La consultation infirmière d'annonce, un outil de qualité - Objectif Soins & Management n° 183 du 01/02/2010 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 183 du 01/02/2010

 

Point sur

La Ligue contre le Cancer a permis d'améliorer la prise en charge des patients au sein des établissements de santé. Depuis quelques années, au même titre que la Ligue, les soignants en urologie se questionnaient sur la qualité de la prise en charge de ces patients et souhaitaient s'impliquer davantage dans ce processus. Ce projet de consultation est né en 2005.

Le cadre de santé d'urologie réalisait des consultations thérapeutiques officieuses. C'est à cette période que le chef de service a souhaité qu'une consultation infirmière ouvre en urologie. Il n'a pas été difficile de motiver cette équipe bien rodée à l'éducation thérapeutique depuis vingt ans. Le projet fût «semé» par le cadre supérieur lors de différents entretiens avec l'équipe. Ce service compte 32 lits d'hospitalisation, dont 7 lits de chirurgie hautement spécialisée, 1 lit d'hôpital de jour et une consultation d'urologie et de néphrologie sur un autre bâtiment, ce qui a permis de libérer un local pour la consultation infirmière. Toutes les pathologies urologiques sont prises en charge, le cancer de la prostate et de la vessie, mais aussi le cancer des reins. Tous sont retenus pour leur prise en charge éducative.

UNE DÉMARCHE DYNAMIQUE

Le prêt d'un DVD(1) a permis d'informer et de démontrer aux soignants l'expérience réalisée à Marseille ainsi que la faisabilité d'une ouverture d'une consultation infirmière d'annonce. Le passage de cette vidéo, émouvante et fidèle à la prise en charge des patients atteints d'un cancer, comme dans notre service, a déclenché une dynamique d'engagement pour ce projet. L'équipe, émue par ce reportage, adhérait définitivement au projet. Il a fallu un an pour travailler sur le contenu de la consultation et la traçabilité dans le dossier de soins du patient. Un groupe formé de cinq infirmières a recensé l'éducation thérapeutique réalisée dans le service et comment elle allait être transposée au sein d'une consultation.

Cette démarche participative a permis cette réalisation. Seuls les cancers ayant besoin d'une chirurgie avec des soins infirmiers importants furent retenus dans nos profils de patients (cancer de la prostate, de la vessie, du rein). Plusieurs réunions ont levé les craintes des infirmières de ne pas savoir répondre aux questions de patients en consultation. Elles ont conclu que les questions seraient identiques à celles posées pendant l'hospitalisation. Elles ont conclu que leur maturité professionnelle serait à la hauteur de ce problème.

Le choix des infirmières d'annonce relève de la responsabilité de l'encadrement : il est essentiel à ce projet. Il s'est porté sur des professionnelles ayant au moins cinq années d'expérience dans le service. En réalité, toutes les infirmières retenues totalisaient dix ans d'ancienneté professionnelle au sein du service d'hospitalisation et possédaient une maturité professionnelle remarquable.

Cela met en évidence la maîtrise complète :

→ des pathologies (anatomie et physiologie) ;

→ des complications chirurgicales possibles ;

→ du langage «urologique» ;

→ de l'interprétation des attitudes gestuelles des patients lors de soins intimes (attitudes, silence au cours des pansements) ;

→ de l'éducation du patient sur le matériel (stomies, sondes) et sur les problèmes liés à la sexualité.

Notre consultation infirmière a ouvert le 8 janvier 2007, au rythme d'une demi-journée par semaine.

Parallèlement à ce projet, la Ligue contre le Cancer communiquait son Dispositif d'annonce ainsi que la mesure 40. Notre consultation s'impliquait à part entière dans ce dispositif légiféré par la circulaire DHOS/SDO/2005/101 du 22 février 2005. C'est bien ce que nous avait demandé notre chef de service. La mesure 40 a permis un cadrage de cette consultation. C'est pourquoi les infirmières d'annonce ont toutes les cinq été formées à ce dispositif par l'AP-HP. Cette formation a levé tous les doutes qui subsistaient auprès de l'équipe. Notre chef de service travaillait en parallèle à l'ouverture d'un Espace de rencontre et d'information (ERI) avec la direction de la qualité. Cet ERI se trouve dans le hall de l'hôpital et participe ainsi à l'information des patients sur tous les secteurs. D'autres services de l'hôpital ont travaillé également à l'ouverture de consultations infirmières d'annonce.

LE DISPOSITIF D'ANNONCE

Selon la Ligue, le Dispositif d'annonce est une mesure du Plan Cancer mise en place lors des premiers États généraux des malades atteints de cancer en 1998 et 2000, qui fait bénéficier les patients de meilleures conditions d'annonce du diagnostic de cancer. Il permet un temps médical d'annonce et de proposition thérapeutique. Il permet également un temps soignant de soutien et d'informations. Cette prise en charge s'étend entre les médecins de ville et les hôpitaux publics et privés. L'annonce du diagnostic respecte la volonté du patient d'être informé, sa compréhension de sa maladie et sa capacité à devenir acteur de son projet thérapeutique.

Quatre temps sont identifiés dans le dispositif d'annonce :

→ un temps médical qui correspond à une ou plusieurs consultations médicales dédiées à l'annonce du diagnostic de cancer, puis le traitement envisagé en Réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP). Le projet thérapeutique est présenté au patient par son médecin ;

→ un temps soignant qui permet au patient et sa famille d'être accompagnés par une infirmière, d'être écoutés et informés. Ce temps est un élément de qualité essentiel qu'il est recommandé de structurer. Notre consultation infirmière s'inscrit dans cette démarche ;

→ un accès à une équipe impliquée (assistante sociale, psychologue, kinésithérapeute, bénévoles de la Ligue) ;

→ l'articulation avec la médecine de ville (comptes rendus envoyés par les secrétariats).

