HPST → Suite de nos développements consacrés aux agences régionales de santé (ARS), instituées par la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) du 21 juillet dernier.
Dans notre modèle théorique de 2002, l’ARS est chargée de répartir l’enveloppe régionale allouée à la santé entre les différents professionnels de santé. Il lui revient de définir les modalités de répartition de cette enveloppe. Deux niveaux successifs d’allocation des ressources doivent être envisagés : un niveau externe des « pôles hospitaliers » et un niveau interne à chaque pôle. Les pôles hospitaliers, qui regroupent l’ensemble des établissements de santé d’une même zone de besoins et sont organisés en deux niveaux (sites de proximité et site de référence), sont liés à l’ARS par un contrat d’objectifs et de moyens. Ce contrat détermine les objectifs d’organisation sanitaire et les modalités d’allocation des ressources pour mener à bien ces objectifs. En revanche, une certaine autonomie est laissée à chaque pôle pour organiser les soins dans le respect des clauses contractuelles avec l’ARS. Les pôles hospitaliers sont donc amenés à devenir de véritables gestionnaires de l’offre de soins pour la zone qu’ils couvrent. La contractualisation constitue ainsi le nouvel instrument majeur de la planification hospitalière.
On peut dès lors confronter les outils retenus dans la loi HPST à notre modèle : les territoires de santé ne sont-ils pas nos zones de besoins ? Les communautés hospitalières de territoire ne sont-elles pas nos pôles hospitaliers ? Le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens n’est-il pas la déclinaison du plan régional stratégique de santé ?
Dans le cadre d’une planification hospitalière centrée sur les besoins, il semble logique que l’enveloppe régionale allouée pour la santé soit répartie en fonction des besoins identifiés dans chaque zone de besoins, indépendamment des structures existantes dans chaque zone. Ce qui suppose de disposer d’une estimation des besoins relativement précise et incontestable et d’un modèle permettant de déterminer le nombre d’établissements (nombre de lits par discipline), de professionnels de santé (généralistes et spécialistes), de structures et services médico-sociaux nécessaires pour répondre à ces besoins. C’est sur cette base que la répartition intersectorielle doit être effectuée, tout en conservant une certaine marge de manœuvre pour le financement des réseaux de santé par exemple, qui reposent sur une logique intersectorielle. Il s’agit ensuite de confronter l’offre théorique à l’offre existante et de négocier dans le contrat conclu entre le pôle hospitalier et l’ARS l’adaptation de cette offre et ses modalités.
Le contrat détermine également les règles de tarification des établissements de santé, des professionnels de santé libéraux, des établissements et services médico-sociaux. La tarification à la pathologie semble alors être le moyen le plus adapté pour éviter le cloisonnement entre secteurs de soins et respecter la logique populationnelle de la planification. Pour chaque pathologie, un prix fixe serait déterminé, correspondant à un coût moyen comprenant l’ensemble des interventions de soins : médecin généraliste, spécialiste, hôpital, institutions médico-sociales. Un tel système suppose de définir l’ensemble des pathologies pouvant être rencontrées et les traitements associés, puis de les valoriser à l’aide d’une échelle de coût moyen. La tarification à l’activité dans le secteur MCO (médecine, chirurgie, obstétrique) des établissements de santé, le financement des établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) à partir des coupes Pathos, relèvent de cette logique. Mais il n’existe pas encore de financement identique entre les secteurs hospitaliers, ambulatoires et médico-sociaux.
Dans un tel système, le prix étant paramétrique, chaque offreur de soins se trouve dans une situation analogue à une situation concurrentielle : il est incité à produire l’effort optimal et à minimiser ses coûts de production. Il reste à déterminer un mécanisme de calcul de ce prix. Il pourrait être égal, par pathologie, à la moyenne des coûts constatés par type de secteur : médecine ambulatoire, secteur hospitalier, secteur médico-social. Un tel système conduirait à définir le rôle précis de chaque secteur dans la prise en charge d’une pathologie donnée. Il est certain que certaines pathologies ne seront traitées qu’en ambulatoire, d’autres qu’en établissement de santé. Les pathologies faisant intervenir simultanément les deux secteurs devront être financées forfaitairement dans le cadre des réseaux de santé.
