Objectif Soins n° 190 du 01/11/2010

 

Qualité, hygiène et gestion des risques

Pascale Thiau*   Marina Vignot**  

ANALYSE → La glycémie capillaire, geste courant et simple, nécessite une bonne maîtrise technique, afin d’optimiser l’éducation thérapeutique du diabétique. Cet article a pour intention de faire un retour d’expérience sur l’évaluation des pratiques professionnelles (EPP) et plus particulièrement sur la glycémie capillaire pratiquée dans le pôle endocrinologie du groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière.

La direction des soins a proposé en 2007 au pôle d’endocrinologie (qui se compose des services d’endocrinologie-prévention cardiovasculaire, médecine de la reproduction, diabétologie et nutrition) de mener une EPP sur la glycémie capillaire avec pour objectif l’amélioration continue des pratiques professionnelles.

CONTEXTE

Face à la fréquence de ce geste au sein du pôle d’endocrinologie, le bureau exécutif a mentionné cette évaluation de pratiques professionnelles au contrat de pôle.

L’objectif est double : il s’agit d’évaluer, d’une part, la conformité des pratiques professionnelles au regard de la fiche technique de l’hôpital intitulée « Soin et hygiène lors d’une glycémie capillaire » révisée en octobre 2007 mais aussi, d’autre part, d’améliorer la qualité des soins dispensés aux patients.

Rappelons que l’EPP est incluse dans le manuel de la certification V2 de la Haute Autorité de santé (HAS). La HAS souhaite par la certification favoriser l’intégration des démarches d’EPP dans le quotidien des professionnels et l’acquisition d’une culture pérenne de l’évaluation.

Critère d’évaluation

La certification est une évaluation. Elle a pour but d’assurer la sécurité et la qualité des soins. Elle incite à une amélioration continue de la qualité.

Dans le manuel de certification, un critère d’évaluation de la pratique professionnelle est l’énoncé d’un moyen ou d’un élément permettant de satisfaire une référence, c’est-à-dire une source d’information validée.

Selon les recommandations de la HAS, un critère se mesure. Il est caractérisé par une acceptabilité et une faisabilité fortes pour la mise en œuvre.

Cette mesure permet :

→ d’évaluer les pratiques professionnelles réelles ;

→ de les comparer à une pratique attendue ;

→ de mettre en œuvre des actions d’amélioration visant à faire converger la pratique constatée vers la pratique attendue.

Les critères de la certification dédiés à l’EPP sont le Référentiel de 2009 avec les critères de juin 2008.

Référence 28 : l’évaluation des pratiques professionnelles

→ Critère 28.a : Mise en œuvre des démarches d’EPP.

→ Critère 28.b : Pertinence des soins.

→ Critère 28.c : Démarche EPP liées aux indicateurs de pratique clinique.

MÉTHODOLOGIE

Cette évaluation des pratiques professionnelles est réalisée auprès des patients diabétiques valides et non valides.

Ces derniers sont hospitalisés dans le pôle pour plusieurs motifs :

→ découverte de diabète ;

→ éducation thérapeutique ;

→ suivi de diabète de typeI et II ;

→ diabète gestationnel.

L’EPP glycémie capillaire est réalisée en trois temps : premier audit, T1 ; second audit, T2 ; troisième audit, T3 (cf.tableau page suivante).

Les auditeurs sont des cadres et des infirmières du pôle endocrinologie.

Quarante observations croisées ont été effectuées pour chaque temps. En pratique, les cadres du pôle n’évaluaient pas dans leur service d’affectation.

Le public audité est composé d’infirmières et d’étudiants en soins infirmiers dans les secteurs d’hospitalisation conventionnelle, de semaine et de jour.

Les T1 et T2 sont réalisés dans la même période pour les services d’endocrinologie-prévention vasculaire, endocrinologie-médecine de la reproduction et diabétologie.

Le service de nutrition a été audité en décalé compte tenu de son arrivée sur le groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière (GHPS) en juillet 2007.

Le T3 est réalisé sur la même période pour les quatre services.