LA CONSULTATION INFIRMIÈRE

En urologie, la consultation infirmière intervient après la troisième consultation médicale : l'annonce est faite. Une infirmière assiste à cette consultation médicale la plupart du temps, lorsque cela est possible. En 2007, seul le chef de service guidait des patients vers la consultation infirmière. Face à l'importance de la consultation infirmière, il a fallu construire un document de liaison entre le chirurgien et l'infirmière(2).

Le chef de service a proposé sa grille, qui, travaillée par l'équipe, est devenue officielle. Cette consultation médicale a lieu en présence du conjoint ou de la famille. Au sein de la consultation sont présents le même jour une psychologue et un bénévole de la Ligue. Cela permet des orientations immédiates.

La consultation infirmière est planifiée sur rendez-vous le même jour que la consultation médicale. Notre objectif reste d'optimiser la prise en charge de patient après l'annonce du diagnostic par le chirurgien, dans le cadre du dispositif d'annonce prévu par la Ligue.

Un guide d'entretien(3) a dû être réalisé pour permettre aux différentes infirmières de suivre le même plan. Ce document professionnel permet de garder une trace de cet entretien et permet aux infirmières d'annonce d'ouvrir également le dossier de soins infirmiers avant l'hospitalisation. La consultation infirmière suit quatre étapes :

Temps 1 : écoute et évaluation de la compréhension du patient sur le diagnostic de sa maladie. Le mot «cancer» doit être prononcé par le patient. À ce stade, il y a la possibilité d'arrêter la consultation infirmière et de réorienter le patient vers son chirurgien pour des compléments d'informations médicales. Si le patient se met en situation de «déni» complet, il y a arrêt des informations complémentaires (des tableaux sont réalisés par l'infirmière pour l'aider à déterminer le niveau de connaissance du patient et son comportement. Il faut déterminer s'il sera acteur de ses soins en post-opératoire).

Temps 2 : dialogue et mise en confiance du patient. Le comportement du patient est évalué en début et en fin d'entretien (il le sera également en hospitalisation sur cette même grille). Le patient exprime ses craintes. L'infirmière peut alors donner des informations rassurantes(4).

Temps 3 : lié aux informations pré- et post-opératoires. L'infirmière présente des matériels et des documents au patient en lien avec son traitement chirurgical(5). Elle suit une liste d'informations essentielles à donner pour préparer l'arrivée en hospitalisation et son déroulement.

Temps 4 : des documents infirmiers sont à remplir et figurent dans le dossier de soins infirmiers. Ils sont confidentiels. Ces documents ont été modifiés trois fois au fur et à mesure des évaluations de satisfaction des infirmières.

BILAN ANNUEL D'ACTIVITÉ

Trois infirmières se relaient tous les jeudis matin pour assurer les consultations d'annonce, sauf en période estivale. Quatre-vingt patients ont bénéficié d'une consultation infirmière d'annonce en 2007, données fournies par un logiciel de rendez-vous. La traçabilité des entretiens reste dans le dossier patient. Deux évaluations ont été réalisées, une à un mois de l'ouverture et l'autre avec un recul de dix mois ; quarante-cinq questionnaires ont été envoyés au domicile des patients ; vingt-trois patients ont répondu par courrier à ces questionnaires. Tous ont souligné l'importance que cette consultation a eu sur le déroulement de leur hospitalisation et des soins postopératoires ; la satisfaction qu'ils en ont eu, avec une vraie diminution de leur stress. Ils ont eu « des réponses à leurs questions ». Ces évaluations ont permis de faire évoluer nos documents d'entretiens infirmiers. Une enquête est réalisée également en 2008 auprès des infirmières d'urologie, en hospitalisation, pour mesurer l'impact de cette consultation infirmière sur le service. En 2008, nous observons au cours du premier semestre une augmentation de 50 % des consultations infirmières. D'autres chirurgiens guident leurs patients vers une consultation infirmière. Ils apprécient cette prise en charge supplémentaire, devenue un enjeu de qualité.

L'activité a continué en 2009, marquée toutefois par le départ de deux chirurgiens. Cette activité s'est maintenue avec quatre-vingt huit patients vus au 1er octobre 2009. Nous obtenons une activité de 116 patients vus en 2009.

Nous remettrons dès 2010 un programme personnalisé de soins à chaque patient en post-opératoire. Elle comprendra :

→ les ordonnances de sorties ;

→ les rendez-vous en consultation avec le chirurgien ;

→ les rendez-vous en consultation pour les pansements ;

→ les bilans sanguins ;

→ le compte rendu opératoire.

Nous avons démontré la possibilité d'ouvrir une consultation infirmière d'annonce, mais aussi l'importance dans le choix des professionnels pour que cette consultation soit pérenne ; avec une mobilisation d'équipe et une démarche participative d'individus ayant une bonne maturité professionnelle. L'équipe a trouvé une reconnaissance supplémentaire, de leurs collègues, des patients, de l'encadrement médical et paramédical.

NOTES → (1) Atelier de Travail «À Vivre Ouvert», l'annonce «dans tous ses états», Centre François Baclesse en 2005 ; laboratoire Sanofi aventis. - (2) Fiche de consultation d'annonce diagnostic. - (3) Fiche de consultation infirmière (3 pages) : Trace l'entretien dans le dossier de soins infirmiers. - (4) Voir tableau sur la fiche d'entretien. - (5) Un tableau listant ces informations est réalisé dans le guide d'entretien.

Références :

Le Dispositif d'annonce de la Ligue contre le Cancer, dont la mesure 40 et la circulaire DHOS/SDO/2005/101 du 22/02/2005.

Le Décret 2002-194 du 11/02/2002 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'infirmier.