La fiche de signalement d'un événement indésirable - Objectif Soins & Management n° 178 du 01/08/2009 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 178 du 01/08/2009

 

Qualité, hygiène et gestion des risques

SÉCURITÉ DES SOINS → Outil indispensable d'un système qualité performant, la fiche de signalement d'un événement indésirable (FSEI) est le vecteur qui permettra à chaque professionnel d'une structure de santé d'être un acteur impliqué et responsable aux avant-postes de la sécurité et de la qualité de son établissement.

À la clinique Saint-Sauveur de Mulhouse, la réflexion quant au signalement des événements indésirables s'est initiée en 2003. La cellule qualité s'attacha dans un premier temps à définir l'événement indésirable. D'une façon générale, on s'accordera à concevoir ce dernier comme étant un événement de nature à entraver le déroulement normal d'une activité.

Pour un établissement de santé, l'événement indésirable sera une situation non souhaitée pouvant avoir des conséquences plus ou moins dommageables pour le patient, le professionnel, le visiteur ou encore l'outil de travail (locaux et matériel). Un événement indésirable pourra revêtir les aspects d'un incident (perte de dossier, agression verbale...), d'un accident (chute, erreur médicamenteuse...) ou encore d'une situation à risque (encombrement systématique des issues de secours...).

Les problèmes en rapport avec les vigilances (hémovigilance, pharmacovigilance, matériovigilance) sont par définition des événements indésirables. Cependant leurs signalements font l'objet de procédures spécifiques, réglementées au niveau national, avec notamment l'obligation de déclaration par le professionnel qui constate le problème.

La rédaction facultative d'une FSEI ne pourra en aucun cas se substituer au strict respect des procédures de déclaration obligatoire propre à ces vigilances.

LE SIGNALEMENT, POUR QUOI FAIRE ?

Le signalement permet de recenser les événements indésirables, de les classer en fonction du type d'événements décrits, de leur gravité, de leur localisation géographique ou encore de la catégorie professionnelle des déclarants. Ainsi, à condition que les professionnels jouent le jeu du signalement en produisant un nombre significatif de fiches, le service qualité disposera de tableaux de bord de situations de non-qualité permettant de dresser une cartographie assez précise des risques.

En fonction de la gravité ou de la fréquence de survenue des événements rapportés, des enquêtes seront conduites et des propositions d'amélioration et/ou de préventions seront mises en place. Le signalement des événements indésirables est donc essentiel dans un système ayant pour souci premier l'amélioration constante de la qualité des soins, des conditions de travail et de la sécurité de chacun (patients, professionnels, visiteurs).

La FSEI s'inscrit donc en complémentarité des autres dispositifs de gestion des risques : évaluation des pratiques professionnelles, vigilances, gestion des plaintes et enquêtes relatives à la satisfaction des patients.

Le signalement ne doit pas être perçu comme un outil de délation qui servirait à identifier un éventuel coupable. En effet, le signalement s'intéresse principalement aux failles du système qui ont permis au dysfonctionnement d'apparaître : il est le premier maillon d'une chaîne qui pourra conduire à l'amélioration du système afin que le dysfonctionnement observé ne se renouvelle pas.

Le signalement est au service des employés, de la direction et du qualiticien. Ce dernier y verra un outil de choix quant à l'accomplissement de sa mission principale d'amélioration de la qualité et de la sécurité.

L'employé pourra y trouver un moyen direct de porter à la connaissance de ses dirigeants un événement particulier. Ainsi, il jouera un rôle central au coeur du management des risques de son établissement.

La direction, quant à elle, y verra une nouvelle façon d'observer le fonctionnement de l'établissement en évitant les habituels maillons hiérarchiques, tamis incontournables d'éléments parfois trop incisifs. Tous y verront une opportunité d'oeuvrer à l'amélioration constante de la qualité et de la sécurité des soins ainsi que celle des conditions de travail.

RÉUSSIR LE LANCEMENT DE SA FSEI

Comme son nom l'indique, la fonction première de la FSEI est de porter à la connaissance du service qualité la survenue d'événements répondant à cette définition.

Cependant, il ne suffit pas que cette fiche existe pour que le circuit défini fonctionne et qu'un nombre suffisamment significatif de FSEI soit réceptionné par le service qualité. La réussite de la FSEI sera directement liée aux principes de simplicité, d'information, d'accessibilité et de valorisation.