T1 ET T2 : UNE GRILLE DE QUATRE PARTIES

Une première grille d’audit est élaborée et validée avec la direction des soins du GHPS. Elle est utilisée pour le T1 et le T2.

Respect des consignes d’hygiène définies dans la fiche technique

→ Le soin est effectué par une infirmière diplômée d’État (IDE).

→ Lavage simple des mains au savon doux ou friction avec une solution hydro-alcoolique.

→ Patient valide : il effectue un lavage simple des mains.

→ Patient non valide : un lavage simple des mains au savon doux est effectué par un soignant.

→ Patient non valide : le site de ponction est nettoyé avec une compresse imbibée de savon liquide.

→ Le site de ponction est séché.

Réalisation du soin

→ L’IDE informe le patient du soin.

→ L’IDE met des gants à usage unique non stériles, non poudrés.

→ Le doigt du malade est piqué avec une lancette.

→ L’IDE pique le doigt du patient sur le bord externe.

→ La pince est préservée.

→ L’IDE jette immédiatement le dispositif de prélèvement dans le collecteur à objets piquants.

→ L’IDE protège le doigt du patient avec une compresse sèche.

→ L’IDE informe le patient du résultat.

→ L’IDE réalise une désinfection de ses mains à la fin du soin.

→ L’IDE note le résultat sur le dossier de soin à la fin du soin.

Nettoyage désinfection de l’appareil

→ L’IDE met des gants à usage unique non stériles pour la désinfection.

→ Le nettoyage de l’appareil est effectué après le soin.

→ L’IDE insiste sur le tour de la loge qui reçoit la bandelette.

→ Utilisation de détergent désinfectant pour dispositifs médicaux.

Contrôle qualité

→ Est effectué une fois par semaine.

→ La traçabilité du contrôle qualité est effective.

T3 : UNE AUTRE GRILLE

Le T3 est basé sur l’utilisation d’une nouvelle grille d’audit car certains critères d’évaluation ne correspondaient plus à la pratique de soins et aux caractéristiques des nouveaux lecteurs de glycémie capillaire.

Si les quatre grands items restent inchangés, quelques critères ont été retirés ou modifiés dans la grille pour le T3.

→ L’IDE pique le bord externe du doigt : ce critère n’est plus d’actualité selon les recommandations des diabétologues.

→ La pince est préservée : ce critère est supprimé selon les recommandations de bonnes pratiques de l’Alfédiam paramédical (Association de langue française pour l’étude du diabète et des maladies métaboliques).

→ L’IDE note le résultat sur le dossier de soins à la fin du soin : le critère est remplacé par « l’IDE note immédiatement le résultat dans le dossier de soins ».

→ L’IDE insiste sur le tour de la loge qui reçoit la bandelette : le critère est supprimé car les nouveaux appareils n’ont plus de loge.

Et d’autres critères ont été rajoutés.

→ Il existe un référent dans le service pour le contrôle qualité.

→ L’IDE sait faire le contrôle qualité.

RÉSULTATS ET MESURES CORRECTIVES

Les résultats sont présentés de manière synthétique.

Tout d’abord :

→ présentation des évolutions positives et favorables ;

→ puis suivi des évolutions décroissantes.

Résultats croissants

→ Lavage simple des mains du patient non valide.

→ Le site de ponction est séché.

→ L’IDE met des gants à UU pour le soin.

→ L’IDE protège le doigt du patient avec une compresse sèche.

→ Le nettoyage de l’appareil est effectué après le soin.

→ Utilisation de détergent désinfectant pour dispositifs médicaux.

→ Le contrôle qualité est effectué une fois par semaine.

Résultats décroissants

→ L’IDE jette immédiatement le dispositif de prélèvement dans le collecteur à objets piquants.

→ L’IDE réalise une désinfection de ses mains à la fin du soin.

→ L’IDE met des gants à usage unique pour la désinfection de l’appareil.

→ Lavage simple des mains au savon doux liquide ou friction des mains au produit hydro-alcoolique.

→ L’IDE note immédiatement le résultat dans le dossier de soins.

