La loi HPST en ordre de marche - Objectif Soins & Management n° 188 du 01/08/2010 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 188 du 01/08/2010

 

Actualités

Joëlle Maraschin  

FONCTIONNEMENT → Avec la publication en juin des derniers décrets d’application de la loi HPST, la gouvernance hospitalière est remaniée en profondeur. La question de la place des cadres dans la nouvelle organisation est plus que jamais d’actualité.

D’après la ministre de la Santé, qui a présenté le 28 juillet dernier en Conseil des ministres le bilan de la loi dite HPST (pour Hôpital, patients, santé et territoires), près de 160 textes d’application de la loi ont d’ores et déjà été publiés.

« Avec la mise en place, au début du mois d’avril, des agences régionales de santé, puis celle de la nouvelle gouvernance hospitalière, les éléments les plus structurants de la réforme sont entrés en application, a souligné Roselyne Bachelot-Narquin. Désormais, la politique de santé peut s’appuyer sur un pilotage régional transversal au domaine sanitaire et au domaine médico-social et sur des établissements hospitaliers dont le management a été renforcé. »

Un directeur puissant assisté d’un directoire

La loi HPST renforce en effet de façon importante le pouvoir des directeurs d’établissements. Le conseil d’administration ayant disparu, ceux-ci ont désormais entière compétence pour définir l’organisation de leur hôpital en pôles d’activité.

Le directeur d’établissement gère les ressources humaines nécessaires à la mise en œuvre du projet d’établissement et propose au Centre national de gestion (CNG) la nomination des praticiens, directeurs adjoints et directeurs de soins. Il est assisté dans ses fonctions d’un directoire qu’il préside. Le directoire remplace le conseil exécutif, mais il n’est pas investi de pouvoirs décisionnels au sens juridique. C’est au directeur de prendre ses décisions après concertation du directoire. Le directoire est composé d’une majorité de médecins. Certains sont membres de droit comme le président de la Commission médicale d’établissement (CME), d’autres sont nommés par le directeur.

Le conseil de surveillance instance de contrôle

Le conseil de surveillance remplace le conseil d’administration. Ses missions sont recentrées sur les orientations stratégiques et le contrôle de la gestion de l’établissement.

Le conseil de surveillance comprend trois collèges où siègent des représentants des collectivités territoriales, des représentants des personnels de l’établissement et des personnalités qualifiées, dont des représentants d’usagers. La CME, la Commission des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques (CSIRMT) et le Comité technique d’établissement (CTE) deviennent effectivement des instances consultatives, représentées au conseil de surveillance.

En dépit de la crainte des élus locaux d’être écartés du pilotage de l’hôpital, les maires ont été élus dans neuf cas sur dix à la présidence des présidents des conseils de surveillance. Sur les 32 CHU, seuls l’Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) et le CHU de Clermont-Ferrand ont opté pour une personnalité qualifiée.

Les directeurs des soins membres du directoire

Les présidents des CSIRMT sont membres de droit du directoire. La notion d’autorité hiérarchique des directeurs des soins sur les cadres de santé disparaîtrait dans le décret d’application, qui n’était toujours pas publié fin juillet. Il est du ressort du directeur d’établissement de déléguer son autorité. Là encore, il est laissé la plus grande liberté au directeur pour organiser la gouvernance au sein de son établissement.

Les chefs de pôle nommés par le directeur

Le décret du 11 juin 2010 définit le contrat de pôle d’activité clinique et médico-technique. Il fournit également les modalités de nomination des chefs de pôles ainsi que celles des responsables de structure interne, service et unité fonctionnelle. Les chefs de pôle sont nommés par le directeur de l’établissement à partir d’une liste de candidats présentée par le président de la CME et du doyen dans les CHU. Le chef de pôle exerce la responsabilité du pôle dont il a la charge. Il est doté d’une autorité fonctionnelle sur tous les personnels exerçant dans le pôle. Le texte prévoit que le chef de pôle peut être assisté dans l’exercice de ses fonctions par un ou plusieurs collaborateurs dont il propose la nomination au directeur d’établissement. Si le pôle comporte une unité obstétricale, l’un de ses collaborateurs est une sage-femme. Le terme “cadre de santé” n’est pas mentionné s’agissant des autres unités. Le chef de pôle a de fait toute latitude pour s’entourer ou non d’un cadre paramédical de pôle.

Une indemnité en fonction des résultats

Un arrêté du 11 juin fixe l’indemnité et la formation obligatoire des chefs de pôles. Cette indemnité prévoit une part fixe mensuelle d’un montant de 200 euros mais aussi une part variable annuelle d’un montant maximum de 2 400 euros déterminé par le directeur de l’établissement en fonction de la réalisation des objectifs figurant dans le contrat de pôle.

Le contrat de pôle

La loi HPST ne fait plus mention de projet de pôle mais de contrat. Ce contrat définit le champ et les modalités d’une délégation de signature accordée au chef de pôle.

Le chef de pôle pourra engager des dépenses dans les domaines suivants : crédits de remplacement des personnels, des médicaments et de dispositifs médicaux, dépenses à caractère hôtelier, d’entretien et de réparation des équipements, formation de personnel.

Le contrat précise également le rôle du chef de pôle dans la gestion du tableau prévisionnel et la répartition des moyens humains dans le pôle, la gestion des tableaux de service des personnels médicaux et non médicaux, l’affectation des personnels au sein du pôle… En vertu des contrats de pôle, l’affectation des ressources humaines à l’intérieur de chaque pôle sera dévolue totalement ou en partie au chef de pôle. À noter que la loi ne prévoit pas de faire participer les cadres de santé à l’élaboration des contrats de pôle.

Expérimentations pour valoriser les cadres

La mission menée l’an dernier par Chantal de Singly avait souligné la nécessité de repositionner les cadres dans l’institution hospitalière. La loi HPST ne mentionne pas les cadres de santé, mais plusieurs directions hospitalières ont cependant mis sur pied des dispositifs pour valoriser les missions de leurs cadres.

Ainsi, au CH du Mans, le directeur général a installé un collège de l’encadrement. Il réunit l’ensemble des 200 cadres de l’hôpital toutes filières confondues, soignante, administrative et médico-technique. Le bureau de l’encadrement, instance représentative du collège des cadres, peut émettre des avis sur l’institution et les différents projets. « L’enjeu est de permettre aux cadres de participer aux processus de décisions », a souligné Philippe Roussel, directeur général du CH du Mans, lors d’une conférence organisée en mai dernier dans le cadre du salon Hôpital Expo.

Peu favorable à la multiplication des instances, la direction du CHR de Metz-Thionville a quant à elle préféré définir une politique globale de valorisation des cadres. Il s’agit notamment de veiller à une véritable parité cadres-médecins dans toutes les commissions institutionnelles de l’hôpital. L’association des cadres aux processus de décision a été affirmée à travers l’inscription de cette politique managériale dans le projet d’établissement, la mise en place d’un référent cadre pour EPP (Évaluation des pratiques professionnelles), y compris médicale, l’association des cadres aux contrats de pôle.

Hormis ces quelques initiatives, reste à savoir si la parole des cadres sera prise en compte dans la nouvelle gouvernance hospitalière. Nul doute que cela dépendra également des volontés personnelles des chefs de pôle de travailler ou non avec les cadres de santé.