Un tel système remet en cause profondément le financement actuel du système de santé, quel que soit le secteur considéré. Car il revient à étendre la tarification à l’activité au secteur des SSR (soins de suite et de rééducation) et de la psychiatrie, à remettre en cause le financement à l’acte des médecins libéraux. Cependant, certains mécanismes innovants de la loi se rapprochent d’une telle philosophie.
Dans ce contexte, on peut imaginer qu’une certaine concurrence soit organisée par l’ARS entre les pôles hospitaliers pour la prise en charge de certaines pathologies spécifiques. Sur la base d’un mécanisme d’appels d’offre, on peut imaginer que l’ARS allouerait les ressources au pôle qui présenterait le meilleur projet en matière de qualité de la prise en charge, le prix étant par définition fixé à la pathologie et le même pour tous les producteurs de soins.
Le mécanisme d’appels à projets dans le secteur médico-social répond de cette logique. Ainsi la loi HPST indique que les projets de création, transformation et d’extension d’établissements et services médico-sociaux, qui font appel à des financements publics, sont autorisés après avis d’une commission de sélection d’appels à projet. Un décret doit définir les règles de publicité, les modalités de l’appel à projets et le contenu de son cahier des charges, ainsi que les modalités d’examen et de sélection des projets présentés, afin de garantir une mise en concurrence sincère, loyale et équitable et la qualité de l’accueil et de l’accompagnement. Il y a donc une mise en concurrence organisée au sein des établissements et services médico-sociaux, tout comme elle existe déjà entre les établissements de santé (régime des autorisations sanitaires de 1991) et les professionnels de santé libéraux (appels à projets pour la répartition de l’enveloppe du FIQCS, Fonds d’intervention pour la qualité et la coordination des soins).
Les pôles hospitaliers sont donc amenés à devenir de véritables acheteurs de soins sur la base de prix fixes déterminés dans le cadre d’un contrat d’objectifs et de moyens, qui précisera les principes élémentaires d’organisation des soins devant être respectés, les objectifs à moyen terme de réorganisation de l’offre en fonction des besoins constatés dans la zone, les modalités de tarification à la pathologie des différents offreurs de soins.
L’ARS délègue aux pôles hospitaliers la responsabilité de la gestion de l’offre de soins selon un cahier des charges défini par un contrat d’objectifs et de moyens signé avec chaque pôle. Le pôle devient alors acheteur de soins pour la zone de besoins dont il a la charge. Dans ce cadre, il peut être autorisé à choisir le ou les producteur(s) de soins qui présentent la meilleure offre pour un prix donné. On parle alors de concurrence entre producteurs de soins.
À l’instar des General Practitionners Fund Holders en Grande-Bretagne (cabinets libéraux acheteurs de soins pour le compte de la population), les pôles hospitaliers couvrent des zones de besoins importantes et sont à même d’organiser l’aval et l’amont de l’hospitalisation. La concurrence, par un système d’appels d’offre, peut être envisagée sur plusieurs domaines particuliers :
→ la prise en charge de certaines pathologies spécifiques, chroniques ou lourdes (insuffisance rénale chronique, rééducation fonctionnelle, maladie d’Alzheimer, soins palliatifs…) : un appel d’offres serait lancé auprès des différents offreurs de la zone de besoins et le pôle retiendrait l’offre au mieux disant en matière de qualité de la prestation offerte, le prix étant par nature fixé à la pathologie ;
→ la prise en charge des activités chirurgicales et médicales entre secteurs public et privé : un appel d’offres serait lancé auprès du centre hospitalier du pôle et des établissements privés en matière de chirurgie, d’obstétrique et de médecine spécialisée, tout en s’assurant que la candidat retenu soit dans l’obligation d’assurer le rôle de référent auprès des structures de proximité ;
→ les activités extra hospitalières (cuisine, blanchisserie) et de gestion (personnel, finances).
La création du niveau infrarégional constitue la plus grande originalité de la réorganisation du système de soins que nous proposons. Elle consiste, pour l’autorité de régulation, à déléguer la fonction de gestion des soins aux professionnels pour les responsabiliser. Cette délégation se fait dans le cadre d’un contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ARS. Le pôle organise la production de l’offre de soins au sein de la zone de besoins dont il a la responsabilité et répartit les ressources entre les producteurs de soins de cette zone. Chaque pôle est chargé d’élaborer un projet de santé pour la zone de besoins qui détermine les modalités d’organisation de l’offre de soins. Ce projet fera l’objet d’une approbation par l’ARS.
