Le syndrome d’apnées du sommeil (SAS) peut désormais être jugulé grâce à un traitement adapté qui permettra au patient de retrouver une vie plus douce et limitera les risques vasculaires réels que cette affection lui fait encourir… Le Dr Dan Veale, pneumologue spécialiste de cette affection, a coordonné pour Antadir (Association nationale pour les traitements à domicile, les innovations et la recherche) un ouvrage sur le SAS (éditions Bash). Point sur le SAS, un mal qui trouble les nuits.
Le SAS est une curieuse affection décrite depuis l’antiquité mais qui n’a acquis ses lettres de noblesse qu’en 1973 à travers la publication d’un article rédigé par un neurologue français, le Pr Guilleminault, paru dans la fameuse revue Science.
Le SAS se traduit par un ensemble de signes en rapport avec des apnées (arrêts respiratoires) ou des hypopnées (diminutions du flux respiratoire) dont le nombre et la durée sont anormalement élevés. La répétition, au cours de la nuit, de dizaines, voire de centaines de ces manifestations respiratoires (elles sont liées au relâchement des muscles durant le sommeil) a des conséquences à trois niveaux temporels : pendant le sommeil, durant la journée et sur le long terme.
→ Les patients ronflent – presque tous – et l’intensité de leur ronflement est habituellement corrélée à la gravité de leur SAS (le bruit émis est dû à la vibration des tissus de la gorge, en particulier le voile du palais) ;
→ ils se réveillent en sursaut avec un sentiment d’étouffement, tachycardes et en sueurs ;
→ leur sommeil est agité et non réparateur car entrecoupé de micro-éveils dont ils n’ont pas conscience mais qui vont empêcher leurs cycles de sommeil de se faire correctement ;
→ ils ont un besoin répété de se lever pour uriner (nycturie) ;
→ leur lit est sans dessus dessous à leur réveil parce qu’ils se sont beaucoup agités durant leur sommeil.
Les répercussions des troubles du sommeil sont multiples :
→ somnolence en situation monotone, voire accès de somnolence irrépressibles, difficultés d’attention et de concentration, nécessité de lutter pour rester éveillé, le tout induisant des risques d’accidents très élevés ;
→ une sensation d’être aussi fatigué le matin que la veille, un manque de clarté et des difficultés au démarrage de la journée ;
→ une irritabilité, humeur dépressive.
Il faut redouter devant un SAS non traité l’apparition de complications cardiovasculaires ou neuropsychologiques. Les patients ont un risque quatre fois plus élevé d’hypertension artérielle, d’infarctus du myocarde, d’accident vasculaire cérébral, d’occlusion de l’artère ophtalmique et d’arythmie cardiaque nocturne.
Ils peuvent par ailleurs éprouver des difficultés de compréhension et de captation d’information, avoir leur mémoire perturbée et souffrir également de dépression.
Doit-on traiter tout le monde sachant que certaines personnes peuvent souffrir d’un SAS sans en ressentir les symptômes pénibles dans la vie de tous les jours et, qu’à l’inverse, d’autres ont une existence très perturbée alors que leurs apnées sont en nombre limité ? C’est la difficile question qui se pose au médecin.
L’intérêt du traitement, quand il est nécessaire, tient au fait qu’il permet la disparition des symptômes – les ronflements disparaissent, le sommeil est réparateur, le patient retrouve tout son allant – et la réduction des risques de complications. Les traitements sont de longue durée, généralement à vie (sauf dans les cas où un amaigrissement important et durable fait disparaître le SAS).
Le profil typique du patient atteint d’un SAS est l’homme de cinquante ou soixante ans en surpoids ou obèse. Mais toutes les tranches d’âge peuvent être atteintes, quelle que soit la corpulence.
Les plus replets peuvent présenter un syndrome de Pickwick (le nom étant donné au référence à Joe le Gros, un personnage d’un livre de Charles Dickens intitulé Les Papiers posthumes du Pickwick club), le syndrome associant au SAS une obésité majeure (indice de masse corporelle, IMC > 40) et une somnolence diurne marquée.
