Nouveau métier, coordonnateur de pôle | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 181 du 01/12/2009

 

PHILIPPE LAHORE

Parcours

Coordonnateur paramédical du pôle des maladies du système nerveux de la Pitié-Salpêtrière, Philippe Lahore est toujours un cadre passionné par le challenge. Mais il déplore l'absence de reconnaissance institutionnelle de ce nouveau métier, pivot de la nouvelle organisation hospitalière.

Heureux de faire partie des pionniers dans la fonction de coordonnateur de pôle, Philippe Lahore ne sait pas encore s'il se représentera dans quelques mois sur le poste. « C'est une fonction passionnante et très intéressante, mais aussi ingrate, difficile et épuisante, confie-t-il. Par rapport à mes précédents postes de cadre supérieur, ma charge de travail a été multipliée par dix. »

Le rôle d'un directeur de soins de proximité

Coordonnateur paramédical de l'immense pôle MSN (maladies du système nerveux) depuis juin 2006, lequel compte plus de 400 lits et 930 professionnels de santé, ce cadre supérieur a été nommé sur ce poste pour une durée de quatre ans. « Je regrette fortement que la fonction ne soit pas reconnue par l'institution. Il faudrait l'asseoir définitivement et réfléchir à moyen terme à une réelle valorisation », ajoute-t-il.

Pour Philippe Lahore, le coordonnateur de pôle occupe une véritable fonction de directeur des soins de proximité. Sans autorité hiérarchique sur les cadres supérieurs, sa mission consiste à coordonner les activités paramédicales au sein du pôle. C'est un travail aussi bien de management, d'écoute, d'organisation que de maîtrise et connaissance des dossiers en matière de ressources humaines, d'activité, d'équipements ou d'investissements... « Comme tous mes collègues coordonnateurs de pôle, j'ai acquis énormément de nouvelles compétences. Je me suis vraiment formé à une nouveau métier », continue-t-il. Philippe Lahore estime qu'être coordonnateur de pôle est un aboutissement de carrière. Il faut selon lui être passé par les fonctions de cadre de santé et de cadre supérieur pour exercer de telles missions transversales au coeur de la nouvelle organisation hospitalière. « Même si je souhaite continuer à mettre les compétences que j'ai acquises à la disposition de l'institution, rien n'a été prévu en ce sens, note-t-il encore. Le dernier rapport de la mission de Chantal de Singly sur les cadres hospitaliers a quasiment oublié d'évoquer la reconnaissance des coordonnateurs de pôle. » Il pose la question de l'avenir des coordonnateurs paramédicaux, lesquels auront certainement beaucoup de mal à revenir sur des postes de cadre supérieur après avoir eu tant de responsabilités.

Un manager convaincu

En dépit de la lourdeur de sa tâche quotidienne, Philippe Lahore est un soignant convaincu du bien-fondé de la nouvelle organisation en pôles. « Le pôle a entraîné un décloisonnement aussi bien au niveau paramédical que médical, et ce, dans l'intérêt du patient, explique-t-il. Aujourd'hui, les cadres du pôle se rencontrent, réfléchissent et mènent des projets ensemble. Nous ne sommes plus enfermés comme auparavant dans nos services, ce qui était préjudiciable à la mise en place d'un parcours patient de qualité. » Le pôle, qui regroupe une dizaine de services MCO (médecine, chirurgie, obstétrique) et hors MCO, a permis un rapprochement bénéfique des paramédicaux et des médecins, chacun prenant conscience des problématiques des uns et des autres pour faire avancer la structure.

