La Direction des soins au chevet du cahier des charges du lit médical | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 179 du 01/10/2009

 

Ressources humaines

CONTRIBUTION → La Direction des soins, aux côtés des services de la fonction Achats de l'établissement public de santé (EPS), doit être amenée légitimement à travailler à l'élaboration d'un cahier des charges «généraliste» concernant le lit d'hospitalisation de la personne soignée.

Ce travail s'effectue sur les différentes spécialités médicales et chirurgicales, dans la perspective d'un appel d'offres visant à remplacer pour partie un parc de lits jugé obsolète, entre autres, mécanique, ou lors de la prévision d'un équipement neuf destiné à une nouvelle structure.

Cela sur un primum movens (1) de passer à un parc de lits médicaux (2) entièrement électrique, afin d'apporter une meilleure prestation hôtelière à la personne soignée d'une part (« humanisation » des conditions de séjour), et d'améliorer les conditions de travail du personnel de soins d'autre part. En effet, ces dernières restent une préoccupation majeure de la Direction des soins partagée avec la Direction des ressources humaines (DRH), notamment dans le Projet professionnel et social (PPS), les représentants du personnel (Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou CHSCT) et la Médecine et santé au travail (3). Un groupe représentatif des soignants, de différentes disciplines médicales et chirurgicales et comprenant un représentant médical, est ainsi associé à la décision technique (et non financière) (4) d'acquisition par un plan d'investissement pluriannuel des lits médicaux de l'établissement considéré pour la partie du parc jugée à remplacer en priorité.

UN «PRÉ» CAHIER DES CHARGES ?

Pour ce faire, un cahier des charges, plus fin, est rédigé avant l'appel d'offres. On peut s'attendre ainsi à ce que soit retenu le fabricant choisi par le groupe de travail représentant les soignants. Dans cette dynamique de les associer à la décision, on peut escompter une stratégie d'achat guidée non plus par la règle assez classique du « moins disant » (5), mais par celle du « mieux faisant » (6). Accessoirement, l'acheteur, ayant préalablement responsabilisé l'utilisateur, s'affranchira de récriminations assez habituelles connues dans un autre arbre d'acquisition...

Par ailleurs, pour ce propos immédiat, on observera les recommandations de l'Afssaps (7) au regard du matériel évoqué, soit les lits médicaux pour adultes, utilisés en établissements de santé, en maisons de retraite, en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EPHAD) et en hospitalisation à domicile (HAD) à l'exception des dispositifs de transfert (lits/brancards et chariots de transfert).

ÉVOLUTION DE LA DEMANDE DE SOINS EN OCCIDENT

De façon plus générale, en Occident, la demande de soins tient compte de deux facteurs particuliers de mutation sociétale.

Pour les patients Alzheimer

→ Adopter un lit médical électrique qui descend au plus bas, dépourvu de barrière (8) pour les patients Alzheimer. Ils présentent, entre autres, des troubles de la marche et de l'équilibre, et dont la fréquence des chutes est de 85 % vs 70 % pour des patients du même âge, exempts de cette pathologie particulière, et dont la résultante en termes de fractures est multipliée par 3. En effet, les chutes (9) surviennent le plus souvent à l'intérieur bien plus qu'à l'extérieur pour ces patients, lors d'un brusque changement de cap, mettant en cause leur équilibre fragile. Ce sont les situations de vie qui nécessitent une adaptation rapide de l'équilibre qui sont des facteurs de risques, même un simple demi-tour par exemple, ou un lever de fauteuil. Il semble qu'on trouve maintenant sur le marché des «lits Alzheimer», notamment pour les maisons de retraite : cela est à vérifier, au regard de nos contraintes médicales en secteur hospitalier.

→ Le patient le plus à risque est non valide, agité, non lucide.

