Objectif Soins n° 186 du 01/05/2010

 

Économie de la santé

Didier Jaffre  

RAPPELS → Depuis septembre dernier, huit articles ont été consacrés à la loi Hôpital, patients, santé et territoires du 21 juillet 2010. Que vous en reste-t-il ? Retour dans ce numéro sur les principaux points de la loi abordés au cours de ces derniers mois.

COMMUNAUTÉS HOSPITALIÈRES DE TERRITOIRE, QUE DIT LA LOI ?

Des établissements publics de santé (EPS) peuvent conclure une convention de communauté hospitalière de territoire (CHT) afin de mettre en œuvre une stratégie commune et de gérer certaines fonctions et activités grâce à des délégations ou des transferts de compétences entre les établissements et grâce à la télémédecine, sachant qu’un EPS ne peut être partie que d’une seule convention de CHT. La convention prend en compte la notion d’exception géographique que constituent certains territoires. Des établissements publics médico-sociaux peuvent participer aux actions menées dans le cadre d’une convention de CHT.

La convention de CHT est préparée par les directeurs et présidents de Commissions médicales d’établissement (CME), approuvée, après information des Comités techniques d’établissement (CTE), par les directeurs des établissements après avis de leurs conseils de surveillance, directement par ceux-ci, et enfin soumise à l’approbation du directeur général de l’agence régionale de santé (ARS). C’est cette double approbation qui entraîne la création de la CHT.

La convention définit le projet médical commun de la CHT et les compétences et activités déléguées ou transférées à chacun des établissements membres ; les modalités de mise en cohérence des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM), des projets d’établissement, des plans globaux de financement pluriannuels et des programmes d’investissements ; les modalités de remboursement des frais pour services rendus ; les modalités d’articulation avec les établissements médico-sociaux publics ; la composition du conseil de surveillance, du directoire et des organes représentatifs des personnels de l’établissement siège de la CHT (la désignation de celui-ci étant approuvée par les deux tiers au moins des conseils de surveillance des établissements représentant au moins les trois quarts des produits versés par l’Assurance maladie au titre de l’activité médecine, chirurgie, obstétrique (MCO); à défaut d’accord, c’est le directeur général de l’ARS qui désigne l’établissement siège ; éventuellement la création d’instances communes de représentation des personnels ; l’établissement de comptes combinés.

La commission de communauté composée des présidents des conseils de surveillance, des présidents de CME et des directeurs, est chargée de suivre l’application de la convention.

Les présidents des conseils de surveillance des EPS peuvent proposer au DG de l’ARS la conclusion d’une convention de CHT.

La convention est également soumise à l’avis du ou des préfet(s) de régions concernées et transmise avant son application aux directeurs généraux des ARS compétentes, qui apprécient la compatibilité avec les schémas régionaux d’organisation des soins.

À noter que peuvent être transférés dans le cadre de la convention de la CHT entre les établissements des autorisations d’activités de soins ou d’équipements matériels lourds selon une procédure simplifiée, des biens meubles ou immeubles ne donnant lieu à perception d’aucune taxe ou indemnité (les actes de transfert de propriété étant authentifiés par le directeur général de l’ARS).

La convention peut être résiliée soit par décision concordante des conseils de surveillance des établissements membres, soit sur demande motivée des conseils de surveillance à la majorité des établissements membres, soit sur décision prise par le directeur général de l’ARS, après avis du préfet de région, en cas de non-application de la convention.

L’ensemble des dispositions relatives aux CHT fait l’objet d’un décret en Conseil d’État actuellement en cours d’élaboration.

Enfin, afin d’inciter la création des CHT, des crédits sont réservés jusqu’au 31 décembre 2012 sur l’enveloppe “ aide à la contractualisation ”, ainsi que sur les groupements de coopération sanitaire (GCS).

LE NOUVEAU GCS DE LA LOI HPST, QUOI DE NEUF ?

Le GCS n’est pas nouveau puisqu’il est issu des ordonnances d’avril 1996 pour faciliter la coopération entre le secteur public et le secteur privé de santé. Alors, qu’apporte la loi de 2009 ?

Si son objet, ses modalités de constitution (convention constitutive), sa personnalité morale restent globalement inchangés, ou tout du moins adaptés aux nouvelles dispositions de la loi (centres de santé par exemple), la principale nouveauté réside dans le fait que, lorsqu’il est titulaire d’une ou plusieurs autorisations d’activités de soins, le GCS devient un établissement de santé avec les droits et obligations afférents. Jusqu’à présent, le GCS pouvait être autorisé par le directeur de l’ARH à exercer les missions d’un établissement de santé et autorisé à exploiter une autorisation détenue par l’un de ses membres et dispenser à ce titre des soins remboursés par l’Assurance maladie. Mais il n’était pas un établissement de santé. Cette disposition introduite par la loi est majeure car, dorénavant, les mêmes règles applicables aux établissements de santé s’appliquent au GCS, selon qu’il soit un établissement de santé public ou un établissement de santé privé, et il peut surtout facturer directement les soins qu’il produit auprès de l’Assurance maladie, ce qui n’était pas possible jusqu’à présent, sauf à titre expérimental (mais la possibilité a pris fin au 31 décembre 2008, et seulement deux GCS expérimentaux existent à notre connaissance en France).

