Le sevrage ventilatoire en réanimation - Objectif Soins & Management n° 179 du 01/10/2009 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 179 du 01/10/2009

 

Point sur

La ventilation mécanique relève d'une assistance technique indispensable en réanimation. Si les complications restent fréquentes, la pneumopathie nosocomiale acquise sous ventilation mécanique (PNAVM) est de loin la plus importante, en termes de risques pour le patient et en termes économiques. Le sevrage ventilatoire est une étape primordiale à travers laquelle les infirmères occupent une place prépondérante.

La ventilation mécanique est la première suppléance dont bénéficient les malades de réanimation. Cette assistance technique indispensable s'accompagne néanmoins de complications fréquentes dont la plus importante reste la pneumopathie nosocomiale acquise sous ventilation mécanique (PNAVM). Il en résulte une durée de séjour prolongée, et un surcoût pour la société ; une aggravation de la morbidité et une surmortalité pouvant dépasser les 50 % pour les patients.

La fréquence des complications, et notamment de la PNAVM, est proportionnelle à la durée de la ventilation mécanique. Dès lors, l'objectif de soins en termes de qualité et de sécurité pour le patient impose de réduire la durée de l'assistance ventilatoire.

La mise en oeuvre d'un protocole de sevrage ventilatoire prend ainsi tout son sens. L'infirmière (IDE), par sa proximité avec le patient, joue un rôle fondamental dans le processus du sevrage. Elle peut apprécier rapidement l'état clinique du patient et relever la présence des pré-requis, préalables indispensables au début du sevrage ventilatoire.

LES PRÉ-REQUIS

La recherche des critères de sevrabilité constitue la première étape du protocole. Ces pré-requis sont facilement identifiables par l'IDE :

→ fraction inspirée d'oxygène (FiO2) inférieure à 50 %, et saturation > 92 % ;

→ pression positive de fin d'expiration (PEEP) en dessous de 5 cm H2O ;

→ pathologie initiale en phase d'amélioration ;

→ hémodynamique stable (TA et FC) avec amines sevrées ;

→ patient conscient, sans sédation ;

→ effort de toux efficace ;

→ absence d'encombrement bronchique.

Leur évaluation doit être précoce, quotidienne et systématique dans la prise en charge.

L'ÉPREUVE DE VENTILATION SPONTANÉE

La présence des pré-requis autorise une épreuve de déventilation. Elle doit durer entre 30 minutes et 2 heures. L'IDE organise cette épreuve au moment le plus opportun pour le malade et après lui avoir expliqué le processus. Elle peut s'organiser selon deux méthodes équivalentes.

Sur tube en T avec humidificateur...

.. c.'est-à-dire avec séparation du ventilateur. Au préalable, l'IDE doit réaliser une aspiration des sécrétions buccales et nasales, et dégonfler le ballonnet tout en aspirant les sécrétions trachéales. Elle sépare ensuite le malade du ventilateur en le branchant au tube en T à la même FiO2.

Avec une faible aide inspiratoire...

...8 cm H2O équivalents à la résistance du circuit de ventilation, sans débrancher le malade du ventilateur.

Indispensable IDE

La présence de l'IDE auprès du malade est cruciale durant l'épreuve de sevrage afin de détecter, le plus tôt possible, tout signe de mauvaise tolérance clinique (cf. figure ci-contre). L'épreuve prend fin dès que ceux-ci sont constatés. L'IDE devra rester à l'affût de nouvelles opportunités, l'objectif de sevrage ventilatoire demeurant un point prioritaire dans les soins au patient ventilé.

LE SUCCÈS

En cas de succès de l'épreuve, après une durée maximale de 2 heures, le médecin prescrit une extubation. Néanmoins, celle-ci ne signifie nullement un succès établi et la fin de l'épreuve pour le patient. Il doit dès lors compenser tout le travail du respirateur et ces efforts peuvent être lourds à assumer pour son organisme. Un état cardiaque précaire, une dénutrition, une insuffisance respiratoire sous jacente, et bien d'autres comorbidités, peuvent rendre cette période difficile. Ainsi, le succès du sevrage n'est jugé qu'à la fin de la 48e heure post-extubation. Toute réintubation durant cette période constitue un échec du sevrage ventilatoire.

LE SEVRAGE DIFFICILE

Si, dans la majorité des cas, le sevrage ventilatoire est réussi dès la première tentative, près de 15 % des patients nécessiteront une réintubation. Il arrive même que plusieurs tentatives de sevrage échouent. Ces sevrages difficiles et longs sont souvent liés à des facteurs physiologiques ou pathologiques présents avant l'extubation. Ainsi, le sevrage n'est réussi que dans 40 % à 50 % des cas chez des patients neurologiques ou atteints de broncho-pneumopathie chronique obstructive. Une dysfonction ventriculaire gauche, une dénutrition, des troubles de la déglutition, des secrétions bronchiques abondantes, une encéphalopathie, une hypoxémie, un oedème laryngé et un état psychologique altéré sont des facteurs certains d'échec de sevrage. L'équipe soignante, et particulièrement l'IDE, se doit de repérer toutes ces difficultés, et d'y remédier, afin de limiter les risques d'échec. Avec l'accord du médecin, l'absence de certains pré-requis peut alors être tolérée. Ainsi est-il accepté de réaliser un sevrage ventilatoire chez des patients sous amines vasopressives afin de lui permettre la tolérance cardiaque des efforts supplémentaires induits par cette épreuve. Dans tous les cas, le sevrage ne doit pas être retardé mais effectué avec une surveillance accrue. D'autant plus que des solutions thérapeutiques intermédiaires existent. Un relais par ventilation non invasive peut être proposé. À l'extrême, le patient peut être transféré dans une unité spécialisée en sevrage ventilatoire long.

CONCLUSION

Le sevrage ventilatoire doit être une préoccupation quotidienne et collective des équipes de réanimation afin de réduire la durée de la ventilation et ainsi ses complications. L'IDE, de par sa proximité avec le patient et son expertise clinique, est à même de prendre une place prépondérante dans ce processus. Un algorithme, comme celui présenté figure ci-contre, en facilite le déroulement.

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