Coordonnateur général des soins au centre hospitalier Montperrin d’Aix-en-Provence, Claude Lescouet est aussi secrétaire national de la section directeurs des soins du Syncass-CFDT. Portrait d’un directeur des soins pour lequel l’engagement syndical rime avec valeurs soignantes.
Les réunions se succèdent au ministère sur le dossier des directeurs des soins, et Claude Lescouet aurait presque pu faire du TGV Paris-Aix l’un de ses bureaux de travail. Jonglant entre ses fonctions de coordonnateur général des soins et celles de porte-parole pour son syndicat, il se rend très souvent dans la capitale pour défendre la fonction de directeur des soins.
La loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) a notamment accéléré le toilettage du décret statutaire des directeurs des soins ainsi que l’actualisation du référentiel métier. Des premières propositions ont été faites aux partenaires sociaux fin 2009 mais le ministère a dû revoir sa copie devant la levée de boucliers face au texte proposé.
En novembre dernier, une manifestation conjointe des directeurs d’hôpitaux et de directeurs des soins a réuni près de deux-cents personnes contre les décrets d’application de la loi HPST. « La grande erreur de la loi HPST, dans son volet hôpital, est d’avoir oublié les soignants », estime Claude Lescouet. Les discussions en cours avec les organisations syndicales ne sont pas terminées, mais certains craignent que les directeurs des soins puissent perdre leur autorité hiérarchique sur les cadres de santé. « Il ne s’agit pas de défendre la seule catégorie des directeurs des soins mais de défendre la place de tous les soignants dans l’hôpital », précise-t-il. Avec la redéfinition des autorités hiérarchiques et fonctionnelles sur les agents soignants des pôles, la loi HPST risque de rendre difficile la fonction de direction des directeurs des soins. « La fonction de directeur des soins n’est pas assurée par la seule place au directoire, qui est un lieu de consultation et de débat. Les directeurs des soins ne sont pas des conseillers du directeur ou des experts en soins, mais assurent une fonction de direction, en établissement comme en institut », continue Claude Lescouet.
Claude Lescouet affectionne particulièrement deux valeurs en tant que soignant : la solidarité et l’importance du collectif. Ces valeurs accompagnent son engagement syndical. « Le collectif fait toute la richesse de la réflexion. Le syndicat auquel j’appartiens entend participer aux évolutions sociales, c’est aussi une force de proposition », considère-t-il. Il est de ceux qui aiment interroger leurs certitudes, réfléchir avec les autres. « Je me suis toujours intéressé à l’organisation sanitaire dans ce pays, à l’hôpital, à son environnement », ajoute-t-il.
Outre ses activités au Syncass-CFDT, le directeur des soins est depuis 2005 l’un des correspondants de la Mission nationale d’appui en santé mentale (MNASM). À ce titre, il intervient parfois, en équipe pluriprofessionnelle, dans certains établissements à la demande des autorités de santé pour des actions d’appui et de médiation. Il assure environ une mission tous les deux ans, mission qui peut lui demander plusieurs jours de visite du site. « La MNASM a cette particularité de réinterroger sans tabou nos pratiques. Nous n’intervenons pas dans les établissements pour apporter la bonne parole, mais pour réfléchir collectivement à des organisations plus efficientes. C’est vraiment une dimension dans laquelle je me retrouve », explique le directeur des soins.
Claude Lescouet a fait toute sa carrière en psychiatrie. C’est à l’âge de 20 ans que ce natif des Ardennes intègre l’école d’infirmier de secteur psychiatrique du centre hospitalier Bélair de Charleville-Mézières. « Je n’ai jamais imaginé faire autre chose qu’un métier autour de l’aide, l’accompagnement, le soutien de l’autre », se souvient-il.
Diplômé en 1979, il exerce son métier d’infirmier de secteur psychiatrique pendant quinze ans au centre hospitalier Bélair. Il travaille quelques temps en psychiatrie générale puis, par affinité personnelle, il s’oriente très vite vers la psychiatrie de l’enfant. « En psychiatrie, on perd très vite l’illusion que soigner, c’est guérir. Il s’agit également d’accompagner les patients vers un mieux-être, analyse-t-il. Cela dit, au tout début de ma carrière, j’avais encore de grandes interrogations sur l’impact de nos pratiques soignantes en psychiatrie. »
Il estime avoir eu la chance de travailler au début des années 1980 pour un établissement pilote en termes de mise en place de structures alternatives à l’hospitalisation. « Comme d’autres, je pensais que l’intrahospitalier de cette époque n’était pas adapté aux enfants. Cette structure a été fermée et remplacée par un hôpital de jour et un Centre d’accueil thérapeutique à temps partiel (CATTP) », se rappelle-t-il.
Fervent partisan des alternatives à l’hospitalisation, Claude Lescouet souhaite porter et animer les projets. Il participe avec enthousiasme au mouvement de désinstitutionalisation et à la réflexion émergente autour de la santé mentale. Il se décide à passer le certificat cadre infirmier de l’école des cadres de Laxou, certificat qu’il obtient en 1994. Il retourne alors travailler comme cadre de santé pour une durée de quatre ans au centre hospitalier Bélair, toujours en psychiatrie de l’enfant, mais cette fois-ci dans des secteurs différents.
En 1999, il est nommé cadre supérieur de santé dans un secteur de psychiatrie générale du centre hospitalier de Charleville-Mézières. De plus en plus intéressé par l’aspect management et animation des projets, il passe en 2000 le concours d’infirmier général. Après son année de formation à l’École nationale de santé publique (ENSP), en 2001, il est directeur des soins puis coordonnateur général des soins au centre hospitalier Ravenel à Mirecourt dans les Vosges, et participe pendant cinq ans à un projet d’établissement d’une psychiatrie moderne tournée vers les usagers.
En 2006, il rejoint le poste de coordonnateur général des soins du centre hospitalier Montperrin. « La mobilité permet d’acquérir des compétences, elle oblige à se réinterroger, à se repositionner, commente-t-il. Le cœur de notre métier d’encadrement est justement de questionner sans cesse nos organisations. » Il appréhende sa fonction de coordonnateur général des soins comme celle qui accompagne la conduite de changement. « Pour qu’un projet marche, il faut que les professionnels puissent s’y accomplir. Je m’efforce toujours de faire en sorte que les équipes puissent trouver un sens aux projets », souligne-t-il. Là encore, Claude Lescouet entend s’appuyer sur la richesse d’une réflexion partagée entre les uns et les autres.