Désormais, le GCS est donc un établissement de santé comme les autres, à tel point que la loi précise que les systèmes d’information hospitaliers (SIH) seront transformés dans un délai de trois ans soit en CHT, soit en GCS, soit en groupement d’intérêt économique (GIE). Ce qui permettra au GCS de pouvoir recruter des personnels médicaux hospitaliers, ce qui n’était pas possible jusqu’à présent.

Nous passons donc d’un simple GCS de moyens à un GCS établissement de santé. Mais les critiques qui pesaient à l’époque sur les SIH (lourdeur des instances, des procédures, etc.) ne risquent-elles pas de se reproduire sur les GCS ? Car leur création, au lieu de supprimer des établissements de santé, revient à en créer de nouveaux, tout cela dans une période de restructuration. Tel est le paradoxe.

RAPPEL SUR LES DISPOSITIFS DE COORDINATION D’UN SYSTÈME ÉCONOMIQUE

Trois dispositifs sont à l’origine de la coordination d’un système économique : la contrainte, qui exclut tout accord de volonté, le contrat, vu comme le produit d’un tel accord, et la convention envisagée comme un objet sur lequel il est possible de s’accorder.

La contrainte, ou règle hétéronome, dicte aux agents leur conduite, indépendamment de leur volonté. Elle leur dénie, pour une action considérée, la faculté de se déterminer à agir d’une façon ou d’une autre ; elle exclut tout acte de volonté, elle ne résulte pas d’un accord entre les acteurs. Elle est, au contraire, édictée unilatéralement, imposée de l’extérieur et caractérisée par l’exogénéité des obligations qu’elle crée. Les acteurs ne décident pas du contenu de la règle contraignante et doivent impérativement s’y conformer. L’intentionnalité des agents est nulle tant dans la création que dans le respect de la règle.

Le contrat constitue un arrangement interindividuel organisant des interactions entre deux agents. Ces interactions font l’objet d’une libre négociation entre les parties et se réalisent sur la base d’un accord adopté par consentement partagé. Le contrat se définit comme le fruit d’un accord de volontés. En outre, les relations prévues par le dispositif contractuel supposent l’existence d’engagements réciproques : les agents s’engagent les uns envers les autres à céder ou à s’approprier, à faire ou ne pas faire quelque chose. À l’instar de la contrainte, le contrat est source d’obligations. Or celles-ci présentent un caractère endogène. Elles sont ce que les agents choisissent de s’imposer par entente mutuelle. En conséquence, les clauses du contrat ne s’appliquent qu’à ceux qui les ont intentionnellement élaborées. Les acteurs déterminent de leur propre chef le contenu de la règle contractuelle et s’engagent librement à la respecter. Leur intentionnalité est infinie pour la création, comme pour le respect de la règle.

La convention a en commun avec la contrainte d’être extérieure aux acteurs, mais elle ne se réduit pas à un dispositif contraignant. Elle est librement acceptée par les agents et se rapproche alors d’un dispositif contractuel. La convention n’est pourtant pas assimilable à un contrat pour deux raisons. D’une part, la convention ne suppose pas d’intention subjective et ne découle d’aucune négociation : elle n’est pas le produit direct d’un accord de volontés mais un objet, construit socialement, sur lequel il est possible de s’accorder. D’autre part, la convention présente une régularité reconnue à un niveau collectif. Elle donne la solution d’un problème répétitif et ne constitue pas, à l’image du contrat, une solution correspondant à une situation particulière. Le dispositif conventionnel, à la différence des précédents, ne contient pas d’obligation. Chacun est libre d’adhérer ou non à la convention et peut à tout moment décider ne plus s’y conformer. Le contenu de la règle conventionnelle échappe à la volonté des acteurs qui ont la possibilité de l’adopter ou non. Le degré d’intentionnalité est intermédiaire entre les degrés d’intentionnalité nul de la contrainte et infini du contrat.

LES MISSIONS DE L’ARS

La loi HPST définit les compétences et les missions de l’ARS regroupées dans deux grands domaines : la santé publique d’une part et l’offre de soins et médico-sociale d’autre part.

En premier lieu, l’ARS est chargée de mettre en œuvre la politique de santé publique au niveau régional. À ce titre, elle organise la veille sanitaire, l’observation de la santé, recueil et traitement des signalements d’événements sanitaires. Elle contribue à l’organisation de la réponse aux urgences sanitaires et à la gestion des situations de crise sanitaire. Elle établit un programme annuel de contrôle du respect des règles d’hygiène ; elle réalise les prélèvements, analyses et vérifications prévus dans ce programme et procède aux inspections nécessaires. Elle définit et finance des actions visant à promouvoir la santé, à éduquer la population à la santé et à prévenir les maladies, les handicaps et la perte d’autonomie, et elle veille à leur évaluation.

