Objectif Soins n° 185 du 01/04/2010

 

Cahier du management

Régis Le Dûs  

Après trois jours de présence, les chirurgiens américains avaient trouvé un rythme de croisière d’environ vingt actes chirurgicaux par jour. Une “régulation” leur proposait et leur amenait les malades : il ne leur était donc plus nécessaire d’aller “pêcher” ceux qui les intéressaient sous les tentes.

ÉTABLIR DES PRIORITÉS OPÉRATOIRES

Dès la création de cette mission particulière, je suis sorti des zones de soins pour assister le “Régulateur” de Diquini. La tâche était simple sur le papier : passer de secteur en secteur afin d’identifier les priorités opératoires que les médecins “chef de service” attribuaient à leurs patients.

Ainsi la fracture fermée du fémur, immobilisée depuis trois jours sur une porte de placard, était-elle moins urgente que la fracture ouverte du tibia péroné. Par la suite, la négociation se faisait avec les chirurgiens américains du site. Le staff terminé, il fallait récupérer les malades et organiser leurs transports au bloc.

Car avoir le nom d’un patient sur le papier ne suffit pas. L’hôpital de Diquini s’est avéré perméable et certains malades ne vivaient pas sur site : le programme opératoire était donc à refaire.

TRANSFÉRER VERS DES STRUCTURES PLUS ADAPTÉES

Rapidement, les limites chirurgicales de Diquini se sont faites sentir, les traumas faciaux, les paraplégiques ou encore les délabrements de membres devaient bénéficier d’un transfert vers une structure adaptée.

Le directeur des secours médicaux a trouvé quelques places et les transferts de cinquante patients ont été réalisés en six jours vers l’hôpital de campagne français, le navire-hôpital américain ou bien le CHU de Fort-de-France (Martinique).

Là encore, dans ce contexte, faire partir en hélicoptère un enfant de moins de dix ans vers une structure inconnue de sa famille n’est pas une mission facile.

L’outil informatique nous a bien aidés, aussi bien pour gérer ces listes que nous remettions à jour en permanence que pour imprimer le formulaire de consentement bilingue français/créole.

LA TRISTESSE DU DÉPART

Quand il a fallu partir, après dix jours sur place, le sentiment d’avoir aidé ce peuple meurtri était vraiment très intense. Quel plaisir, mais aussi quelle douleur de voir les larmes couler sur le visage des enfants lorsque notre séparation était envisagée !

En ces dix jours de mission, le bilan que nous pouvons en tirer est dix décès à déplorer contre environ cent-vingt chirurgies ou reprises, des cicatrisations de plaies bien avancées et cinquante malades non gérables sur site, bénéficiant d’une prise en charge adaptée.