Objectif Soins n° 189 du 01/10/2010

 

Qualité, hygiène et gestion des risques

Sadia Bérard  

INDICATEUR → Le pôle de pédiatrie générale et multidisciplinaire de l’hôpital Necker-Enfants-malades regroupe six services(1) spécialisés en médecine pédiatrique et est encadré par quatre cadres supérieurs et treize cadres de santé infirmiers de proximité. Le fonctionnement par pôle et les réunions de cadres permettent d’aborder régulièrement en équipe des sujets relevant de la qualité, des ressources humaines et de la logistique.

Parmi ces grands domaines transversaux, la qualité : nous avons choisi de traiter le problème des erreurs de soins et de la disparité entre les unités pour ce qui est du traitement par les cadres de santé (CS) de ces dysfonctionnements. En effet, de la simple information notée par le cadre, au rapport écrit transmis à la direction des soins de l’hôpital, en passant par le signalement sur Osiris(2), la gestion des erreurs de soins n’était pas traitée de la même façon dans les différentes unités qui composent notre pôle, le pôle 1.

Nous avons donc décidé de constituer un groupe de travail (cinq CS du pôle 1(3)), afin de créer un outil permettant aux CS d’analyser les erreurs de soins de façon homogène sur le pôle et pour les aider à déterminer les mesures correctrices à mettre en place immédiatement au niveau du service.

DÉROULEMENT DE LA DÉMARCHE

Les débuts du groupe n’ont pas été très faciles car nous voulions donner une définition commune de “l’erreur de soin”. Or le champ est vaste et la liste longue. Les erreurs dans les soins peuvent concerner les soins non conformes à la prescription (non-respect de la dose, mauvais médicament, erreur de voie d’administration…), les erreurs dans la prescription médicale, les soins non faits ou non tracés, les défauts de surveillance ou encore les glissements de tâches. De plus, nous avions le souci d’essayer de distinguer les erreurs graves de celles qui nous semblaient moins préjudiciables pour le patient. Mais, là aussi, nous étions confrontés à la difficulté de trouver un consensus pour estimer les degrés de gravité des erreurs de soins. Nous nous retrouvions dans l’impasse et nous avons décidé de faire appel à l’ingénieur qualité de l’hôpital pour nous guider dans la démarche. Elle nous a conseillé de commencer par un recensement des erreurs de soins survenant dans nos unités respectives, et de relever celles ayant fait l’objet d’une déclaration sur Osiris. Ceci pour savoir de quelles erreurs nous parlions, mais aussi pour en déterminer la fréquence. En parallèle, nous avons travaillé avec elle à la construction d’une grille basée sur la méthode de l’analyse systémique comportant les éléments importants à relever pour “décortiquer” les faits et ensuite pouvoir en déterminer les causes. L’analyse systémique est, comme l’explique Joël de Rosnay, « une nouvelle méthodologie permettant de rassembler et d’organiser les connaissances en vue d’une plus grande efficacité de l’action »(4). Il s’agissait pour nous de cerner objectivement les faits dans leur contexte, pour discerner les causes de l’incident et parvenir à proposer des mesures correctrices adaptées à la situation. Lorsque la grille d’analyse fut créée, nous l’avons présentée et expliquée à nos collègues du pôle. Après avoir apporté quelques corrections, nous avons décidé en réunion que tous les CS du pôle devaient l’utiliser pour analyser les erreurs de soins survenant dans leur service respectif. Bien sûr, la déclaration sur Osiris devait se faire en parallèle.

MISE EN PLACE DE L’OUTIL

Nous avions atteint notre premier objectif : mettre en place un outil pour uniformiser la pratique des cadres face aux erreurs de soins dans le pôle 1.

La suite de notre démarche devait consister à faire un recensement sur le pôle 1 des fiches d’analyses réalisées, ainsi que les déclarations Osiris.

Nous avons donc laissé passer plusieurs mois avant de les regrouper et de les analyser. Entre-temps, l’équipe de cadres a changé, l’ingénieur qualité a pris d’autres fonctions et nous n’avons pas pu avancer comme nous l’escomptions. Il faut dire que “la culture du signalement” est quelque chose d’assez nouveau dans la pratique soignante et que la démarche d’analyse nécessite du temps, de la formation ou au moins un accompagnement méthodologique.