En second lieu, l’ARS est chargée de réguler, d’orienter et d’organiser l’offre de services de santé, de manière à répondre aux besoins en matière de soins et de services médico-sociaux, et à garantir l’efficacité du système de santé. À ce titre, elle contribue à évaluer et à promouvoir la qualité des formations des professionnels de santé. Elle autorise la création et les activités des établissements et services de santé ainsi que des établissements et services médico-sociaux ; elle contrôle leur fonctionnement et leur alloue les ressources qui relèvent de sa compétence. Elle veille à ce que la répartition territoriale de l’offre de soins permette de satisfaire les besoins de la population. Elle contribue à mettre en œuvre un service unique d’aide à l’installation des professionnels de santé. Elle veille à la qualité et à la sécurité des actes médicaux, de la dispensation et de l’utilisation des produits de santé ainsi que des prises en charge et accompagnements médico-sociaux et procède à des contrôles à cette fin, elle contribue à la lutte contre la maltraitance et au développement de la bientraitance dans les établissements et services de santé et médico-sociaux. Elle veille à assurer l’accès aux soins de santé et aux services psychosociaux des personnes en situation de précarité ou d’exclusion. Elle définit et met en œuvre les actions régionales prolongeant et complétant les programmes nationaux de gestion du risque et des actions complémentaires (contrôle et amélioration des modalités de recours aux soins et des pratiques des professionnels de santé). Elle encourage et favorise l’élaboration et la mise en œuvre d’un volet culturel au sein des établissements.

LE PÔLE HOSPITALIER

Dans le cadre du contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ARS, le pôle hospitalier organise la production des soins au sein de la zone de besoins dont il a la responsabilité et répartit les ressources entre les producteurs de soins de cette zone. Chaque pôle est chargé d’élaborer un projet de santé pour la zone de besoins dont il a la charge, qui détermine les modalités d’organisation de l’offre de soins, projet qui fera l’objet d’une approbation par l’ARS.

Le pôle assure donc la coordination du réseau de soins composé de l’ensemble des professionnels de la zone de besoins. Il doit veiller à ce que les services de proximité soient rendus en toute efficacité dans le cadre de réseaux ville-hôpital, ainsi que l’ensemble des services sanitaires à l’exception de ceux de niveau régional. Il est nécessaire de distinguer la fonction de production de soins stricto sensu des établissements et services qui le composent, et la fonction d’achat ou de gestion de soins. On peut envisager dès lors la création d’un conseil de pôle hospitalier, composé de représentants des établissements de santé, des professionnels de santé libéraux, des établissements et services médico-sociaux, de la zone de besoins couverte par le pôle.

Les idées phare de la loi HPST

Les missions des établissements de santé (septembre 2009)

→ La redéfinition des missions de service public hospitalier : ouverture et contrainte.

→ Du statut PSPH à celui d’intérêt collectif.

→ Un nouvel acteur au rôle renforcé : le centre de santé.

→ La reconnaissance et le renforcement de l’hospitalisation à domicile.

→ De la validité des autorisations d’activités de soins ou d’équipements matériels lourds.

Le statut et la gouvernance des établissements publics de santé (octobre 2009)

→ Une seule catégorie d’établissements publics de santé : les centres hospitaliers.

→ Un mode de gouvernance se rapprochant du secteur privé.

→ Plan de redressement et administration provisoire.

→ L’agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux.

Comment favoriser les coopérations entre les établissements de santé : incitation positive ou vœu pieu ? (novembre et décembre 2009)

→ Du GIHS à la CHT et du SIH au GCS ou 1970 précurseur de 2009.

→ De 1970 à 1990, trente ans de coopération interhospitalière : entre volonté affichée et réticence des acteurs, un constat en demi-teinte.

→ 1996 ou l’avènement de la coopération hospitalière publique/privée.

→ La coopération interhospitalière au bout de quarante ans : un constat en demi-teinte.

→ D’une démarche volontaire à une démarche imposée.

→ La loi HPST peut-elle réellement favoriser la coopération entre les établissements de santé ?

Le contrat au secours de l’accès aux soins de qualité pour tous ? (janvier 2010)

→ L’organisation de l’offre de soins en fonction des niveaux de recours et des besoins de santé : le contrat au secours de la convention.

→ La répartition “contractualisée” des médecins sur le territoire.

Vers une véritable régionalisation de la santé ? (février 2010)

→ ARS et régionalisation des dépenses de santé : plus de dix ans d’attente.

→ Le niveau national : de la gestion et la décision à la conception et l’expertise, mission impossible ?

Les ARS : pseudo-régionalisation ? (mars 2010)

→ Une certaine vision de l’ARS développée en 2002.

→ Un champ d’intervention beaucoup plus large que la production des soins.

→ Un mode de gouvernance centré sur une seule personne : le directeur général.

→ Un établissement public de gestion plutôt qu’une administration de mission.

Les ARS entre régionalisation, concurrence et contractualisation (avril 2010)

→ Contractualisation, tarification à la pathologie et mise en concurrence.

→ Mise en concurrence organisée au sein des territoires de santé.

→ Vers une nouvelle planification sanitaire contractualisée.