Le pôle hospitalier assure donc la coordination du réseau de soins composé de l’ensemble des professionnels de la zone de besoins. Il doit veiller à ce que les services de proximité soient rendus en toute efficacité dans le cadre de réseaux de santé et que l’ensemble des services soient offerts dans le pôle. Il est nécessaire de distinguer au sein du pôle hospitalier la fonction de production de soins stricto sensu des établissements hospitaliers qui le composent et fusionnés sous la forme d’un établissement interhospitalier (ne retrouve-t-on pas là la communauté hospitalière de territoire ?) et la fonction d’achat ou de gestion de soins. Cette fonction doit être exercée par un conseil de pôle hospitalier, composé de l’ensemble des professionnels (hospitaliers, libéraux, médico-sociaux) : n’est-ce pas là la conférence de territoire ? C’est ce conseil qui organiserait la mise en concurrence des producteurs de soins sur certaines disciplines ou activités de soins, contribuant ainsi à l’amélioration de l’efficacité productive en termes de qualité de la prestation servie. Le conseil serait chargé également de décider de la répartition des ressources entre les producteurs de soins, étant entendu que la fonction administrative de gestion serait laissée aux caisses locales d’assurance maladie, chargées de vérifier, pour le compte de l’ARS, la cohérence des décisions prises en matière de financement et le respect des clauses du contrat d’objectifs et de moyens signé entre le pôle et l’ARS (quid de la contractualisation ARS – assurance maladie dans la loi HPST ?)
La loi HPST stipule que l’ARS définit les territoires de santé pertinents pour les activités de santé publique, de soins et d’équipement des établissements de santé, de prise en charge et d’accompagnement médico-social, ainsi que pour l’accès aux soins de premier recours. Ces territoires peuvent être infrarégionaux, régionaux ou interrégionaux. Dans chacun de ces territoires, le DG de l’ARS constitue une conférence de territoire, composée de représentants des différentes catégories d’acteurs du système de santé du territoire concerné, dont les usagers du système de santé. La conférence contribue à mettre en cohérence les projets territoriaux sanitaires avec le projet régional de santé (PRS) et les programmes nationaux de santé publique. La mise en œuvre de ce PRS peut faire l’objet de contrats locaux de santé conclus par l’Agence, portant sur la promotion de la santé, la prévention, les politiques de soins et l’accompagnement médico-social.
Dans notre modèle, le Sros a vocation à devenir un schéma régional d’organisation de la santé, qui prend en compte l’ensemble des secteurs de soins. Instrument de politique générale de la santé, déclinant au niveau régional les grands axes stratégiques de la politique nationale de santé, il détermine les grands principes de la planification sanitaire et ses modalités d’application (accessibilité, qualité, efficacité) et préconise les priorités sanitaires à conduire dans chaque zone de besoins. Il détermine en particulier le nombre de zones de besoins et leurs caractéristiques afférentes en termes de besoins de santé, l’offre hospitalière en pôle qui correspond, les principes d’organisation en réseaux. Il fixe les grandes orientations en matière de santé publique et les besoins prioritaires pour lesquels les pôles hospitaliers devront présenter des prises en charge innovantes. Le Sros serait arrêté par l’ARS après avis des conseils de pôles hospitaliers qui ont vocation à substituer au Comité régional de l’organisation sanitaire (CROS) et au Comité régional de l’organisation sociale et médico-sociale (CROSMS). Les autorisations seraient accordées en fonction du Sros et des besoins déterminés dans chaque zone.
La mise en œuvre effective du Sros se fait par l’intermédiaire d’un contrat d’objectifs et de moyens entre l’ARS et chaque pôle hospitalier, qui déterminera la déclinaison opérationnelle des objectifs du Sros en fonction des besoins propres à chaque zone. Le contrat devient l’instrument privilégié de la planification dans la mesure où il permet de responsabiliser les acteurs de soins dans la mise en œuvre de cette planification.
On retrouve cette volonté dans la loi HPST à travers les nouveaux instruments que constituent le projet régional de santé (PRS) et ses déclinaisons opérationnelles sous forme de schémas.