Simplicité

La FSEI doit être simple et compréhensible. Elle doit pouvoir être aisément renseignée, par le directeur de l'établissement comme par l'agent de service hospitalier.

La FSEI définie par le service qualité de l'établissement se compose de six parties (cf. fiche page ci-contre). Les cinq premières seront renseignées par le déclarant, la dernière le sera par le qualiticien.

PREMIÈRE PARTIE

Elle est administrative. On y trouve la date de la déclaration, le service émetteur, l'identité et la fonction du déclarant.

SECONDE PARTIE

Elle est relative aux caractéristiques de l'événement : lieu, date, heure et type de l'événement.

TROISIÈME PARTIE

Elle est réservée à la description de l'événement. Si celui-ci a appelé une action corrective, elle doit être précisée.

QUATRIÈME PARTIE

Elle s'intéresse à l'évaluation de la nocivité de l'événement par le déclarant.

CINQUIÈME PARTIE

Le déclarant peut faire ici état de son point de vue quant aux actions de prévention qui pourraient être apportées.

SIXIÈME PARTIE

Elle sera renseignée par le service qualité après réception de la fiche. Elle consiste en un total de cinq cases.

1. Une case est réservée à un code alphanumérique de type A000. La lettre indique le service émetteur, le code numérique désigne, par ordre chronologique d'arrivée, le numéro de la fiche pour le secteur.

2. La seconde case correspond à la catégorie professionnelle du déclarant, chaque corps de métier se voyant attribuer une lettre minuscule.

3. La troisième case correspond à une cotation sur une échelle de 0 à 10. Elle est fixée à partir de l'évaluation la plus objective possible par le service qualité de la gravité de l'événement (en fonction d'un tableau de définition des valeurs).

4. et 5. Les quatrième et cinquième cases sont réservées à la date de réception de la FSEI par le service qualité et au numéro de celle-ci depuis le lancement de la démarche, toutes origines géographiques confondues.

Information

Il est primordial que les professionnels de l'établissement soient informés de la mise à disposition de ce nouvel outil. Il est important qu'ils perçoivent cette FSEI comme étant directement au service de l'amélioration de leurs conditions de travail. Des réunions ouvertes à tous les professionnels, tous corps de métiers confondus, devront être planifiées en nombre suffisant au cours des deux mois qui précéderont la date de lancement de la fiche. Par ailleurs, des affiches de sensibilisation seront apposées dans l'établissement aux endroits non accessibles aux patients et visiteurs (offices, salle de soins, parkings professionnels, vestiaires, locaux techniques...).

Rappelons ici que la FSEI est un outil destiné aux professionnels. Pour faire valoir leurs observations quant à la qualité et à l'organisation des soins, les patients disposent, eux, de la fiche "Votre Avis"(voir Objectif Soins n° 138 Août Septembre 2005) ou peuvent formuler leurs plaintes par un courrier directement adressé au directeur de l'établissement.

Accessibilité

Un stock de FSEI perdu au milieu d'autres outils et de documents au fond d'un tiroir ou d'une armoire risque de rendre le recours à ces FSEI rare, voire improbable. Le renseignement d'une FSEI étant facultatif, la fiche doit être visible et accessible lorsque le professionnel de santé ressent le besoin d'y avoir recours. On a donc installé dans l'établissement 34 dispositifs de distribution de ces fiches. Ces «distributeurs« sont constitués par des enveloppes à armatures qui laissent apparaître les en-têtes des FSEI et sur lesquelles est collée une affiche de sensibilisation. Ces enveloppes sont fixées aux murs d'endroits jugés opportuns et non accessibles au public : offices, salles de soins mais aussi couloirs de l'administration, cuisines, bureau des admissions, etc. Le service qualité est chargé de l'entretien et de l'alimentation de ces distributeurs.

Selon le même principe, les FSEI renseignées par les déclarants doivent facilement être ré-aiguillées vers le service qualité. Dans notre établissement, une boîte aux lettres exclusivement destinée au recueil de ces fiches fut installée dans le couloir d'accès aux vestiaires, lieu de passage obligé de 95 % des employés.

