Objectif Soins n° 182 du 01/01/2010

 

Qualité, hygiène et gestion des risques

VIGILANCE → Si la pandémie de grippe A/H1N1 a enfoncé un clou, c'est bien dans le domaine de l'hygiène des mains. Les soignants, déjà bien sensibilisés à l'importance du geste, ont plus que jamais reproduit ce réflexe et adhéré en masse au registre de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), faisant de la France le premier contributeur de cette simple conduite d'hygiène.

L'importance de l'hygiène des mains est une découverte qui date de plus de 150 ans avec Louis Pasteur et Philipp Semmelweis. Mais ce n'est que très récemment, en décembre 2001, que le Comité technique des infections nosocomiales (CTIN) a émis un avis spécifique mettant l'accent sur la place indispensable de l'hygiène des mains, notamment par friction avec une solution hydro-alcoolique.

UN ENGAGEMENT CONTINU

Neuf ans plus tard, l'appel a été entendu, même si, d'après la Société française d'hygiène hospitalière (SFHH), la mobilisation ne dépasse pas les 70 %. Pourtant, de nombreux progrès ont été réalisés, puisque début décembre 2009, lors de la présentation du tableau de bord 2008 des infections nosocomiales, la ministre de la Santé Roselyne Bachelot s'est félicitée d'une « mobilisation réelle des établissements de santé ».

Depuis mai 2008, d'ailleurs, un nouvel événement a été institué dans chacun d'entre eux pour promouvoir davantage le geste avec la mise en place de la Journée nationale «mission mains propres». La première édition avait mobilisé en 2008 presque 60 % des établissements de soins (1 651 exactement) et près de 150 000 professionnels et usagers. En 2009, l'opération a été renouvelée avec la signature, par la ministre de la Santé, d'une charte de l'engagement de la France pour la maîtrise des infections associées aux soins dans le cadre du programme Sécurité des patients - un défi mondial de l'OMS. Un geste symbolique qui montrait l'engagement de la France dans le respect des règles d'hygiène des mains et qui, semble-t-il, a bien été entendu dans les hôpitaux, cliniques ou encore Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) français.

LA FRANCE AU TOP DE LA SENSIBILISATION

Au 21 décembre 2009, 1 744 établissements étaient inscrits dans le registre de l'OMS, faisant de la France le premier contributeur mondial à la démarche. Dans le pays de Pasteur, on n'en attendait pas moins ! Le nombre de participants à la «mission mains propres» organisée le 5 mai 2009 (et qui sera désormais reconduite chaque année à la même date, proclamée Journée nationale de l'hygiène des mains) est d'ailleurs en progression. Les Centres de coordination de lutte contre les infections nosocomiales (Cclin) ont annoncé une mobilisation de 97,5 % des établissements de santé (1 565 sur les 1 605 interrogés) contre 96,7 % en 2008 et 195 161 participants (usagers compris) en 2009 contre 139 449 en 2008. Les progrès dans l'observance du geste ne sont pas étrangers à l'arrivée, depuis quelques années, des produits hydro-alcooliques (PHA), précise le Dr Joseph Hajjar, en préface des nouvelles recommandations pour l'hygiène des mains éditées par la SFHH, dont il est le président : « Ce constat est à la base des campagnes de promotion et d'éducation d'autant plus efficaces sur l'observance qu'elles sont concomitantes de l'introduction d'un PHA. L'évolution des techniques d'hygiène des mains joue un rôle déterminant dans l'obtention de cette amélioration grâce à l'utilisation des PHA, plus efficaces et mieux tolérés que les savons antiseptiques, plus simples d'utilisation et plus accessibles (au lit, en flacon individuel...). »

RECOMMANDATIONS ACTUALISÉES

La SFHH a remis au goût du jour ses recommandations pour l'hygiène des mains en juin 2009. On y trouve, entre autres, les normes auxquelles doivent satisfaire les solutions hydro-alcooliques (SHA) utilisées en établissements de santé et l'activité à laquelle ils doivent répondre (bactéricide, virucide, lévuricide, sporicide, etc.) car certaines activités ne sont pas compatibles avec l'usage de SHA en routine. Par exemple, pour une activité sporicide, il faut compter un quart d'heure (voire une heure parfois) de contact avec la solution, ce qui n'est pas compatible avec un usage au lit du patient. Dans ce cas, on préfère en revenir à l'usage d'une solution détergente plus conventionnelle.

Le guide fait également une large place aux différentes techniques d'hygiène des mains. Il distingue le lavage simple, le lavage hygiénique et le traitement hygiénique des mains par friction. Il est également rappelé que différentes études comparant l'efficacité du lavage des mains et du traitement par frictions en situation de soins montrent que les mains restent contaminées par une flore transitoire après lavage des mains au savon doux, mais pas dans le cas d'un traitement par une solution hydro-alcoolique. La suprématie dans ce domaine reste donc bien le traitement hygiénique des mains par friction, geste privilégié en établissements de santé depuis quelques années.

