Un plan pour que la santé des détenus sorte de l’ombre - Objectif Soins & Management n° 191 du 01/12/2010 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 191 du 01/12/2010

 

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MESURES → Plus de quinze ans après la loi ayant confié aux hôpitaux la prise en charge sanitaire des personnes détenues, les ministères de la Santé et de la Justice viennent d’adopter le premier plan d’actions stratégiques pour améliorer la santé de la population carcérale.

Doté d’une enveloppe de 300 millions d’euros, ce plan 2010-2014 est destiné à améliorer la santé et l’accès aux soins des 60 000 personnes écrouées détenues en France, selon les derniers chiffres du ministère de la Justice.

Une santé fragile

La politique mise en œuvre est partie d’un constat parfois oublié : les personnes détenues sont loin d’être en bonne santé physique et psychique. Le nombre de décès par suicide est en constante augmentation : il y a six fois plus de suicidés parmi les détenus que parmi les hommes “libres”. En effet, leur santé mentale est particulièrement fragile ou fragilisée. Près de 18 % d’entre eux présentent un état dépressif majeur, 12 % une anxiété généralisée et 4 % une schizophrénie nécessitant un traitement. Les poly-addictions sont fréquentes, que ce soit pour le tabac, l’alcool, les psychotropes ou les drogues illicites pour les entrants.

Outre les troubles mentaux, les prévalences des infections par le VIH et ou le VHC sont particulièrement préoccupantes puisqu’un peu plus d’un détenu sur vingt est concerné. L’incidence de la tuberculose est huit à dix fois supérieure à la moyenne nationale.

Des mesures à consolider

Le plan d’actions repose en grande partie sur un socle de mesures déjà en cours, mais qui doivent être consolidées ou adaptées. Il comprend des mesures concrètes, telles que distribution de préservatifs, gel et matériels stériles de tatouage et de percing pour prévenir les infections, dépistage des cancers du sein et du col de l’utérus pour les femmes détenues et dépistage du cancer colorectal pour les plus de 50 ans, examen bucco-dentaire à l’entrée en détention, développement de la télémédecine, préparation de la continuité des soins à la sortie de prison…

Rédaction d’une circulaire de recommandations

En d’autres termes, il s’agit de décliner vers cette population particulièrement vulnérable l’ensemble des plans de santé publique. « Pourquoi les personnes détenues seraient-elles écartées de cette politique de santé ? Pourquoi leur infliger ce qui ressemble bien à une double peine ? », a plaidé Roselyne Bachelot, ministre de la Santé sous le précédent gouvernement. Afin de garantir l’efficience des mesures adoptées, le plan d’actions prévoit de former les médecins comme les professionnels infirmiers aux enjeux sanitaires de la médecine en milieu pénitentiaire. Une circulaire de recommandations à l’attention des directeurs d’Ifsi doit être rédigée en ce sens, le tutorat sera institutionnalisé pour les nouveaux soignants recrutés.

Réagissant à ce plan d’actions, l’Observatoire international des prisons a estimé que les mesures retenues sont intéressantes, tout en regrettant que ce plan n’ait été élaboré uniquement par le ministère de la santé. La loi du 18 janvier 1994 a en effet transféré au seul ministère de la Santé la responsabilité de la prise en charge sanitaire des personnes détenues. Depuis cette réforme, les établissements pénitentiaires disposent d’une unité de consultations et de soins ambulatoires (UCSA), unités hospitalières dépendant directement d’un établissement de santé.