Valorisation

Afin d'encourager la démarche de signalement, il est important que le déclarant se sente entendu. Chaque fiche réceptionnée fera ainsi l'objet d'un accusé de réception adressé au déclarant ou au service d'origine. Sur ce document (cf. page suivante), le devenir du signalement est détaillé : simple enregistrement, analyse rapide, action de prévention mise en place, lancement d'une enquête, voire mise en place d'un groupe de réflexion. On y trouve également les destinataires vers lesquels le service qualité transmet le signalement.

LE DEVENIR DU SIGNALEMENT

Le signalement d'un événement indésirable est le premier maillon d'une chaîne dont le but est d'éviter l'évolution péjorative de la situation à risque décrite (comme l'encombrement récurent d'une sortie de secours) ou le renouvellement d'un incident ou accident relaté (rupture d'approvisionnement ou erreur d'administration d'un médicament). Les autres maillons de cette chaîne sont le recensement, la compréhension par l'analyse, l'apport de nouvelles procédures (ou la modification des procédures existantes) et enfin l'évaluation à distance afin de vérifier l'efficacité des mesures apportées.

L'analyse des fiches permet au service qualité de gérer plusieurs indicateurs associés à la gestion des événements indésirables : nombre et type d'événements, secteurs d'origine, cotations, catégories professionnelles des déclarants... Un retour sous forme de statistiques découlant directement de l'exploitation de ces indicateurs est régulièrement effectué aux diverses instances, comité qualité ou groupes de travail. Tous les signalements ne font pas l'objet d'analyses poussées et détaillées, cependant tous sont recensés, tracés et archivés et tous font l'objet d'un accusé de réception adressé au déclarant, pour peu que celui-ci n'ait pas préféré l'anonymat.

C'est la gravité et la fréquence de l'événement qui permettra de déterminer si celui-ci fera l'objet ou non d'une recherche approfondie de ses causes.

La gravité est appréciée le plus objectivement possible par le qualiticien qui fixera une cotation de 0 à 10, avec une échelle de valeur prédéfinie. À partir de cette cotation et de la fréquence de survenue de l'événement, évaluée en consultant le nombre de signalements s'y rapportant, plusieurs situations sont envisageables.

La cotation est inférieure ou égale à 4 : l'événement est peu fréquent. Il ne fera pas l'objet d'une analyse approfondie mais sera archivé et pris en compte dans le calcul des divers indicateurs.

La cotation est inférieure ou égale à 4 : l'événement est fréquent ou facilement répétitif. Il pourra faire l'objet d'une analyse approfondie et pourra entraîner la mise en place de mesures correctives ou préventives importantes. C'est l'exemple même des événements qui ne remettent pas réellement en cause la sécurité des patients, ni même la qualité des soins mais qui, du fait de leurs répétitions, empoisonnent littéralement la vie des professionnels. Ce sera par exemple un praticien qui exigera quotidiennement de faire sa visite au moment des transmissions ou encore un potage trop fréquemment servi à une température tiède...

Enfin, la cotation est supérieure ou égale à 5 : une analyse sera presque systématiquement réalisée. Plus cette cotation sera élevée, plus l'événement sera jugé prioritaire et fera l'objet d'analyses poussées et de mesures correctives importantes.

CONCLUSION

La FSEI occupe une place de choix dans l'arsenal du qualiticien hospitalier. Elle est l'un des piliers de la gestion des risques d'un établissement de santé. Elle ne se substitue pas aux signalements réglementés mais apparaît comme une démarche complémentaire pour tous les dysfonctionnements qui ne relèveraient pas des vigilances légalement encadrées (hémovigilance, matériovigilance, pharmacovigilance).

Il est primordial d'associer le plus grand nombre de professionnels au lancement de la fiche. Dans cette optique, un grand nombre de réunions d'informations devront être initiées. L'information sera complétée par la diffusion d'affiches rappelant l'intérêt de la FSEI. Il conviendra de ne pas se limiter aux seuls soignants mais bien d'élargir à toutes les catégories professionnelles de l'établissement.

Il s'agira bien souvent d'une évolution culturelle pour les professionnels de nos établissements, soignants ou autres. Bien qu'une décennie de démarches qualité permette désormais à chacun de mieux appréhender les notions de qualité et de gestion des risques, la démarche devra néanmoins être bien expliquée à tous. La FSEI n'est pas un instrument de délation, mais bien une chance donnée à chacun de s'impliquer tout en oeuvrant au développement de la qualité des soins, à l'amélioration des conditions de travail et à l'accentuation de la sécurité de tous : patients, visiteurs et employés.