Chez les plus âgés, la symptomatologie peut s’accompagner d’une dépression, de troubles de la mémoire, de chutes à répétition ou d’une énurésie.
Chez les enfants, les manifestations sont spécifiques : la somnolence est remplacée par de l’hyperactivité, des troubles du comportement et une baisse des résultats scolaires.
Nombreux sont les facteurs de risques qui aggravent le ronflement et favorisent la survenue des hypopnées ou des apnées en diminuant la taille de l’hypopharynx et, par voie de conséquence, le passage de l’air du nez au poumon pendant le sommeil. Ils sont importants à connaître, notamment parce que certains peuvent être corrigés et contribuer ainsi à faire rétrocéder tout ou partie des symptômes.
→ Le surpoids ou l’obésité sont fortement associés au SAS et il y a fort à gagner à les combattre. Leur action délétère passe, d’une part, par l’accumulation de graisse dans le cou, graisse qui pèse sur les voies aériennes supérieures et, d’autre part, par l’obésité abdominale qui augmente le travail du diaphragme et rend la respiration plus difficile.
→ L’âge s’accompagne d’une perte d’élasticité des parois de la gorge (palais flasque) et la ménopause d’une perte du rôle protecteur des hormones sexuelles envers le SAS. Les amygdales et les végétations hypertrophiées sont la cause principale de SAS chez les enfants, la chirurgie en vient à bout. Le tabac augmente l’inflammation dans le pharynx et réduit sa taille. L’alcool induit un relâchement des muscles qui maintient les voies aériennes supérieures ouvertes, ce qui favorise la survenue d’apnées. Certains médicaments sédatifs (somnifères, tranquillisants, antalgiques, décontracturants) ont le même effet et agissent aussi en diminuant l’activité cérébrale de la respiration.
→ D’autres facteurs passagers peuvent également aggraver la symptomatologie : l’obstruction nasale, passagère ou chronique, quelle que soit sa cause (rhume, allergie, déviation de la cloison nasale, etc.) ; la position couchée sur le dos ; une fatigue importante ; la grossesse.
→ Une tendance familiale au SAS peut être observée dans les familles présentant plusieurs cas d’obésité ou des morphologies faciales particulières avec, par exemple, un menton un peu petit et légèrement déplacé vers l’arrière (rétrognatisme) ou une langue trop large (macroglossie).
→ L’examen ORL peut permettre de repérer certaines anomalies susceptibles de rétrécir le calibre des voies aériennes (un élargissement et un allongement de la luette ; de grosses amygdales ou une base de la langue élargie ; des anomalies liées à des problèmes d’articulé dentaire ou de malformations de la mâchoire ; un voile du palais particulièrement long…).
Les hypopnées et les apnées les plus fréquentes sont de nature obstructive ou centrale.
Elles sont dites obstructives quand la fermeture inopportune ou le rétrécissement excessif du pharynx arrête ou limite le passage de l’air entre l’extérieur et les poumons. La situation induit des réactions comparables à celles qui surviennent en cas d’étouffement.
D’une part, les muscles respiratoires se contractent de plus en plus fort pour lutter contre l’obstruction et, d’autre part, le défaut d’oxygénation du sang entraîne un micro-éveil dont la personne n’est pas consciente. Cette réaction de défense de l’organisme interrompt l’apnée et permet une reprise d’une respiration normale : les muscles dilatateurs du pharynx se contractent alors de nouveau pour ouvrir la gorge et laisser passer l’air.
Le SAS est dit d’origine centrale lorsque le dysfonctionnement est imputable au centre du cerveau qui règle la respiration. Lorsque celui-ci ne commande pas aux muscles respiratoires de se contracter, ils restent au repos jusqu’à ce que le cerveau se réveille en raison de la baisse du taux d’oxygène et de l’augmentation du taux de gaz carbonique dans le sang et relance les muscles respiratoires. La symptomatologie a surtout lieu lors de l’endormissement, en sommeil lent léger (stade 1).
