Objectif Soins n° 190 du 01/11/2010

 

Cahier du management

Bertrand Rose  

Il y a trois ans, sous l’impulsion de la direction des soins, très sensibilisée par la prévention du risque de chute des patients, un groupe de travail pluridisciplinaire s’est constitué. L’objectif affiché était d’identifier les risques de chutes afin de mieux les prévenir.

La direction des soins ne disposait d’aucune donnée à propos des patients victimes de chutes. Il n’existait pas de déclaration des accidents, seuls quelques rapports circonstanciés faisaient état de situations graves, c’est-à-dire de chutes avec conséquences physiques, susceptibles de poursuites judiciaires.

Deux éléments étaient alors explorés : la qualité de la surveillance et le respect des obligations en matière de sécurité.

La prise en compte de l’importance de la problématique nécessitait de mettre en place une réelle réflexion collective placée sous l’angle de la gestion des risques à l’hôpital.

Présenté en réunion des cadres de santé et en Commission de soins, le projet a suscité de nombreux débats. Pourquoi déclarer institutionnellement les chutes, alors que la plupart étaient consignées dans le dossier de soins ?

MISE EN PLACE ET CADRAGE DU PROJET

Le groupe de travail – composé de cadres de santé, d’infirmières, d’aides-soignants, de médecins, de kinésithérapeutes et d’ergothérapeutes – s’est constitué, représentant ainsi l’ensemble des secteurs du Centre hospitalier. Un médecin gériatre y a été associé, compte tenu de l’importance des chutes parmi la population âgée.

Un véritable plan de communication a été organisé autour du projet.

L’adhésion des responsables de service a été recherchée.

Création d’une fiche : évaluation des chutes

Le groupe chute a établi une fiche de signalement intégrant le questionnement sur toutes les circonstances entourant la chute afin d’explorer les facteurs du risque et les moyens de prévention.

Les éléments spécifiques relatifs au patient étaient renseignés à partir d’une liste : existait-il un problème habituel de mobilité, de désorientation, un trouble de comportement ? Un moyen de contention avait-il déjà été mis en place ?

La fiche permettait également de relever l’ensemble des éléments relatifs à l’environnement, à la situation physique et mentale du patient au moment de la chute.

Cette fiche de recueil a été diffusée à l’ensemble des services de l’établissement (mise à disposition papier mais aussi électronique par le biais de l’Intranet) avec consigne de la renseigner systématiquement après chaque chute pendant quatre mois (cf. la grille d’analyse d’une chute page 35).

Une évaluation a été menée pendant cinq mois sur l’ensemble des services.

Chaque chute de patient devait faire l’objet d’un signalement écrit consigné sur la fiche servant de recueil de données. Les circonstances de la chute et le profil des patients étaient recherchés.

Résultats

Les modalités de recueil et le traitement des données ont été réalisés par le groupe, en lien avec la cellule qualité de l’établissement.

Informations générales

Cette répartition correspond au ratio homme/ femme retrouvé dans la population âgée (cf. histogramme sur les tranches d’âge en bas de page).

Sans surprise, la majorité des chutes concerne les personnes âgées de plus de 70ans (82,9 % en tout) avec un pic dans la population des 80-85ans (cf. graphique “conséquences immédiates colonne suivante). Dans la plupart des cas (62,3 %), la chute a une conséquence de type “plaie”, douleur ou hématome et ce d’autant plus qu’il s’agit d’une population âgée.

Les conséquences graves de type fracture restent heureusement rares.

Quels facteurs de risques ?

→ Mobilité

Un trouble de la mobilité est retrouvé dans deux tiers des cas.

→ Désorientation confusion et agitation

Dans plus de la moitié des cas, il existe des troubles à type de désorientation.

La confusion et l’agitation majorent encore le risque de chute.

→ Antécédents de chute

Cet élément est retrouvé dans la moitié des cas. Il s’agit par ailleurs d’un élément très important car il constitue un facteur de risque de récidive significatif, souvent décrit dans la littérature.

→ Troubles visuels

Ce facteur est mentionné une fois sur deux dans le recueil.

→ Circonstances de la chute

Les circonstances sont parfois difficiles à établir par les équipes. Le plus souvent, le patient s’est levé de sa propre initiative pour aller aux toilettes, et ce, à partir du lit ou du fauteuil. Aucun horaire de prédilection n’a pu être établi.

RÉALISATION D’UN PLAN D’ACTIONS

Après analyse des résultats centrée sur les causes, des axes de travail ont été déclinés par les membres du groupe.