Huit mois plus tard, sur dix-sept déclarations Osiris relatives aux complications liées aux soins, seulement sept avaient été analysées à l’aide de la grille élaborée par le groupe. Les premiers résultats nous donnaient cependant quelques pistes de travail :

→ quatre erreurs de débits ;

→ deux défauts de surveillance de ­perfusions périphériques ;

→ une erreur de voie d’administration de médicament.

À partir de ce premier constat, le groupe “analyse des erreurs de soins” a proposé de rédiger des recommandations concernant ces trois types d’erreurs. Les recommandations seront par la suite communiquées aux équipes du pôle et mises en place dans toutes les unités afin d’uniformiser les pratiques de soins et d’éliminer les causes de ces dysfonctionnements.

PRÉSENTATION DE LA GRILLE

À l’automne 2009, la direction des soins nous a demandé de présenter notre démarche et notre outil à l’ensemble des cadres de l’hôpital Necker. La grille d’analyse des erreurs de soins a été validée par le service qualité et gestion des risques. Depuis, elle est disponible sur l’Intranet de l’établissement pour que l’ensemble des CS puissent l’utiliser. Cette grille d’analyse, qui avait pour principal objectif d’aider à uniformiser la pratique en matière de gestion des erreurs de soins, pourra également constituer une aide dans la gestion du personnel et dans l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins dans nos unités.

→ Aide dans la gestion du personnel : à l’heure où l’on sollicite la mobilité des agents sur les pôles, où des équipes du pool de nuit et de longue suppléance de jour travaillent dans les différents services, il devient important qu’en cas de dysfonctionnement au niveau des soins, les personnels soient face à un encadrement qui aura la même démarche dans la gestion de ces accidents. De plus, les entretiens d’évaluation annuels pourront aussi être un temps où le soignant et le CS feront le point sur l’application des mesures correctrices établies lors de l’analyse d’une erreur survenue dans l’année et de (re)fixer des objectifs en lien avec la situation vécue.

→ Aide dans l’amélioration de la qualité des soins : la compilation des analyses, avec la mise en évidence des causes et l’application des mesures correctrices, vont contribuer à uniformiser les pratiques soignantes. Ainsi, on pourra définir les Évaluations des pratiques professionnelles (EPP) à conduire en fonction des soins qui ont fait l’objet de signalement et d’analyse, et que l’on veut voir s’améliorer. Et c’est bien le but de l’approche systémique, qui « n’a d’intérêt que si elle débouche sur l’opérationnel. En favorisant l’acquisition des connaissances et en permettant d’améliorer l’efficacité de nos actions »(4).

→ Aide aussi pour les cadres : ils peuvent s’appuyer sur un outil qui permet de conduire les entretiens avec les soignants concernés par une erreur dans les soins. La démarche d’analyse systémique des événements indésirables commence tout juste à se mettre en place à l’hôpital. C’est une démarche qui demande du temps et une certaine rigueur dans l’application du processus. La démarche d’analyse, encore souvent confondue (et mal vécue) avec la recherche de la faute, n’est pas évidente à initier dans les unités. C’est donc de la volonté des cadres d’aller jusqu’au bout à chaque fois, de la communication dans les équipes et de l’obtention des résultats, visibles dans les soins au quotidien, que va dépendre son implantation dans la pratique courante.

NOTES

(1) Pôle de Pédiatrie multidisciplinaire : Pédiatrie Générale, Pneumologie et Dermatologie, Neurologie et Maladies métaboliques et endocrinologiques, immuno-hématologie pédiatrique, Hôpital de Jour diagnostic et thérapeutique, Consultations pédiatriques.

(2) Osiris : logiciel en ligne sur l’intranet de l’hôpital pour la déclaration des évènements indésirables.

(3) Groupe de travail : Sadia Berard, Claire Elisa, Catherine Ponsart, Catherine Pujau, Colette Venaille.

(4) Le macroscope – Vers une vision globale. Joël de Rosnay (02-1977).

Présentation de l’outil

La grille d’analyse comprend quatre parties :

→ le recueil des informations contextuelles (erreur constatée);

→ la description des faits (ce qui s’est passé) par toutes les personnes concernées ;

→ la recherche des causes (immédiates et profondes) dans un cadre défini ;

→ la proposition des corrections, mise en place et suivi.

Il est convenu que cette analyse soit réalisée, si possible, dans les 48-72 heures qui suivent l’événement. La déclaration sur Osiris peut être immédiate ou dans le même délai.