Sont décrits, outre les SAS d’origine centrale ou obstructive :
→ le syndrome d’apnées du sommeil mixte : coexistence chez une même personne et au cours d’une même nuit d’apnées et d’hypopnées, centrales et obstructives ;
→ les respirations périodiques : succession dans un temps court d’une respiration de plus en plus ample, puis d’une période de respiration de plus en plus faible qui va souvent jusqu’à une courte apnée centrale ;
→ le syndrome d’augmentation des résistances des voies aériennes supérieures et de limitation du débit inspiratoire : même mécanisme “en moins sévère” que celui des apnées et hypopnées obstructives : dans cette situation, un simple rétrécissement de la gorge se produit, conduisant les muscles respiratoires à se contracter de plus en plus vigoureusement, jusqu’au micro-éveil. Celui-ci survient après un laps de temps plus long que pour une apnée ou une hypopnée classique. Il n’y a pas de risque de baisse du taux d’oxygène puisque le débit d’air est maintenu grâce à la contraction augmentée des muscles respiratoires.
Afin d’affirmer le diagnostic et d’estimer la sévérité des apnées, il peut être nécessaire de réaliser :
→ un enregistrement de la respiration au cours du sommeil (polysomnographie) ou de la respiration seulement (polygraphie respiratoire) (l’examen est plus aisément fait à domicile) ;
→ des épreuves fonctionnelles respiratoires pour mesurer la capacité respiratoire des poumons dans la journée ;
→ un bilan chez l’ORL pour rechercher et traiter la cause d’une obstruction nasale chronique (déviation de la cloison nasale, rhinite chronique allergique, hypertrophie des amygdales) ;
→ des tests de vigilance afin d’une part d’apprécier la latence à l’endormissement et la capacité à rester éveillé et, d’autre part, de repérer ou non l’existence d’un autre trouble du sommeil.
Prenez un aspirateur domestique, utilisez-le à l’envers – c’est-à-dire pas pour aspirer mais pour souffler –, reliez-le par un tuyau à un masque nasal qui propulsera l’air dans les poumons : vous obtenez un dispositif de pression positive continue (PPC) comparable à celui qui a été élaboré par Colin Sullivan en 1981 et rendu public dans une publication du The Lancet restée fameuse. L’histoire raconte que les premiers patients qui ont bénéficié de ce système pour traiter leur apnées du sommeil étaient tellement contents d’être soulagés qu’ils voulaient partir avec ces “usines à gaz” comme les décrit J.-C. Roussel, président de la FFAAIR (Fédération française des associations et amicales des insuffisants respiratoires).
Depuis, les progrès technologiques ont été constants et c’en est bien fini des machines qui ressemblaient à une table de nuit avec un hublot et qui faisaient autant de bruit qu’un lave-vaisselle : les appareillages ont la taille d’un paquet de sucre, ne pèsent plus que 2 à 4 kg et sont beaucoup moins sonores. Le principe, lui, reste le même : délivrer en continu de l’air sous pression dans l’oropharynx pour en éviter la fermeture et donc les apnées. Les masques appliqués au niveau du nez ne sont qu’une interface entre la machine et les poumons mais ont un rôle essentiel. Ils sont désormais conçus pour s’adapter à la morphologie du patient et être le plus étanche possible, anallergiques, confortables, faciles à poser et légers. Certains ne couvrent que le nez, d’autres, le nez et la bouche, ils peuvent être de fabrication industrielle ou conçus sur mesure. L’adaptation se fait par un professionnel, l’habituation est en général rapide (une ou deux nuits). Des consultations régulières permettent ensuite de suivre l’évolution de la maladie et de s’assurer que le traitement reste adapté à l’état du patient.
À côté de la pression positive continue, qui demeure le traitement de référence, des alternatives thérapeutiques se sont développées et sont proposées à ceux qui ont peu d’apnées ou qui ne tolèrent pas la PPC.
