amoureux de l'océan.

Nîmois de naissance, Bruno Delon est devenu infirmier presque par hasard. Bachelier au tout début des années 80, le jeune homme d'alors, grand lecteur d'aventures maritimes, souhaite faire des études de biologie. Après quelques temps passés sur les bancs de l'université, il choisit de s'engager dans la Marine nationale à Toulon pour devenir infirmier-marin. Après une formation initiale d'un an et la découverte du monde de la santé à l'hôpital militaire Sainte-Anne de Toulon, Bruno Delon se décide à passer son diplôme d'État au sein de l'École du personnel paramédical des armées.

La polyvalence de l'infirmier-marin

Diplômé en 1990, il travaille pendant un an aux urgences de l'hôpital militaire avant de partir en mer sur un pétrolier ravitailleur de l'État Major des forces maritimes de l'Océan Indien. « Mon travail consistait surtout à produire des données de santé, préparer des rapports, participer à des inspections techniques dans les différentes infirmeries des bateaux français », explique-t-il. Souhaitant s'inscrire davantage dans le relationnel et le soin, Bruno Delon change de poste et part travailler en médecine du travail sur une base aéronavale puis sur une frégate au large de l'île de la Réunion. « À bord d'un bateau, l'infirmier-marin est vraiment polyvalent. On soigne les rhumes, les petites maladies... La dimension relationnelle avec les membres de l'équipage est également très forte : l'infirmier est aussi le psychologue, voire l'assistante sociale. C'est celui que l'on va voir en cas de blues, celui à qui l'on se confie », précise-t-il.

Il parle aussi avec passion de toutes les autres petites tâches assurées à bord par un infirmier-marin : l'animation, l'organisation de séances de cinéma, la préparation des excursions à terre, la tenue de la petite coopérative pour les produits non fournis par l'armée, sa participation aux manoeuvres du bateau... « La vie sur un bateau est très particulière : les contacts avec l'équipage, l'arrivée dans un pays par la mer, les odeurs, l'ambiance des ports... », raconte Bruno Delon avec une pointe de nostalgie.

L'exercice libéral avant le CHU

Mais la vie fait que l'infirmier-marin choisit une autre forme d'exercice au bout de quinze ans passés au sein de la Marine nationale, en 1999 : Bruno Delon vient de se marier, son épouse attend leur premier enfant et il souhaite une vie plus stable près de sa famille. Pendant trois ans, il travaille comme infirmier libéral à Saint-Gilles dans le Gard.

Après la vie en communauté sur un bateau, il découvre un exercice en solitaire, même si les relations avec les patients sont tout aussi enrichissantes. « L'équipe me manquait, tout comme la dimension d'accompagnement des jeunes professionnels et des étudiants », confie-t-il. Bruno Delon commence alors sérieusement à penser au métier de formateur en Ifsi. Il postule pour entrer au CHU de Nîmes-Caremeau tout en annonçant son projet d'orientation professionnelle vers la formation.

Recruté en 2001 par le CHU en psychiatrie, il va découvrir un univers inconnu. « J'avais une certaine appréhension, mais j'ai rencontré des collègues qui m'ont fait apprécier la psychiatrie, des patients qui m'ont beaucoup ému », ajoute-t-il. Deux ans plus tard, l'Ifsi Kléber du CHU retient sa candidature pour un poste de faisant fonction. Bruno Delon est chargé d'enseigner la psychiatrie en première année, il passe très vite le concours d'entrée à l'École des cadres d'Aix en Provence.

Une année décisive

Pour l'infirmier pourtant aguerri par des années d'expériences professionnelles, cette année 2005 d'études à l'IFCS représente encore un cap très important. « Cette année, très difficile au début avec son lot de doutes, de remises en question de soi-même, m'a beaucoup apporté sur le plan personnel », souligne-t-il. Tout en passant son diplôme de cadre de santé, Bruno Delon a l'opportunité, grâce à cet IFCS dynamique, de passer un master 1 en Sciences de l'éducation de l'université d'Aix-en-Provence. « Cette expérience m'a permis de me dire que j'étais encore capable. Elle m'a redonné confiance en moi. Je me suis donc autorisé à ouvrir de nouvelles portes », constate-t-il aujourd'hui.

C'est également en formation à l'École des cadres que Bruno Delon entend parler de l'ordre infirmier. Il commence à se renseigner ici et là et se forge son idée personnelle. De retour au CHU de Nîmes, il découvre le métier de cadre de proximité, d'abord sur un poste de cadre de nuit aux urgences puis dans le service d'hématologie-oncologie. Mais Bruno Delon n'oublie pas qu'il est devenu cadre de santé avec l'idée de partager son expérience et de former les futurs professionnels. En 2007, une place de formateur se libère à l'Ifsi du CHU : il y postule et est retenu.

Engagement au sein de l'ordre

Estimant que l'ordre infirmier est un outil de maturité pour la profession infirmière, le formateur se présente au Conseil départemental du Gard lors des élections d'avril 2008. « Ce qui m'intéresse aussi dans l'ordre, c'est le fait que nous puissions nous retrouver tous ensemble, indépendamment de notre exercice, de notre secteur d'activité, estime-t-il. C'est une occasion de se rassembler et d'échanger. »

Suite à une démission, il est élu par ses collègues à la présidence du Conseil départemental en février 2009. « Nous n'avons pour le moment aucun moyen financier, c'est une phase de construction un peu difficile pour tous ceux qui se sont engagés dans cette aventure, reconnaît-il. La cotisation a certes un caractère obligatoire, mais il nous faut avant tout convaincre les professionnels de l'utilité de l'ordre infirmier. » Il regrette que la polémique autour de la création de l'ordre ait pu ralentir un temps son démarrage. « Il nous faut plus que jamais sortir des querelles de chapelle pour devenir de véritables acteurs des évolutions de notre profession, continue-t-il. Les syndicats et l'ordre ont tout à gagner à travailler ensemble pour que la profession infirmière soit représentée et écoutée. »

Quoiqu'il en soit, les membres de son Conseil départemental se sont déjà réunis plusieurs fois pour définir l'organisation de la structure, sa politique, le champ et les modalités d'actions... Chacun travaille de son propre ordinateur, sur son temps personnel. Les échanges entre membres se font principalement par mails ou par l'intermédiaire d'un espace collaboratif sur la toile, un blog a été mis en ligne* par les élus pour communiquer. La visibilité du Conseil départemental reste encore balbutiante, mais les premières convocations commencent à arriver, des patients s'adressent d'ores et déjà aux élus... « Le dialogue est en train de se construire, ajoute le nouveau président de ce Conseil départemental. Je reste confiant en l'avenir : l'ordre est. »

*L'adresse du blog du Conseil départemental du Gard :