Au regard de ces résultats décroissants, des axes d’amélioration s’imposent.

Axes d’amélioration

→ Élimination immédiate du dispositif de prélèvement dans le collecteur à objets piquants.

→ Utilisation d’un chariot muni d’un collecteur pour effectuer le soin, si un collecteur ne se trouve pas dans la chambre du patient.

→ Mise à disposition d’un collecteur de petite taille dans chaque chambre de patient : seuls les secteurs de diabétologie sont équipés, car le geste y est plus fréquent que dans les autres services.

→ Hygiène des mains en fin du soin.

→ Formation « hygiène des mains » dispensée aux agents du pôle d’avril et novembre 2009 par l’équipe opérationnelle d’hygiène et la cadre responsable en transversalité de l’hygiène sur le pôle.

→ Désinfection du lecteur de glycémie avec gants à usage unique.

→ Rappel sur l’importance de l’utilisation de gants pour protéger les mains lors de l’utilisation de produit détergent désinfectant.

→ Utilisation d’un produit hydro-alcoolique en remplacement du lavage simple des mains au savon doux liquide.

→ Formations dispensées par les cadres hygiénistes dans l’hôpital et au sein du pôle entre avril et novembre 2009. Toutefois, nous n’avons pas constaté d’amélioration notable entre le T1 et le T3.

→ Traçabilité immédiate du résultat dans le dossier de soins.

Les résultats restent perfectibles.

RÔLE DES CADRES DE SANTÉ DANS L’EPP

La réussite de la conduite de cette EPP repose aussi sur le rôle-clé des cadres.

Le cadre responsable, en transversalité au sein du pôle, des évaluations des pratiques professionnelles est le garant de la qualité du déroulement de l’audit.

Dans la conduite de l’EPP

→ Rôle organisationnel

– établir un planning pour effectuer les observations croisées avec une date de début de l’audit et la durée de l’évaluation auprès de tous les cadres des secteurs du pôle ;

– récupérer toutes les grilles d’observations : s’assurer que le nombre d’observations soit suffisant afin d’avoir un minimum de dix observations par service, soit quarante au total, conformément aux préconisations de la HAS.

→ Rôle d’accompagnement

Répondre aux questions sur la grille d’observations.

Dans l’analyse des résultats

Au sein du pôle, l’analyse des résultats se fait en partenariat avec le cadre référent Qualité.

→ Analyser les résultats.

→ Réaliser un PowerPoint avec les résultats chiffrés de l’analyse pour présentation aux cadres et aux équipes soignantes.

→ Mettre en place des actions d’amélioration.

→ Présenter les résultats en comité commun de pôle et au personnel soignant. Ces résultats sont diffusés dans tous les secteurs du pôle.

→ Planifier un nouvel audit l’année suivante pour connaître les améliorations.

CONCLUSION

Cette évaluation des pratiques professionnelles nous a conduit à comparer la pratique constatée à celle souhaitée dans les recommandations professionnelles.

La réalisation de ces trois temps a permis de mettre en place des actions d’amélioration et d’avoir une réflexion sur cette pratique professionnelle, qu’est la glycémie capillaire. Ce geste étant très fréquent au sein du pôle, l’équipe d’encadrement doit s’assurer au travers de cette évaluation des soins, que le geste est bien maîtrisé par l’équipe infirmière, afin d’assurer une bonne éducation thérapeutique pour les patients.

L’analyse des résultats de cette EPP met en évidence des points positifs et permet de mettre en place des actions correctives. On remarque globalement une bonne progression entre le T1 et le T3.

Le pôle endocrinologie s’inscrit depuis trois ans dans une démarche d’évaluation des pratiques professionnelles.

Nous avons fait, dans un premier temps, l’évaluation du geste infirmier glycémie capillaire, qui est enseignée aux patients diabétiques au cours de leur éducation thérapeutique.

Il est prévu d’axer maintenant notre EPP sur une toute autre pratique professionnelle et non moins utile pour l’éducation thérapeutique : la technique d’injection d’insuline.