→ On prêtera attention au cas particulier de l'enfant, placé dans un lit pour adulte, en cas de pose de barrières (10). Elles sont conçues pour éviter les risques de piégeage d'un adulte, aussi elles ne prennent pas en compte les dimensions corporelles d'un enfant.

→ En ce qui concerne les barrières, tous les matériels acquis avant décembre 1999 pour les lits électriques ou non à usage médical, et avant août 2000 pour les lits réglables pour personnes handicapées ne respectent pas les exigences des normes en vigueur et doivent être remplacés en priorité.

→ Rappelons enfin que l'usage des barrières est dédié à la prévention de la chute d'un patient pendant son sommeil artificiel (11) ou non, ou son transport, et surtout pas pour l'empêcher de sortir volontairement de son lit. Par ailleurs, rien ne remplace la surveillance clinique rapprochée du patient : la majorité des accidents surviennent la nuit, lorsque la présence soignante est susceptible d'être moins serrée, en fonction de l'allocation de ressources dédiée à la discipline considérée, sauf théoriquement pour les disciplines médicales normées (12).

→ Il faut faire attention à la compatibilité barrières/lit et matelas/lit plus barrières. Les montages hétéroclites sont à proscrire, car sources de piégeage du malade. Aussi, plus généralement, après le choix d'un fabricant par le client, ce dernier doit acheter tout accessoire nécessaire au même industriel, même s'il considère qu'il est «captif».

→ Enfin, tous les personnels de soins doivent être formés (13) lors de l'acquisition de nouveaux matériels ; par ailleurs la maintenance préventive (Génie Bio Médical - GBM - ou autre prestataire de services externe) est impérative, car elle prévient, entre autres, les risques de détachement accidentel de la barrière au lit.

Pour le patient obèse

→ On a certainement déjà pu réaliser l'acquisition particulière de lits dédiés, et en dehors d'un appel d'offres «généraliste», car ici, le marché est encore étroit aujourd'hui.

→ Nous disposons d'un indicateur fiable de l'évolution de ce problème préoccupant de santé publique en France : c'est l'essor de la chirurgie de l'obésité, appelée encore «bariatrique». En effet, la Haute autorité de santé (HAS) vient de publier des recommandations sur la chirurgie de l'obésité. Selon les données issues du Programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI), le nombre annuel d'actes de chirurgie de l'obésité a été multiplié par 7 entre 1997 et 2006. En 2006, 13 653 séjours avec chirurgie bariatrique ont été dénombrés en France, dont 68 % dans les établissements privés (14). Aussi il semble utile de suivre cette tendance régulièrement, de façon à ne pas être pris en défaut d'obligation de moyens le cas échéant.

→ Enfin, un dernier aspect, le patient handicapé, est à retenir, car souvent peu évalué ou mal pris en compte (accessibilité, signalétique, transports par navettes internes, etc., dans un contexte hospitalier plus général) (15).

Pour le patient handicapé

→ Il faut se référer à la norme NF EN 1970 d'août 2000, disponible auprès de l'Afnor (16) .

→ Au-delà des 3 particularités évoquées ci-dessus, il n'y a pas de distinguo à observer entre un lit «médical» et un lit «chirurgical» : seul le critère ou l'indice de gravité pathologique du patient est à prendre en compte (patient «lourd», polypathologique).

DÉFINITION D'UN CAHIER DES CHARGES DU LIT MÉDICAL

Pour revenir à la définition d'un cahier des charges du lit médical pour l'EPS, on retiendra les paramètres classiques et déjà décrits habituellement dans le travail de la direction des soins, sauf actualisation d'expert : configuration standard du lit médical adulte ; options en fonction de la spécialisation médicale considérée.

Configuration standard du lit médical adulte

→ Il doit correspondre au niveau d'exigence de confort du patient et à celle attendue du soignant, tant technique que clinique, et en termes de conditions de travail optimisées.

