Le quotidien d’une cadre d’un hôpital local - Objectif Soins & Management n° 186 du 01/05/2010 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 186 du 01/05/2010

 

DOMINIQUE POURCELOT

Parcours

Joëlle Maraschin  

Dominique Pourcelot est l’unique cadre de santé de l’hôpital de Mouthe, au cœur des montagnes du Jura. Seule responsable de l’organisation et de la qualité des soins d’un hôpital de 70 lits, elle nous parle d’une activité professionnelle passionnante mais épuisante.

Lorsque Dominique Pourcelot a témoigné de son quotidien professionnel en juin dernier à Nancy lors d’une des rencontres organisées par la mission de Singly, elle a été longuement applaudie par ses collègues. Son activité au sein d’un hôpital local est à plusieurs titres une illustration éloquente de la complexité des missions confiées à certains cadres hospitaliers, appelés de plus en plus à intervenir sur tous les fronts.

Cadre de proximité multicasquette

Car Dominique Pourcelot fait partie de ces cadres dits de proximité, ceux-là même dont la dure tâche manque de visibilité alors qu’ils occupent en réalité une fonction essentielle pour l’hôpital. « Mon travail ressemble à celui d’un cadre de pôle sans les moyens humains et la structure d’un hôpital plus important. Je suis la seule cadre sur l’hôpital, je gère l’organisation des soins et participe à l’organisation administrative », précise-t-elle.

Dominique Pourcelot encadre ainsi une équipe soignante constituée de 70 personnes, elle est responsable de la qualité des soins, de la gestion des lits, elle s’occupe des plannings des uns et des autres. Elle est impliquée dans les décisions pour l’économat, suit les budgets et les dépenses de l’hôpital grâce à une collaboration étroite avec la direction et l’équipe administrative. « Je n’ai pas d’astreinte au sens propre du terme, mais comme j’habite tout près de l’hôpital, on n’hésite pas à m’appeler », ajoute-t-elle. Présidente de la Commission des soins infirmiers, elle siège à toutes les instances, que ce soit au conseil d’administration, au comité technique d’établissement , au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou à la commission médicale d’établissement. « Nous avons les mêmes exigences qu’un centre hospitalier, ne serait-ce que pour les procédures de certification, le fonctionnement du Clin ou du Clud, par exemple. Mais l’organisation est plus difficile avec 70 soignants : il faut mettre en place des groupes de travail tout en continuant à assurer la qualité des soins », explique-t-elle. À côté d’une soixantaine de lits d’Ehpad, l’hôpital de Mouthe compte aussi 6 lits de médecine et 7 lits SSR.

Débordée mais enthousiaste

Dominique Pourcelot déplore que la lourdeur de la charge de travail d’un cadre d’hôpital local soit sous évaluée. Dans l’idéal, elle souhaiterait être soutenue dans ses fonctions par un autre cadre. « Happée par mon quotidien, je regrette beaucoup de ne pouvoir être plus présente que je ne le suis auprès des équipes soignantes. J’ai toujours appréhendé mon rôle de cadre de santé dans l’accompagnement des soignants, qui doivent être entendus, écoutés, valorisés », explique-t-elle.

Pour la cadre de santé, le management participatif n’est pas une utopie, mais une véritable ligne de conduite. Elle reste soucieuse de la participation de l’ensemble des professionnels aux choix décisionnels, seule façon selon elle de donner toute leur place aux soignants. « Dans cet établissement, les professionnels ont vraiment le sens du travail bien fait, ils sont fiers de leur hôpital et s’investissent énormément. Je suis admirative de leur engagement », tient-elle à souligner. Elle se sent néanmoins très valorisée dans son rôle de cadre par ses équipes.

Qui plus est, Dominique Pourcelot a beaucoup de respect pour les professionnels qui choisissent de travailler auprès des personnes âgées dépendantes, un secteur encore souvent dévalorisé dans le monde soignant. « Les professionnels des Ehpad sont généralement très motivés et plein de ressources », assure-t-elle. Preuve en est, l’équipe soignante de l’hôpital local est relativement stable en dépit de la proximité de la Suisse où les salaires proposés sont pourtant plus élevés. « Ce sont surtout les jeunes diplômées qui partent travailler en Suisse. Elles sont attirées par une qualité de prise en charge en soins du patient dans la globalité possible grâce à des effectifs supérieurs à ceux de la France », indique Dominique Pourcelot.

Trente ans au CH de Pontarlier

Née à Pontarlier dans le Doubs, Dominique Pourcelot a travaillé pendant près de trente ans dans l’hôpital de sa ville. « C’est un parcours que l’on retrouve pour beaucoup de soignants originaires de la région. Nous sommes très attachés à nos sapins, nous avons du mal à partir », confie-t-elle. Elle a commencé comme agent des services hospitaliers à l’hôpital de Pontarlier avant d’être reçue à l’école d’infirmières de l’établissement à la fin des années 1970. Diplômée en 1981, elle débute sa vie professionnelle dans le service d’Ehpad de Pontarlier. Elle exerce par la suite dans plusieurs services de l’hôpital, des urgences à la pédiatrie.

Mère de trois garçons, elle fait aussi le choix de travailler à temps partiel pendant une période pour allier sa vie de famille à sa vie professionnelle. « Au bout de vingt ans de services, j’ai eu envie de m’investir de façon différente, de prendre un peu de recul par rapport à mon quotidien », reconnaît-elle.

En 2000, elle passe le concours de l’école des cadres de l’Institut de formation des cadres de santé (IFCS) de Besançon. « Ce fut une année très enrichissante sur le plan intellectuel, se souvient Dominique Pourcelot. La problématique posée par les formateurs était de réfléchir à la construction de l’identité du cadre de santé. J’ai apprécié cette dimension sociologique. » Elle revient à Pontarlier comme cadre de santé en Ehpad. Un poste se libère à l’Ifsi trois années plus tard, et Dominique Pourcelot fait le choix de rejoindre l’équipe de formatrices.

D’abord formatrice référente pour une promotion infirmière, elle s’occupe ensuite de la formation adulte pour les aides-soignantes. « Il existe peu de différences entre le métier de formateur et celui de cadre de service, estime-t-elle. Dans les deux cas, il faut donner aux professionnels ou aux futurs professionnels un sens à leur action, les inciter à se questionner. »

Fin 2008, Dominique Pourcelot quitte l’Ifsi de Pontarlier pour le poste de cadre de santé de l’hôpital local de Mouthe. L’établissement vient d’être reconstruit, il a pris de l’ampleur avec l’autorisation de lits de médecine. « Le challenge est passionnant : proposer sur le secteur un panel de soins complet pour les personnes âgées », renchérit-elle. Et si Dominique Pourcelot regrette d’être seule pour assumer une charge de travail aussi importante, elle n’en reste pas moins toujours aussi passionnée par son métier. Et cet amour de la profession infirmière, elle sait toujours la partager et la transmettre. D’ailleurs, le dernier de ses fils vient d’entrer à l’Ifsi de Pontarlier.