Lutte contre les maladies : on n'est pas prêt de jeter l'éponge - Objectif Soins & Management n° 178 du 01/08/2009 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 178 du 01/08/2009

 

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RECHERCHE → Les scientifiques commencent à peine à exploiter les organismes marins à des fins pharmaceutiques. Parmi ces travailleurs de la mer, Laurent Meijer : ce chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) planche notamment sur les éponges. Il a cofondé une start-up expérimentant des médicaments antitumoraux ou neuroprotecteurs.

La mer, il la voit de son bureau, dès qu'il jette un regard par la fenêtre : rochers, algues, bateaux. Mais devant un tel tableau, Laurent Meijer, 56 ans, ne se laisse pas aller à la rêverie. Pour ce biologiste du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) installé à la Station biologique de Roscoff (Finistère), la mer est avant tout une matière première, une ressource dans laquelle il cherche des substances aux effets thérapeutiques.

Aujourd'hui, de très nombreux médicaments sont d'origine terrestre, issus de plantes ou de champignons. Les richesses de la mer, elles, sont bien moins connues puisque ce milieu a, en effet, longtemps été difficile d'accès. Hier, sa découverte se faisait uniquement à marée basse ou avec une drague (outil de pêche utilisé essentiellement pour pêcher des coquillages ou faire des prélèvements). Et la plongée ne suffit pas pour sillonner tous les océans, profonds de quatre kilomètres en moyenne. Grâce au développement des moyens d'exploration, la moisson a aujourd'hui bien avancé. Les océans, qui constituent 70 % de la surface du globe, commencent à livrer leurs secrets...

« Vieille deux-chevaux »

Les scientifiques se passionnent pour «la guerre chimique» entre organismes marins. Ils ont par exemple mis au point un antalgique à partir du venin que sécrète un coquillage friand de poissons pour paralyser ses proies. Laurent Meijer, lui, s'est d'abord intéressé aux oursins et aux étoiles de mer, afin d'analyser le cycle cellulaire.

« La mort cellulaire est un phénomène physiologique indispensable, les pertes étant compensées par la division cellulaire, explique le chercheur. Cet équilibre permet ainsi, par exemple, de renouveler, tous les trois mois, l'ensemble des globules rouges. Ou encore de régénérer la peau ou le tube digestif qui, sans la mort cellulaire, continueraient à s'étendre. C'est un peu comme une vieille deux-chevaux dont vous changeriez toutes les pièces au fur et à mesure... » Mais cette machine humaine régulièrement retapée peut déraper. « Le cancer consiste en une trop grande prolifération et une résistance à la mort de certaines cellules. À l'inverse, pour les maladies neurodégénératives, il y a trop de mort cellulaire. Quand les premiers signes cliniques de Parkinson apparaissent, 80 % des cellules de la substancia nigra, une toute petite zone du cerveau, sont déjà mortes... »

Après l'observation, Laurent Meijer est passé à une autre étape. Objectif : dénicher des molécules susceptibles de réguler la multiplication et la mort des cellules, plus précisément en agissant sur un acteur essentiel de ces phénomènes, les protéines kinases. Pour y parvenir, son équipe de dix-sept chercheurs passe au crible éponges et ascidies. Mous, dénués de carapaces et fixés sur des rochers, ces invertébrés doivent produire des substances agressives pour repousser leurs prédateurs. Leurs effets semblent prometteurs pour l'homme : elles déclenchent la mort de cellules cancéreuses ou bien protègent de la mort des cellules neuronales, luttant ainsi contre Alzheimer, Parkinson ou l'accident vasculaire cérébral. Mais pas question de susciter des espoirs prématurés : « Notre recherche, au CNRS, se situe très en amont : les produits qui pourraient en sortir n'arriveront sur le marché que dans une dizaine d'années en moyenne. »

De Roscoff à Manhattan

Le médicament fait en effet du chemin avant son autorisation de mise sur le marché. D'abord, il y a les essais précliniques, sur des enzymes, des cellules, des animaux. Puis les substances sont expérimentées sur l'homme.

La première phase clinique vise à évaluer leur toxicité, afin de définir la dose la plus élevée possible avec le minimum d'effets secondaires au regard de la gravité de la maladie.

La deuxième phase doit mesurer l'efficacité du médicament et déterminer son meilleur mode d'administration. Troisième et dernière étape de l'étude clinique : estimer si le traitement est plus efficace et/ou moins toxique que les produits déjà utilisés. La roscovitine, identifiée par Laurent Meijer, brevetée par le CNRS et dont le nom fait allusion à Roscoff, est ainsi testée aux États-Unis, par l'entreprise Cyclacel, en phase 2 contre le glaucome et deux pathologies « contre lesquelles il n'existe actuellement aucun traitement solide » : le cancer du poumon non à petites cellules et celui du nasopharynx.

ManRos, une société de recherche

Amener vers les études précliniques et cliniques des molécules nouvelles ou proches de la roscovitine, c'est l'objectif de la start-up co-fondée en 2007 par Laurent Meijer et le chimiste Hervé Galons. Le nom de cette société - ManRos Therapeutics - fait référence aux deux villes où elle s'installe : Manhattan et... Roscoff. Sa création s'inscrit dans le cadre de la loi Allègre sur l'innovation et la recherche, qui donne aux chercheurs du CNRS la possibilité de consacrer 20 % de leur temps de travail à une activité économique. Cette société, qui planche sur le cancer, la leucémie, Alzheimer ou la polykystose rénale, entend franchir plus aisément les obstacles administratifs et financiers de l'expérimentation. Les distinctions attribuées à Laurent Meijer accroissent sa renommée et facilitent sa quête de financements.

En fin de compte, la société privée ne récupère-t-elle pas à son profit les fruits de la recherche menée en amont par l'organisme public ? « Le CNRS reste propriétaire des quatre molécules dont nous avons acheté la licence d'exploitation et qui sont actuellement en phase préclinique, répond Laurent Meijer. S'il y a des retombées, il y en aura aussi pour le CNRS. On ne fait pas une société pour gagner de l'argent, mais pour amener des produits sur le marché. » Bref, pour «booster» la recherche... et l'emploi. Sept biologistes et chimistes oeuvrent à ManRos. Leur slogan : From Sea to Pharmacy, de la mer à la pharmacie.

Contact : meijer@sb-roscoff.fr

RENCONTRES DE LA MODERNISATION DE L'ÉTAT

La Fonction publique hospitalière primée

Le magazine Acteurs publics a organisé début juillet les Rencontres de la modernisation de l'État. Ont été délivrés des prix récompensant les projets améliorant la qualité du service public. Dans la catégorie de l'innovation, l'hôpital d'Annecy a décroché le prix pour la construction d'un établissement numérique. En termes d'organisation, le Centre hospitalier sud-francilien, qui compte 27 sites en Île-de-France, a été récompensé pour la création d'un hôpital «vert» en haute qualité environnementale. Du point de vue des services, le GIP Réseau qualité sanitaire et sociale de Limoges s'est distingué pour sa démarche managériale de promotion de la qualité des soins au sein des établissements de santé. En termes de simplification, le CH de Villefranche-sur-Saône a décroché le prix pour sa maternité multimedia, qui permet une surveillance à distance des nourrissons. Enfin, le prix spécial «réforme de l'État» a été attribué au GIP Resah Île-de-France pour sa démarche de regroupement des achats dans les établissements de la région. Anne-Lise Favier