→ Le lit du patient hospitalisé a, de base, une hauteur variable, avec une amplitude suffisante permettant la mise à niveau avec un brancard, par exemple, le déclive/proclive est mécanique, alors que toutes les autres commandes sont électriques, pour des raisons de gestes d'urgence, dans n'importe quelle situation, évidentes (on peut être dans un contexte de transfert du patient au sous-sol, par exemple, hors de la proximité immédiate d'une prise secteur, avec une batterie vide par défaut de recharge ou défaillance technique...).

→ Pour les mêmes situations d'exception, le dosseret tête est amovible ou coulissant (accès rapide à la tête du patient, pour ventilation au masque et/ou intubation en urgence), pour d'autres cas, le dosseret pied (patient de grande taille, nécessitant une extension du gabarit du lit par rallonge ad hoc), mais ces deux éléments restent solidaires du lit, et la tête de lit doit garantir le blocage du matelas (position déclive, en cas de choc hypovolémique, par exemple), sans constituer une gêne à l'opérateur de soins.

→ Le sommier à lattes articulé en matériau de synthèse est amovible (décontamination) et muni d'un plan dur (massage cardiaque externe). À ce propos, plus généralement, il doit pouvoir passer au tunnel de lavage le cas échéant (ce qui n'est pas le cas de nombreux modèles en France) (17) .

→ Les roues sont surdimensionnées (150 mm de diamètre minimum), à double galet (roulement intensif), avec une directionnelle centrale (donc 5 roues (18)), si possible, pour une meilleure ergonomie dans l'esprit de la protection du personnel de soins et une résistance inertielle en charge (patient couché) minimale à la poussée ou à la traction voire latéralisation gauche/droite, avec un blocage centralisé (frein). La charge possible est de 150 kg (hors le cas particulier du patient obèse déjà évoqué (19)).

→ On dispose d'un relève-buste à translation, d'une plicature à 30° possible des genoux, d'un relève-jambes et d'un boîtier filaire de commandes électriques dédié à la personne soignée, solidaire du lit (pour éviter les chutes intempestives, donc la casse possible, ou la perte). Du côté de la commande du soignant, il existe une condamnation sélective des mouvements électriques du lit, en fonction de la pathologie de la personne hospitalisée, et dont certaines positions peuvent être contre-indiquées médicalement.

→ Les demi-barrières x 2 (soit 4) ou barrières (soit 2) anti-chute sont conformes aux normes de sécurité précédemment évoquées.

→ On dispose en accessoires de base d'une potence porte-sérum escamotable qui reste solidaire du lit (pour éviter les pertes ou oublis), d'un porte-bocaux, porte-bassin, porte-obus d'O2 (sans augmentation du gabarit hors tout du lit (20)).

→ Pour le matelas, il intègre une technologie de prévention d'escarres minimale ; par ailleurs, compte tenu de son coût d'acquisition, il doit pouvoir passer dans un cycle d'enceinte de décontamination des matelas couplée au tunnel de lavage le cas échéant.

→ Le porte-couverture (tablette tenant lieu de rallonge) peut présenter un intérêt ergonomique du soignant pour le change du lit du malade, à voir avec le client s'il s'inclut dans la proposition de base ou reste en option.

Options (non exhaustives) en fonction de la spécialisation médicale considérée

→ La radiographie au lit nécessite un porte-cassette radio transparent, ou des plans de lit idem.

→ L'auto-contour, pour éviter que le patient glisse vers le bas du lit lorsqu'on relève son buste. Pour qu'il reste ainsi au centre du couchage, associé à la translation déjà évoquée, qui permet d'ouvrir l'espace au niveau du bassin, pour les services lourds, type réanimation.

→ La pesée électronique intégrée, pour les pathologies lourdes, type réanimation, plus généralement le patient non valide.

→ Le cadre de traction/suspension, pour l'orthopédie et la traumatologie.

→ Les butées de protection pour amortir un choc éventuel désagréable au minimum pour le patient, voire délétère (hémodynamique instable, patient algique), et éviter d'endommager la structure architecturale interne.