MESURES ACCESSOIRES ET TOLÉRANCE

Certaines mesures accessoires sont également mises en avant, notamment la proscription des bagues, montres et faux ongles. Concernant les blouses, aucune étude n'a été menée sur l'intérêt de porter des manches courtes, mais de nombreuses recommandations vont dans ce sens, soupçonnant les manches longues d'être les vecteurs de certains germes. Concernant la friction, la SFHH rappelle les différents moments, autour du lit du patient, où le geste doit être effectué et sa durée (20 secondes au moins selon le type de PHA utilisé). Les recommandations de la SFHH concernent également le lavage et la désinfection chirurgicale par friction : là aussi la friction doit être privilégiée. Le guide actualisé en juin 2009 prend également en compte certains progrès réalisés en matière de tolérance cutanée. Les SHA ayant parfois été accusées par les utilisateurs d'être agressifs pour la peau, de nombreuses améliorations ont été réalisées par les fabricants. La SFHH rappelle néanmoins que l'intérêt de l'utilisation de crèmes protectrices n'a pas formellement été démontrée, soulignant que certaines crèmes diminuent l'efficacité des SHA. La société d'hygiène invite donc les soignants préoccupés par cette question à consulter le site Prodhybase (voir adresse dans l'encadré ci-contre). Enfin, la SFHH met à disposition un argumentaire (en annexe du guide) pour la communication autour de la thématique «hygiène des mains», publications scientifiques à l'appui.

UN OBJECTIF MONDIAL FIXÉ À 10 000 ÉTABLISSEMENTS

De son côté, l'OMS a également mis en place sur son site Internet un ensemble d'outils pour l'hygiène des mains : outre la charte signée par Roselyne Bachelot en mai dernier, on y trouve différents guides sur l'observance de l'hygiène des mains, les techniques et produits à privilégier (en langue anglaise) et notamment le guide pour l'hygiène des mains (très complet). On peut également consulter la liste des pays signataires (par continent) de l'engagement pour l'hygiène des mains (Save lifes : clean your hands).

Si, comme on l'annonçait en début d'article, la France est première loin devant les États-Unis (qui comptent 1 383 inscrits), certains pays sont relativement bien sensibilisés à la thématique de l'hygiène des mains, comme la Thaïlande qui figure troisième de classement virtuel avec 371 établissements signataires. En Europe, certains pays surprennent par leur faible mobilisation. L'Espagne compte après la France le plus d'établissements inscrits dans cet engagement (avec 246 établissements) et le Royaume-Uni ne dénombre que 189 inscrits. Reste que cette inscription a débuté en mai 2009 : elle compte actuellement 5 860 signataires.

L'Organisation mondiale de la santé table sur un objectif de 10 000 établissements de santé, dans le monde, sensibilisés à cette action d'ici la prochaine Journée mondiale de l'hygiène des mains en mai 2010. Il ne reste que quatre mois pour venir gonfler les effectifs français déjà bien pourvus ! Le challenge est plus que jamais d'actualité !

L'ICSHA, un indicateur en progrès

Entre 2005 et 2008, 75 % des établissements de santé ont doublé leur consommation annuelle en volume de solutions hydro-alcooliques (SHA). L'objectif national a été fixé à 20 litres pour 1 000 journées d'hospitalisation, soit à l'équivalent de 7 frictions en moyenne, par patient et par jour (un chiffre qui peut s'élever, selon la SFHH, à 48 frictions par jour par patient en réanimation). Un objectif pondéré selon l'activité de l'établissement et qui a permis de dresser une carte de consommation des SHA, le fameux ICSHA ou indicateur de consommation des SHA, qui appartient à l'éventail d'indicateurs du tableau de bord des infections nosocomiales. En 2005, seuls 5,7 % des établissements étaient en classe A ou B ; ils étaient 43,6 % en 2008, les CHRCHU et les centres de lutte contre le cancer faisant figure de bons élèves dans ce classement avec plus de 60 % des effectifs en classe A. Mais de larges progrès sont toujours possibles : plus de 50 % des établissements se trouvent encore en catégorie C, D ou E, certains même (0,7 % de l'ensemble des centres de soins) ne répondant pas à l'enquête dans ce domaine.

Quelques bonnes adresses

→ La mission mains propres du ministère de la Santé :

→ Le site de l'OMS Save lives, clean your hands :

→ Le guide de l'OMS sur l'hygiène des mains, version actualisée en août 2009, version anglaise :

→ Un site sur l'hygiène des mains mis en place par l'Interclin du briançonnais :

→ Prodhybase, la base de données sur les produits d'hygiène :

→ Les centres de coordination de lutte contre les infections nosocomiales (Cclin) :

→ Le Groupe d'évaluation des pratiques en hygiène hospitalière :

→ Le réseau d'alerte, d'investigation et de surveillance (Raisin, hébergé par l'InVS) :

→ Le site de la SFHH où les recommandations sont téléchargeables (dans la section «publications - recommandations») :

→ La Haute Autorité de santé (HAS) :