Outre la réunion hebdomadaire du bureau exécutif du pôle, se réunit tous les quinze jours un comité de soins composé de cadres paramédicaux du pôle occupant des fonctions transversales. Tous les cadres de santé, soit environ une trentaine de professionnels sur le pôle, se retrouvent au moins une fois par mois. Trois groupes de travail, animés par des cadres supérieurs du pôle, ont été institués, l'un sur le recrutement, l'autre sur la formation et enfin un dernier groupe sur la communication. « Je coordonne toutes ces réunions nécessaires au fonctionnement de la structure », précise Philippe Lahore. Qui plus est, c'est sur le coordonnateur paramédical du pôle que repose une mise en relation fructueuse entre le corps médical et paramédical. « Je travaille d'une part en étroite collaboration avec le coordinateur médical, d'autre part je participe toutes les semaines à la réunion des chefs de services », ajoute-t-il. Enfin, le coordonnateur paramédical est l'interlocuteur privilégié du contrôleur de gestion pour le suivi de l'activité.

Philippe Lahore est aussi en lien direct avec l'ensemble des directions fonctionnelles de l'établissement même s'il reste sous l'autorité hiérarchique de la directrice des soins du groupe hospitalier. « L'objectif est de garantir la déclinaison du projet de soins institutionnel au sein du pôle. Nous n'avons pas créé un petit hôpital au sein de l'établissement », indique-t-il.

Être reconnu par ses pairs

Si Philippe Lahore occupe aujourd'hui ce poste à haut niveau de responsabilités, c'est avant tout parce qu'il a su convaincre les autres cadres supérieurs de son projet d'organisation paramédicale de fonctionnement du pôle. « Ce sont les cadres supérieurs du pôle qui m'ont choisi pour être candidat sur le poste. Une fois coopté par mes pairs, ce qui me semble capital pour la fonction, je suis passé devant le jury de sélection constitué des directeurs de l'établissement », détaille-t-il. Ses collègues ont visiblement donné leur confiance à ce cinquantenaire dynamique qui ne compte plus ses heures à l'hôpital.

Infirmier presque par hasard, Philippe Lahore fait partie de ceux qui se sont découvert une vocation soignante en se frottant à l'univers hospitalier. « Je suis monté à Paris et j'ai fait un remplacement dans un hôpital. Mes parents souhaitaient que je fasse des études de commerces, ce qui ne m'intéressait pas du tout. Je suis alors rentré à l'Ifsi », se souvient-il. Diplômé à 20 ans en 1975, Philippe Lahore choisit de travailler en réanimation au centre hospitalier Henri-Mondor de Créteil. Après avoir passé son diplôme d'infirmier en anesthésie en 1980, il a travaillé au sein de plusieurs services d'Henri-Mondor. « Je changeais de secteur tous les deux ans. En 1994, après vingt ans comme infirmier, j'ai décidé de passer l'école des cadres. Je crois que j'avais fait le tour de l'anesthésie », assure-t-il aujourd'hui.

Son diplôme de cadre en poche, Philippe Lahore a expérimenté sa fonction dans d'autres hôpitaux de l'AP-HP : cadre aux urgences à l'hôpital Rothschild, formateur à l'école des IADE, puis cadre en anesthésie à l'Hôtel-Dieu pendant quatre années, ou il propose « les mardi de l'Hôtel Dieu » pour les IADE.

En 1998, il se décide à passer une maîtrise de gestion de l'université Paris-Dauphine dans le cadre d'une formation en alternance. Titulaire de ce diplôme universitaire, il est nommé en septembre 2000 sur un poste de cadre supérieur en neurologie au groupe Pitié-Salpêtrière. Il propose dès son arrivée l'organisation de journées d'enseignement paramédical «post-universitaire» pour les soignants, une formation qui rassemble chaque année plus de 200 professionnels exerçant dans le champ de la neurologie.

Conscient de l'importance des outils de communication, que ce soit pour fédérer les soignants du pôle ou encore pour faire connaître leur travail, il s'investit très vite dans une stratégie de communication : site Internet () alimenté par les écrits des cadres, petits films vidéo diffusés sur Daily motion, commande d'un documentaire sur le travail des soignants dans le pôle (Entre technique et Humanité)... Philippe Lahore le dit lui-même : il fait partie d'une génération de bâtisseurs. Et c'est dans l'enthousiasme et souvent la fatigue, avec ses moments de doutes, que se construisent parfois les édifices les plus solides.