Le PRS définit les objectifs pluriannuels des actions que même l’ARS dans ses domaines de compétences et les mesures tendant à les atteindre. Il s’inscrit bien sûr dans les orientations de la politique nationale de santé et les différentes lois de finances. Il est constitué d’un plan stratégique régional de santé, qui fixe les orientations et les objectifs de santé de la région ; de trois schémas régionaux en matière de prévention, d’organisation des soins et d’organisation médico-sociale ; de programmes déclinant les modalités spécifiques d’application de ces schémas, dont un programme relatif à la prévention et aux soins des plus démunis et un programme relatif au développement de la télémédecine. Cette programmation peut prendre la forme de programmes territoriaux de santé pouvant donner lieu à des contrats locaux de santé.
Parmi les modalités et les moyens d’intervention des ARS, la loi consacre toute une section relative à la contractualisation avec les offreurs de services de santé. L’Agence contractualise ainsi avec les établissements de santé, mais également les établissements et services médico-sociaux, les professionnels de santé libéraux, les réseaux, les centres, les pôles et les maisons de santé. Le versement d’aides financières ou de subventions à ces services de santé est subordonné à la conclusion d’un tel contrat.
La nouvelle planification sanitaire prévue par la loi HPST se rapproche donc de celle de notre modèle, même si elle ne va pas complètement jusqu’au bout c’est-à-dire déléguer aux territoires de santé des missions d’organisation des soins et d’allocation des ressources.
Des établissements publics de santé (EPS) peuvent conclure une convention de communauté hospitalière de territoire (CHT) afin de mettre en œuvre une stratégie commune et de gérer certaines fonctions et activités grâce à des délégations ou des transferts de compétences entre les établissements et grâce à la télémédecine – sachant qu’un EPS ne peut faire partie que d’une seule convention de CHT. La convention prend en compte la notion d’exception géographique que constituent certains territoires. Des établissements publics médico-sociaux peuvent participer aux actions menées dans le cadre d’une convention de CHT. La convention de CHT est préparée par les directeurs et présidents de Commissions médicales d’établissement (CME), approuvée, après information des Comités techniques d’établissement (CTE), par les directeurs des établissements après avis de leurs conseils de surveillance, directement par ceux-ci, et enfin soumise à l’approbation du directeur général de l’ARS. C’est cette double approbation qui entraîne la création de la CHT. La convention définit le projet médical commun de la CHT et les compétences et activités déléguées ou transférées à chacun des établissements membres ; les modalités de mise en cohérence des contrats pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM), des projets d’établissement, des plans globaux de financement pluriannuels et des programmes d’investissements ; les modalités de remboursement des frais pour services rendus ; les modalités d’articulation avec les établissements médico-sociaux publics ; la composition du conseil de surveillance, du directoire et des organes représentatifs des personnels de l’établissement siège de la CHT (la désignation de celui-ci étant approuvée au moins par les 2/3 des conseils de surveillance des établissements représentant au moins les 3/4 des produits versés par l’Assurance maladie au titre de l’activité MCO ; à défaut d’accord, DG de l’ARS désigne l’établissement siège); éventuellement la création d’instances communes de représentation des personnels ; l’établissement de comptes combinés. La commission de communauté composée des présidents des conseils de surveillance, des présidents de CME et des directeurs, est chargée de suivre l’application de la convention. Les présidents des conseils de surveillance des EPS peuvent proposer au DG de l’ARS la conclusion d’une convention de CHT.
La convention est également soumise à l’avis du ou des préfet(s) de régions concernées et transmise avant son application aux directeurs généraux des ARS compétentes, qui apprécient la compatibilité avec les schémas régionaux d’organisation des soins. À noter que peuvent être transférés dans le cadre de la convention de la CHT entre les établissements des autorisations d’activités de soins ou d’équipements matériels lourds selon une procédure simplifiée, des biens meubles ou immeubles ne donnant lieu à perception d’aucune taxe ou indemnité (les actes de transfert de propriété étant authentifiés par le DG de l’ARS). La convention peut être résiliée soit par décision concordante des conseils de surveillance des établissements membres, soit sur demande motivée des conseils de surveillance à la majorité des établissements membres, soit sur décision prise par le DG de l’ARS, après avis du préfet de région, en cas de non-application de la convention. L’ensemble des dispositions relatives aux CHT font l’objet d’un décret en Conseil d’État actuellement en cours d’élaboration. Enfin, afin d’inciter la création des CHT, des crédits sont réservés jusqu’au 31 décembre 2012 sur l’enveloppe « aide à la contractualisation », ainsi que sur les Groupements de coopération sanitaire (GCS).
Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, Journal officiel de la république française n° 0167 du 22 juillet 2009.