→ La potence fixe ou pivotante pour autonomie du patient alité, ou encore poignée de préhension.

→ La tablette «pont» pour supporter les différents moniteurs (électrocardioscope, SpO2 (21) , pousse-seringues électriques ...).

En fait, les différents accessoires doivent être à disposition des cadres de santé, sur listing référencé, selon la spécialité médicale considérée, on réalise alors une configuration «sur-mesure» correspondant au cahier des charges précis des patients traités. En pratique, on fera attention lors d'une commande d'un lit neuf de la coupler à celle d'un matelas compatible ! Sinon, on s'expose à des désagréments pratiques évidents lors de la livraison dans l'unité clinique. Enfin, plus généralement, sur le plan de la gestion optimisée, il est utile de pucer (22) le parc de lits de l'EPS, pour assurer sa traçabilité (hygiène, maintenance préventive/curative, géo-localisation, surtout pour les lits d'aval des urgences, par exemple).

NOTES

(1) C'est-à-dire première impulsion. -(2) Contrairement à l'idée reçue d'encore beaucoup de soignants, le lit d'hospitalisation et ses barrières sont des dispositifs médicaux selon la définition de la directive 93/42/CE, et qui exigent le respect de bon usage pour garantir sécurité et bonnes conditions de soins pour le patient. -(3) Ex Médecine du travail, notamment impactée pour les lombalgies des personnels de soins. -(4) Seul le Chef d'établissement est ordonnateur des dépenses. -(5) Le produit le moins cher à l'ouverture des plis des répondants à l'appel d'offres. -(6) Le meilleur produit à un coût estimé supportable au regard du service rendu. -(7) Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé : Bonne utilisation des barrières de lit, janv. 2006. -(8) Aux USA, certaines maisons de retraite font coucher les patients chuteurs à même le sol, Pr F. Nourhashemi, pôle Gériatrie, Pr Vellas, CHU de Toulouse. -(9) Les chutes du lit et les piégeages dans les barrières ont parfois des conséquences mortelles. -(10) 2 normes définissent des recommandations sécuritaires pour les dimensions des barrières (cf. zones de piégeage) : NF EN 60601-2-38 et son amendement 1 relative aux lits électriques à usage médical et NF EN 1970 relative aux lits réglables pour personnes handicapées, respectivement parues en déc. 1999 et août 2000. -(11) Période d'anesthésie, depuis la prémédication jusqu'au réveil complet, après quitus du médecin anesthésiste. -(12) Réanimation, soins intensifs de cardiologie, SAU, POSU, hémato-oncologie pédiatrique, etc.-(13) Document de sensibilisation sur les bonnes pratiques d'utilisation des barrières de lit, destiné à être diffusé largement aux soignants (en particulier IDE et AS), Afssaps. - (14) Obésité : prise en charge chirurgicale de l'adulte, -(15) Contraintes inhérentes à tout établissement recevant le public, a fortiori pour l'hôpital. -(16) Agence Française de NORmalisation, contre règlement de 79,50 ¤ HT. -(17) Contrairement à l'Allemagne. -(18) Si cela n'existe pas encore sur le marché, pour le lit médical, alors que c'est le cas depuis longtemps pour le chariot d'urgence type Stryker®, il faut inciter l'industrie médicale à le réaliser en s'associant à la RD (Recherche et Développement). -(19) 450 kg maximum -(20) Transport en ascenseur, par exemple. -(21) Moniteur de mesure de la saturation périphérique en oxygène. -(22) Système RFID (Radio Frequency Identification), radio identification d'un matériel. Une puce a une capacité de 256 octets, elle résiste à une température de 134 °C, après acquisition du logiciel dédié, elle coûte 6 euros l'unité, le lecteur de données 400 euros, à l'heure actuelle (taille du marché), mais essor majeur prévisible de cette technologie.