Favoriser la remise à la marche précoce

Recenser du matériel disponible pour la remise à la marche

Le nombre de matériel s’avérait suffisant dans l’établissement, mais le mode de stockage et de distribution nécessitait d’être revu.

Enclencher la reprise de la mobilité en recherchant l’autonomie

Dans ce cadre, le groupe a listé les actions qui suivent :

→ identifier les besoins en kinésithérapie si nécessaire ;

→ inciter les personnels à faire marcher les patients sur des petits trajets quotidiens ;

→ former les personnels à la manutention des patients, à l’usage du matériel de levée, aux moyens et limites de la contention.

Sensibiliser à l’installation et aux risques liés à l’environnement proche du patient

Il s’agirait d’attirer l’attention des soignants sur les points suivants :

→ prendre le temps de présenter la chambre du patient dès l’entrée ;

→ attirer systématiquement l’attention du patient sur le mobilier à roulettes ;

→ déblayer l’encombrement des chambres pour éviter les chocs lors des déambulations ;

→ améliorer l’éclairage, en tenant compte des difficultés visuelles ;

→ veiller en permanence à la proximité des moyens d’appel et des effets personnels ;

→ veiller à la proximité d’aide technique à la marche et à un chaussant adapté.

Protocoliser la prévention des chutes avec la création d’outils

La prévention des chutes passe tout d’abord par le repérage des personnes à risque. Il s’agit donc de mobiliser les soignants mais aussi d’informer et de mettre en garde les familles dès que le risque est identifié. Une fois le risque repéré, le protocole aide le soignant à mettre en œuvre les actions préventives.

Identifier les patients à risque

Dès l’entrée du patient, le risque avéré de chute est tracé dans le dossier sur la fiche “connaissance de la personne”. Un outil visuel aide au repérage des facteurs de risque. Il est affiché dans les salles de soins.

Mettre en place les actions préventives

Des lors que des facteurs de risque sont repérés, les actions préventives ciblées sont mises en place et tracées dans le dossier de soins. L’outil “risques de chute et vigilances” reprend de façon simplifiée et visuelle ces actions, listées dans le référentiel.

Mobiliser les soignants et les familles

Deux outils visuels ont été mis en place dans les services à l’intention des soignants mais aussi des familles. Les vigilances ciblées “pour prévenir la chute” (cf. page 36) ; l’usage des bonnes chaussures : “exemple de chaussure adaptée” (cf. ci-dessous).

Diffusion du protocole

Communication interne

Les membres du groupe se sont rendus par binôme dans chaque unité de soins du centre hospitalier, pour présenter le travail ainsi que pour expliquer la démarche et les outils développés. C’est un moment riche d’échanges, permettant d’explorer de nombreuses problématiques liées au déficit de mobilité et d’interroger notamment les indications et modes de contention.

Affichage dans les services

Les outils ont été affichés dans les salles de soins. L’usage de ces outils (recommandations de bonnes chaussures et fiche de vigilance ciblée) est laissée à la libre appréciation des soignants et du cadre de santé de l’unité

Diffusion du protocole dans la base intranet de l’établissement

L’ensemble des documents est disponible dans l’intranet. La prochaine étape du travail concernera l’évaluation de la connaissance du protocole et l’utilisation des outils. Chaque année, le recensement des chutes sur les Fiches d’événement indésirable (FEI) permettra d’évaluer le bénéfice de ce travail, l’évolution du nombre de chutes ainsi que leur déclarations.

CONCLUSION

Depuis la mise en place de la FEI, l’établissement recense les chutes. Le groupe multidisciplinaire, constitué pour ce travail sur les chutes, analyse toutes les FEI relatives au sujet et se réunit de façon régulière. Les causes des chutes sont classées. Actuellement, nous assistons à une augmentation des FEI relatives aux chutes. Ceci ne témoigne pas pour l’instant d’une recrudescence de chutes, mais plutôt d’une prise de conscience des soignants de l’importance du signalement pour améliorer la prévention. À ce jour, les résultats de l’évaluation sont connus de tous et les axes d’amélioration sont validés par les professionnels et les instances. La direction de soins veille à la continuité de la démarche.

1 Groupe de travail : Direction des soins du CH Béthune : A. Savinel. Membres du groupe : Dr Cachia, M. Rose, Mme Becourt, Mme Bel, Mme Delmotte, Mme Dhaisne, Mme Dupont, M.Flament, Mme Kobedza, MmeRatajczak, Mlle Wicquart.

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