→ Les orthèses d’avancée mandibulaires sont des sortes de gouttières qui se portent sur les dents et dont le but est d’ouvrir l’espace derrière la langue en avançant un peu la mâchoire inférieure afin de permettre à l’air de passer correctement. Ce traitement n’étant pas toujours efficace, un enregistrement de contrôle régulier est nécessaire après adaptation à l’orthèse ; Ces appareils ne sont pas utilisés pour les personnes âgées du fait de leur état dentaire, ni pour les enfants car leur croissance n’est pas terminée.
→ Le traitement des comorbidités comme l’obésité doit être tenté, de même que le sevrage des médicaments sédatifs, de l’alcool et du tabac. Le traitement positionnel est intéressant lorsque les apnées surviennent quasi exclusivement lorsque le patient est couché sur le dos (pour éviter cette position, on coud des balles de tennis au milieu du dos du pyjama pour rendre la position inconfortable). L’amélioration de la respiration nasale par instillation intranasale de sérum hypertonique ou de corticoïdes, par mise en place la nuit d’un dilatateur narinaire externe (petite bande adhésive collée sur la peau à l’extrémité du nez et qui écarte les narines) ou par redressement d’une cloison nasale déviée, diminue la sévérité du ronflement ou des apnées, ou améliore le confort d’un traitement mécanique ou par PPC.
→ Chez l’enfant, l’exérèse des grosses amygdales ou des végétations hypertrophiées responsables du SAS est le meilleur traitement.
→ Hormis ce cas, la chirurgie ne concerne que quelques situations particulières. Son objectif : modifier l’anatomie des régions impliquées dans le ronflement ou les SAS (somnoplastie). Ses méthodes : l’ablation d’une partie du voile du palais et de la luette (uvulo-palato-pharyngo-plastie ou UPPP) par chirurgie classique, laser ou radiofréquence ; l’ablation des amygdales (seule ou en même temps que le voile et la luette); la résection d’une partie de la langue ; et enfin l’avancement du maxillaire inférieure (ostéotomie maxillaire d’avancée) ou des deux maxillaires (ostéotomie bimaxillaire d’avancée). L’efficacité médiocre et les effets indésirables postopératoires ne font pas de cette chirurgie une alternative satisfaisante pour le traitement du SAS. Pour le ronflement, les résultats sont meilleurs, puisqu’ils sont satisfaisants dans environ 40 à 50 % des cas.
• Au repos, dix à quinze respirations par minute sont nécessaires pour permettre une bonne oxygénation du sang. Cette fréquence respiratoire est maintenue automatiquement par une régulation nerveuse complexe qui dépend du taux d’oxygène et de gaz carbonique présent dans le sang. Le manque d’oxygène ou le surplus de gaz carbonique crée une augmentation de la fréquence et de l’amplitude de la respiration (hyperventilation). A contrario, l’augmentation du taux d’oxygène ou la baisse du taux de gaz carbonique a l’effet inverse (hypoventilation).
• Avec l’endormissement, la respiration devient plus lente et moins profonde et le taux de gaz carbonique augmente légèrement. Avant que le sommeil ne soit bien installé, l’oscillation entre éveil et sommeil peut entraîner une respiration irrégulière, et même des pauses respiratoires. Une fois le sommeil bien installé, la respiration devient régulière. Ces changements sont le résultat d’une modification du contrôle de la respiration par le système nerveux et d’une légère diminution du calibre des voies aériennes quand les muscles pharyngés se relâchent.
• Antadir (Association nationale pour les traitements à domicile, les innovations et la recherche)
Elle fédère un réseau de 26 Sard (Services d’assistance respiratoire à domicile) répartis sur l’ensemble du territoire et destinés à faciliter le retour et le maintien à de tout patient nécessitant un appareillage.
Adresse : 66 bld Saint-Michel, 75006 Paris
Tél. : 01 56 81 40 60
Mail : antadir@antadir.fr
• Apnées du sommeil – Guide à l’usage des patients et de leur entourage
Fédération Antadir, édition Bash 2010, prix 15 euros. Cet ouvrage est disponible sur le site www.zemedical.com.
• 50 % sont des ronfleurs,
• 5 à 10 % font des apnées du sommeil,
• 3 % nécessitent un traitement du SAS.